La Cour de justice de la CEDEAO a rendu son arrêt sur la plainte formulée par le CDP, l’ex-parti majoritaire, contre l’Etat burkinabè à l’effet de statuer sur l’article 135 du nouveau Code électoral qui rend inéligibles aux prochaines élections les personnes ayant soutenu la modification de l’article 37 de la Constitution. Approchés par Sidwaya, un des avocats de l’Etat envoyés à Abuja, Me Mamadou Sawadogo et le président du CDP, Eddie Komboïgo, ont donné leurs compréhensions de la décision.
Me Mamadou Sawadogo :
«La Cour a rendu une décision que je peux résumer en quelques points. D’abord, elle reconnaît que l’Etat du Burkina Faso a le droit de prendre des mesures de restriction concernant le droit d’éligibilité. Deuxièmement, la Cour n’a pas accepté la demande consistant à ce que l’Etat du Burkina Faso abroge la loi parce que la demande (du CDP : NDLR) consistait à ce que l’Etat abroge la loi. Ce à quoi la Cour a répondu que c’est vrai, mais telle que rédigée, la loi s’étendait à des personnes qui ne pouvaient pas être visées en application de la Charte africaine parce que le législateur burkinabè a voulu externaliser des dispositions qui existent déjà dans la Charte africaine. Mais la Cour dit que la Charte africaine elle-même a voulu viser non pas n’importe quel citoyen qui a soutenu des changements anticonstitutionnels mais des dirigeants. Par conséquent, l’Etat burkinabè se doit d’aménager sa législation de façon à viser des dirigeants et non pas à discriminer toutes les personnes qui ont pu, à un moment ou un autre, soutenir un changement anticonstitutionnel, parce que ça faisait trop large. Voilà un peu résumée la décision de la Cour qu’on peut trouver sur son site dès demain (NDLR : aujourd’hui 14 juillet). Comme ça, chacun lira et cela mettra fin aux supputations.
Il y a plusieurs façons d’aménager le cadre légal pour qu’il soit conforme à la disposition de l’arrêt de la Cour. C’est un travail qui doit être fait par le gouvernement de façon posée en étudiant l’arrêt de façon approfondie. C’est un travail d’approfondissement de tout ce que la Cour a dit pour être certain de s’y conformer. Je ne peux pas dire tout de suite ce que l’Etat burkinabè va faire. Mais, il va respecter l’arrêt de la Cour après l’avoir étudié dans tous ses aspects. En fait, il y a beaucoup de choses qui sont dites dans l’arrêt et il faut les étudier avant de prendre les dispositions qui conviennent.
Si tout le monde crie victoire, c’est que chacun lit les mêmes textes avec ses propres lunettes. Ceux du CDP qui disent qu’ils ont gagné lisent avec leurs lunettes et les partisans de la loi qui disent qu’ils ont gagné lisent aussi avec leurs lunettes. L’Etat, lui, se contentera de bien examiner le texte et de donner la bonne suite ».
Eddie Komboïgo :
« C'est une satisfaction pas seulement pour le CDP mais pour tous les Burkinabè. Cela parce que cette décision de la Cour de justice de la CEDEAO va permettre d'accéder à des élections inclusives, libres, apaisées et transparentes. Comment nous en sommes arrivés là? Il faut dire que nous avons dénoncé la loi portant Code électoral au Burkina Faso auprès de plusieurs acteurs politiques, coutumiers ainsi que de la société civile au niveau national. En clair, au niveau du CDP, nous considérons cette loi comme exclusive et mal formée. La Charte de la Transition prônant l'inclusion, le Code électoral n'était pas, à notre sens, juste.
C'est pourquoi nous avons fait recours à la Cour de justice de la CEDEAO à laquelle nous faisons confiance pour trancher. Et le verdict livré ce lundi 13 juillet 2015, condamne l'Etat burkinabè et l'invite à prendre des dispositions nécessaires pour lever tous les obstacles afin que tous les candidats qui veulent se présenter puissent le faire sans problème.
Il faut dire que la Cour a trouvé que le Code électoral est contre les droits de l'Homme, d'où ce verdict. Pour nous, cela est une grande satisfaction car c'est le droit qui est dit au bénéfice du peuple burkinabè et de l'Afrique. Mais rassurez-vous que les dispositions qui seront prises pour intégrer cette vision juridique ne vont aucunement nous amener à repousser les délais électoraux.
Il suffit seulement d'annuler certaines parties du Code et le Conseil constitutionnel peut valider les candidatures. Nous sommes solidaires avec tous les partis et les OSC et le CDP veut que les élections se tiennent à bonne date. Ce que nous demandons aux autorités de la Transition est qu'elles acceptent le verdict de la Cour de justice de la CEDEAO et qu'elles travaillent à ce que cette décision supranationale soit appliquée en expliquant aux populations le bien-fondé de l'inclusion. Pour notre part, nous souhaitons que tous les Burkinabè aient de la tempérance et de la modération de sorte que les élections se déroulent dans de meilleures conditions au grand bonheur de la démocratie au Burkina».
La rédaction