Depuis quelques semaines, la gendarmerie nationale traque et procède à des arrestations au niveau de certains services de la Direction générale des impôts. Selon nos sources, cette chasse à des présumés faussaires risque de s’étendre et se transformer en une véritable pêche dans plusieurs services où de grosses têtes vont inévitablement tomber. Les sommes en jeu et qui auraient été détournées donnent le tournis pour ne pas dire plus. On parle de plusieurs centaines de millions voire des milliards de Fcfa
A la suite de cette opération menée il y quelques semaines par les limiers de la gendarmerie, quelques dizaines de personnes, issues de certains services des impôts de la ville de Ouagadougou, ont été interpellées, pour être entendues sur de possibles malversations. Selon nos sources, les investigations pourraient donc s’étendre à tous les services de base de la Direction Générale des Impôts (DGI) au regard de l’importance des sommes détournées. Il est question de sommes allant pour les projections les plus optimistes, de plusieurs centaines de millions à des milliards de francs CFA, pour les évaluations les plus pessimistes…Un véritable réseau qui se « sucrait » sur le dos des contribuables en toute impunité tout en narguant les honnêtes collègues qui ont décidé de travailler, de manière consciencieuse, au service de l’Etat.
Selon nos informations, l’intervention de la gendarmerie s’explique par le fait que certains agents des impôts, notamment des services de recette se sont permis, pendant vraisemblablement des années, au regard des sommes communiquées, de siphonner de façon hallucinante, les deniers publics qu’ils avaient pour mission de recouvrer pour le compte de l’Etat burkinabè. Ainsi, des agents de catégorie modeste menaient un train de vie sans commune mesure avec leurs revenus légaux, fonds commun y compris. Et comme l’abondance de biens, surtout mal acquis, finit par faire tourner les têtes. Ces derniers n’arrêtaient pas de se moquer, narguer et même mépriser certains de leurs collègues qui refusaient de tremper dans leurs manigances voire leurs deals. Et comme il fallait s’y attendre, l’un de ceux-ci, excédé par les incessants quolibets et les railleries quotidiennes de ces « golden boys », d’un genre nouveau, s’est résolu à vendre la mèche à sa hiérarchie. C’est alors qu’une mission d’inspection est dépêchée et les découvertes réalisées, tant sur le mode opératoire, que sur l’importance des sommes détournées ont dépassé l’entendement des fins limiers mandatés. Leur mode opératoire est sans commune mesure.
Mode opératoire et pillage à ciel ouvert
Avant la vulgarisation de l’outil informatique, les contribuables qui s’étaient acquittés du paiement de leurs impôts se voyaient délivrer une quittance tirée manuellement sur un ensemble de trois feuillets, les deux autres étant des copies conformes à celle délivrée aux contribuables par l’entremise d’un papier-carbone glissé entre, d’une part le premier et le deuxième feuillets, et d’autre part, entre le deuxième et le troisième feuillets. Des petits malins avaient trouvé, comme astuce, avant de mentionner la somme reçue sur le premier exemplaire de la quittance, « d’omettre » d’insérer entre les exemplaires suivants le papier-carbone. Ainsi, le contribuable se voyait délivrer une quittance mentionnant exactement la somme payée, mais ensuite, à l’aide d’une feuille placée au-dessus des exemplaires destinés à la comptabilité et cette fois, le papier-carbone intercalé entre lesdits feuillets, les agents indélicats inscrivaient une somme inférieure à celle perçue. La différence entre la somme encaissée et celle apparaissant dorénavant sur les deux exemplaires de quittance restants partait directement dans les poches des auteurs de ce passe-passe lucratif. L’introduction de carnets de quittances auto-carbonées n’ayant apporté aucune solution au problème, l’administration a alors, fait appels aux quittances informatisées.
Comme on le dit souvent, le contrefacteur, le faussaire, l’aigrefin ou le vulgaire crapule a toujours une longueur d’avance grâce à une imagination débordante. Cette fois-ci, les faussaires vont faire appel à la grosse artillerie, en libérant « leur génie créateur ». Avec la complicité de certains informaticiens recrutés pour le suivi du logiciel utilisé par les services des impôts, un logiciel, copie conforme du logiciel officiel est mis en place et vont alors s’en suivre des détournements de fonds à une échelle inimaginable, voire industrielle.
On ne manquera pas de se poser plusieurs questions. Comment une pareille mise en œuvre a-t-elle pu être possible au nez et à la barbe des supérieurs hiérarchiques des présumés détourneurs ? Le problème n’était-il pas connu depuis un bon bout de temps et n’a-t-on pas voulu étouffer l’affaire ? Jusqu’à quel niveau seront menées les investigations ? Quelles en seront les conséquences ? Aux dernières nouvelles, 7 personnes ont été interpellées et déférées à la MACO. Et l’affaire est loin d’être close. Les sommes détournées grâce à ces pratiques peu orthodoxes avoisineraient les 3 milliards de Fcfa. Affaire donc à suivre !1
Idriss BIRBA