Conakry- Plusieurs organisations guinéennes et internationales de défense des droits de l’Homme, dont la FIDH et HRW, ont salué jeudi l’inculpation de l’ex-chef de la junte guinéenne Moussa Dadis Camara dans le cadre de l’enquête sur le massacre d’opposants dans un stade de Conakry en septembre 2009.
Selon son avocat, Me Jean-Baptiste Jocamey Haba, le capitaine Moussa Dadis Camara, en exil au Burkina Faso depuis 2010, a été inculpé mercredi à Ouagadougou pour "complicité d’assassinats, séquestrations, viols, coups et blessures" par des magistrats guinéens enquêtant sur le massacre du 28 septembre 2009, perpétré alors qu’il était chef de la junte militaire au pouvoir.
"Cette inculpation est tout à fait logique. On l’attendait depuis longtemps", a affirmé à l’AFP Asmaou Diallo, présidente de l’Association des victimes et parents des victimes du massacre du 28 septembres (Avipa).
"On attendait que tous ceux qui sont impliqués de près ou de loin dans cette affaire soient inculpés afin qu’ils s’expliquent. Nous espérons que Moussa Dadis Camara donnera sa version des faits dans cette affaire", a ajouté Mme Diallo.
La mise en examen de l’ex-chef de la junte militaire "n’est pas une surprise" pour l’Organisation guinéenne de défense des droits de l’Homme (OGDH).
"En tant que président de la Guinée à l’époque des faits, il (M. Camara) a une responsabilité morale et administrative dans cette affaire", a estimé le porte-parole de l’organisation, Abdoul Gadiri Diallo.
Pour la Fédération internationale des droits de l’Homme (FIDH), "la logique du dossier" du massacre rendait "inéluctable" cette mise en examen.
"Nous nous félicitons grandement de cette inculpation que nous réclamons depuis plusieurs années, et que la justice devait réaliser depuis plusieurs mois déjà", a réagi Souhayr Belhassen, présidente d’honneur de la FIDH, interrogée par l’AFP.
Human Rights Watch (HRW) a pour sa part parlé d’une "avancée significative" dans l’enquête sur le massacre de 2009, dans un communiqué transmis à l’AFP.
"Les victimes de ces crimes odieux sont en quête de justice depuis plus de cinq ans et aujourd’hui, elles se rapprochent de la vérité (...). Mener l’enquête à terme permettrait d’ouvrir la voie à des poursuites attendues depuis longtemps", a affirmé Corinne Dufka, une responsable de HRW en charge de l’Afrique de l’Ouest.
Dans un communiqué commun, la FIDH, l’Avipa et l’OGDH font part de leur espoir de voir s’ouvrir le procès du massacre, et exhortent la classe politique au calme et à ne pas entraver le travail de la justice.
Le parti de Moussa Dadis Camara, qui a annoncé en mai dernier son intention de rentrer en Guinée pour se porter candidat à l’élection présidentielle dont le premier tour est prévu le 11 octobre, a qualifié son inculpation de décision politique.
Le chef de file de l’opposition guinéenne Cellou Dalein Diallo, qui a scellé en juin avec M. Camara une alliance électorale, avec un accord de désistement au second tour de la présidentielle, a dénoncé jeudi une "instrumentalisation de la justice à des fins politiques".
Les violences du 28 septembre 2009 avaient été commises dans un stade de Conakry où étaient rassemblés des milliers d’opposants à la candidature de Moussa Dadis Camara à l’élection présidentielle prévue en 2010.
Au moins 157 personnes avaient été tuées et plusieurs dizaines sont portées disparues depuis, selon un rapport de la Commission internationale d’enquête de l’ONU. De même source, au moins 109 femmes avaient aussi été violées dans le stade et ses environs.
D’après Me Jean-Baptiste Jocamey Haba, Moussa Dadis Camara devrait être de nouveau entendu lundi par les juges guinéens à Ouagadougou.
Diverses sources judiciaires et au sein des ONG de défense des droits de l’Homme avaient fait état d’une vingtaine d’inculpations prononcées contre des militaires et des civils dans le cadre de l’enquête judiciaire guinéenne, ouverte en 2010.
En visite à Conakry la semaine dernière, la procureure de la Cour pénale internationale (CPI) Fatou Bensouda a parlé d’"au moins 14 personnes" inculpées "et plus de 500 témoins clés et victimes" auditionnées dans le cadre de l’enquête.
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