Ceci est une déclaration de la Coalition nationale de lutte contre la vie chère, la corruption, la fraude, l’impunité et pour les libertés (CCVC), sur la situation nationale. Elle dit regretter l’irruption répétée du Regiment de sécurité présidentielle (RSP) sur la scène politique. Elle dénonce par ailleurs, de nombreuses insuffisances dans le procès de Ousmane Guiro. Lisez !
D’abord, la sortie du RSP a eu lieu à Ouagadougou les 29 et 30 juin 2015, à la suite de l’interpellation par la gendarmerie de trois officiers du RSP, dans le cadre d’une enquête sur des rumeurs d’un projet d’arrestation du Premier ministre. En réaction à cette interpellation, des éléments de ce régiment ont organisé des patrouilles armées, des tirs en l’air et des irruptions dans des locaux de radios privées.
Cette énième sortie du RSP, qui a rapidement eu pour effet de plonger une fois de plus le pays dans une profonde crise, indique clairement la lourde menace qu’elle fait peser sur la démocratie, l’état de droit et la paix sociale. Ces actes graves justifient une fois de plus l’impérieuse nécessité de sa dissolution, conformément à nos exigences depuis l’insurrection et à la volonté populaire clairement exprimée à diverses occasions.
Faut-il le rappeler, déjà en 1999, le Collectif des organisations démocratiques de masse et des partis politiques avait exigé la dissolution du RSP. Cette revendication faisait suite à la publication du rapport de la Commission d’Enquête Indépendante mise en place pour enquêter sur l’assassinat du journaliste Norbert Zongo et de ses trois compagnons. Ledit rapport indexait six suspects sérieux appartenant tous au RSP. Elle se fondait par ailleurs sur les tristes faits de cette garde prétorienne mise en place par Blaise Compaoré pour sécuriser son pouvoir (assassinats de Guillaume Sessouma, de Boukary Dabo, de David Ouédraogo, etc.)
L’exigence de la dissolution du RSP, réitérée devant le Collège des sages, a été reprise par celui-ci dans son rapport transmis au Chef de l’Etat, Blaise Compaoré qui, jusqu’à son éviction forcée du pouvoir par l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, a refusé de la mettre en oeuvre.
L’irruption répétée du RSP sur la scène politique nationale remet en surface le péché originel de la transition, en l’occurrence le coup d’Etat militaire perpétré contre le mouvement insurrectionnel et le danger que représente pour la démocratie l’ingérence de l’armée dans la gestion du pouvoir d’Etat.
Il convient ainsi de souligner que les luttes actuelles au sein des forces de défense et de sécurité (FDS) ne sont que le prolongement du coup d’Etat du 1er novembre 2014 et n’ont donc rien à voir avec les intérêts de nos populations.
Dans ce même contexte sociopolitique, le procès Guiro, tenu au cours des assises criminelles de la Cour d’appel de Ouagadougou, du 15 au 30 juin 2015, a révélé de nombreuses insuffisances dans le fonctionnement même de l’institution judiciaire. On peut noter, entre autres, les incertitudes et les insuffisances qui ont caractérisé l’organisation des assises, le faible nombre de dossiers examinés (une vingtaine) pour la première session de l’année judiciaire témoignent des graves dysfonctionnements de l’institution judiciaire qui venait de sortir d’ailleurs d’une paralysie d’un mois, pour cause de grève des greffiers. Cependant, l’élément le plus révoltant de ces assises a été sans nul doute le verdict prononcé par la Cour.
Reconnu coupable de corruption passive portant sur la somme de 900.000.000 de F CFA, M. Guiro n’a écopé que d’une insignifiante peine d’emprisonnement de deux ans assorti de sursis, d’une amende de 10 millions de F CFA et de la confiscation des objets saisis.
Cette décision qui a scandalisé les Burkinabè épris de justice est inacceptable en ce qu’elle constitue, en réalité, une prime à la délinquance économique, particulièrement à la corruption.
Ensuite, des mesures prises au niveau central comme décentralisé, indiquent une tendance à la remise en cause des libertés d’opinion et de manifestation. L’on retiendra à titre d’exemples :
les mesures d’interdictions de manifestations publiques prises par les présidents des délégations spéciales de Namissiguima dans le Yatenga, et de Houndé dans le Tuy, avec à l’appui des arrestations collectives ;
le déguerpissement, soutenu par une répression sauvage, de paysans à Kounkounfouanou dans la province du Gourma, sur instructions des autorités politico-militaires de la transition ;
les arrestations de militants de partis politiques, parfois pour des motifs vagues et inconsistants du type : « activisme politique débordant », « réunions secrètes », « sabotage », « appel à la rébellion » ;
la tentative de suspension des émissions interactives par le Conseil Supérieur de la Communication.
Ces remises en cause des libertés individuelles et collectives sont inacceptables.
Enfin, dans la course effrénée au pouvoir, des responsables politiques se sont négativement illustrés à travers des sorties médiatiques incendiaires. Ceux-ci ont ouvertement cité parmi les moyens devant leur assurer la victoire à l’élection présidentielle à venir, la violence, l’appartenance ethnique, religieuse, régionale. La vive désapprobation de ces écarts par l’opinion nationale, qui témoigne de la veille citoyenne en cette période cruciale, est à saluer. Elle a contraint les auteurs de ces propos à se dédire et les autorités administratives à les rappeler au respect des textes en vigueur.
La CCVC observe que les fortes attentes des populations en matière de lutte contre la corruption et l’impunité sont très peu prises en compte. En dehors de la réouverture des dossiers Norbert Zongo et Thomas Sankara, de quelques interpellations sans suite d’anciens dignitaires, les nombreux dossiers de crimes de sang et de crimes économiques restent presque tous en l’état. Du reste, l’agitation et l’activisme dont font montre les dignitaires du pouvoir déchu sont encouragés par l’impunité dont ils bénéficient et qui les fait rêver d’un retour aux affaires, même si pour cela, il leur faudra mettre le pays à feu et à sang. Pendant ce temps, les populations demeurent soumises à des mesures d’austérité dont sont épargnés les dirigeants, occupés à effectuer d’incessants voyages à l’étranger et à organiser des foires et fora sans impact visible sur le terrain.
Des mesures concrètes contre la vie chère, pour l’amélioration de la santé des populations, contre le chômage massif des jeunes, pour une juste résolution des questions d’eau et d’électricité, de parcelles et de logements, etc., voilà ce qu’attendent, en vain, nos populations.
Pour la CCVC, il importe que les autorités de la transition oeuvrent effectivement en faveur des transformations sociales et politiques attendues par les populations.
Face à cette situation d’ensemble et aux graves menaces qui pèsent sur notre pays, la CCVC :
Condamne fermement cette énième tentative de prise en otage de la vie nationale par le Régiment de sécurité présidentielle ;
Exige une fois de plus la dissolution pure et simple du RSP ;
Exige le fonctionnement effectif de la Haute Cour de Justice ;
Dénonce le verdict scandaleux prononcé dans l’affaire Ousmane Guiro ;
Condamne la répression sauvage, les déguerpissements ainsi que les arrestations collectives opérées à Namissiguima, à Kounkounfouanou et dans le Tuy ;
Appelle les autorités nationales et locales au respect des libertés individuelles et collectives et à se pencher sérieusement sur les préoccupations des populations ;
Appelle les hommes politiques à la retenue et au sens de responsabilité en cette période pré-électorale ;
Appelle enfin, les populations à rester vigilantes et mobilisées pour la défense des droits et libertés fondamentales, à se tenir prêtes pour répondre à tout mot d’ordre que commanderait l’évolution de la situation.
Ouagadougou, le 14 juillet 2015
Ont signé :
Pour la Coordination nationale, le Bureau :
P/ Le Président
Bassolma BAZIE
Secrétaire Général/ CGT-B
P/ Le 2e Vice-Président
1er Vice-Président
François de Salle YAMEOGO, Secrétaire Général /SYNATEB
Chrysogone ZOUGMORE
Président/ MBDHP
Guézouma SANOGO, Président / AJB, Rapporteur
O. Guy OUEDRAOGO SG/CSB, Rapporteur
Patrice ZOEHINGA Président/UGEB, Rapporteur
Claude WETTA S. Exécutif/ REN-LAC, Chargé de finances