Kounkounfouanou est une localité située à 70 Km de Fada N’Gourma, sur l’axe Fada-Frontière du Bénin. Il n’a pas encore le statut de village, mais il est un hameau de culture fondé en 1983 par des populations de diverses localités du Burkina. Il est depuis le 16 juin 2015, au cœur de tous les débats dans la région de l’Est, voire au delà. Les populations de cette localité ont été contraintes de quitter les lieux. Leurs maisons et autres biens ont été brûlés, dit-on, par les forces de l’ordre et de sécurité. La raison avancée est que ces populations se trouvent dans une zone interdite, car pastorale. Mais la population pense le contraire car elle était sur les lieux depuis 1983. Elle pense que c’est à cause de l’or découvert dans la zone depuis 2006. Nous y étions les 7 et 8 juillet 2015.
Maisons, lieux de culte, marchés, toutes ces infrastructures de Kounkounfouanou sont parties en fumée, le 16 juin 2015. Il ne reste que l’école primaire publique de 3 classes. C’est le constat qui se dégageait à notre arrivée sur les lieux, le 7 juillet dernier. Les greniers n’ont pas non plus été épargnés. Avant d’arriver sur le site de l’exploitation artisanale de l’or, Diabadou Taboudou tient à nous montrer sa concession, son grenier et sa boutique, tous incendiés. Mais avant, il montre son bras mordu par un lion en 1983, lorsque lui et ses compagnons fondaient le hameau de culture. Après avoir visité ces lieux, nous avons été invités à voir le site d’exploitation aurifère artisanale. Là, il ne reste que les traces d’êtres humains. Mais l’état des lieux laisse aisément penser que c’était une zone où travaillaient plusieurs personnes. Moussa Diabouga, propriétaire des lieux, donne plus de précisions. Selon ses explications, 22 personnes y travaillaient tous les jours, pendant 8 mois. Et ce, après avoir investi une forte somme d’argent. Il dit avoir perdu une quantité d’or estimée à 72 grammes. Ce qui fait mathématiquement 1 584 000 F CFA, le gramme d’or étant actuellement vendu à 22 000 F CFA. La population pense que ce site est d’ailleurs la cause de leur déguerpissement. « Nous avons été chassés parce que KounKounfouanou est une zone où il y a de l’or », ont dit la plupart de ceux avec qui nous avons échangé sur les lieux. Et ce, depuis 2006. Selon nos interlocuteurs, les habitants de Kounkounfouanou vivaient en paix, depuis leur installation dans la localité jusqu’à ce qu’on y découvre en 2006 de l’or. Et depuis lors, bonjour les problèmes ! Pour eux, la raison avancée pour les déguerpir, à savoir la zone pastorale, ne tient pas la route pour plusieurs raisons : Si la zone était interdite, on n’y aurait pas construit une école. Ensuite, elle ne comprend pas non plus la réfection de la route, quelques jours après avoir incendié le village. Pour eux, en 2004, les autorités d’alors avaient estimé qu’il fallait séparer les agriculteurs des éleveurs. C’est ainsi qu’une opération de bornage avait été lancée. Les agriculteurs ont, à cette époque, été sommés de rejoindre la partie réservée à l’agriculture, soit 500 mètres après les bornes pour les premiers lieux d’habitation et 1 km pour les premiers champs. C’est ce que la population a fait, a-t-on appris. A noter que les populations nous ont montré les bornes. Nous avons vu des concessions qui, dit-on, sont celles des éleveurs, dans la zone d’élevage. Après avoir visité ce site, nous avons mis le cap sur Nataboini, village où se sont retrouvés certains enfants et femmes chassés de Kounkounfouanou. La scène se passe de tout commentaire. Des pleurs d’enfants par ci, des visages tristes par là. Un peu plus loin, certaines femmes s’activent à préparer la nourriture du soir. Femmes et enfants dorment à la belle étoile. Le moment le plus pathétique fut l’arrivée de la pluie. Ne sachant quoi faire, l’une des femmes s’est mise à emballer son bébé âgé d’à peine trois semaines, dans des chiffons puis des sachets plastiques. Renseignements pris, il est ressorti que c’est ainsi qu’on protège les plus faibles. Les sachets plastiques sont utilisés à la fois comme nattes et comme moustiquaires. C’est dans ces conditions que l’une d’elles a perdu l’un des jumeaux qu’elle a mis au monde 5 jours après le déguerpissement. Au cours de notre séjour, nous avons rencontré le secrétaire général de la région, Mahamad Michara. Ce dernier a précisé qu’il se prononçait en son nom propre et non au nom de l’administration. Pour lui, c’est une décision de Conseil de ministres, notamment celui du 18 février 2015 qui a été mis en exécution. (Voir encadré). Il a promis qu’une conférence de presse sera animée pour donner plus de précisions sur cette affaire, avant de déplorer ce qu’on lit dans la presse depuis un certain temps la concernant. A l’en croire, un secours d’urgence est en cours car les besoins ont été estimés et transmis à qui de droit. Toute chose qui a été confirmée par le directeur provincial de l’Action sociale et de la solidarité nationale du Gourma, Drissa Sawadogo. A son avis, le résultat du recensement fait état de 4 900 personnes déplacées. A la question de savoir quand viendra ce secours, il a répondu : « Nous sommes des techniciens et nous sommes sur le terrain. La situation est locale. Nous faisons le constat qu’il y a eu des populations qui ont été déplacées. Nous avons la responsabilité d’aller vers ces populations pour voir leurs besoins et les transmettre à qui de droit. Leur déguerpissement, leur présence là-bas, ce n’est pas nous. Ils étaient dans une zone interdite et ils le savaient». Pour lui, le travail a été fait et les résultats transmis à qui de droit. En ce qui concerne l’opération de déguerpissement, la structure provinciale dont il a la charge n’a été associée ni de près ni de loin. Quant aux écoliers, il a indiqué que des mesures sont en cours pour permettre à ces derniers de s’inscrire dans les écoles l’année scolaire prochaine, notamment les documents d’état civil. A noter que 36 personnes ont été interpellées et déférées à la Maison d’arrêt et de correction de Fada N’Gourma pour rébellion. Le procès a eu lieu le 8 juillet 2015 et le délibéré est prévu pour le 22 juillet prochain. A noter que nous n’avons pas pu rencontrer certaines personnes, notamment le gouverneur qui est le premier responsable de la région et le chef coutumier pour avoir leurs versions des faits. Toutes les deux parties reconnaissent que la localité n’est pas un village, mais un hameau de culture. Les populations pensent que c’est une injustice qu’elles subissent. On se pose la question de savoir où est la vérité, étant donné que chacun affirme mordicus qu’il dit la vérité. Ce dont nous sommes sûrs, c’est qu’il y a deux risques. Il s’agit du risque sur le plan sanitaire, notamment épidémique, et la famine. Quand des paysans n’arrivent pas à cultiver en saison hivernale, on peut être sûr que cette population n’aura rien pendant les récoltes. Il y a un risque d’épidémie car les conditions dans lesquelles certains déplacés vivent inquiètent plus d’un. Malheureusement, rien n’est fait jusque là. Hors mis des promesses.
Issa SIGUIRE