L’ASCE, l’Autorité supérieure de contrôle d’Etat, avait rendez-vous avec les journalistes, hier 7 juillet 2015, à l’occasion de la clôture de l’atelier de relecture des textes portant organisation et fonctionnement de l’institution. En rappel, cet atelier avait ouvert ses portes le 6 juillet 2015. Le rendez-vous avec les médias a eu pour objectif de faire un premier bilan des réflexions.
« Nous avons vu gros et nous avons travaillé d’arrache-pied pendant les deux jours ». C’est en ces termes que Luc Marius Ibriga, le Contrôleur général d’Etat, a qualifié l’ambiance dans laquelle se sont déroulés les travaux. Pour l’essentiel, les participants se sont accordés sur quatre points, dans le sens de la réforme de l’ASCE. De la lecture faite par M. Ibriga, on retient que l’ASCE devrait être une institution de la République, expressément inscrite dans la Constitution (la constitutionnalisation de l’ASCE) ; l’ASCE serait une autorité indépendante dotée de la personnalité morale et de l’autonomie administrative et financière ; l’ASCE serait une autorité investie de deux catégories de missions (une mission de contrôle administratif interne et une mission de prévention, en prenant en compte les dispositions de la loi sur la corruption ainsi que les textes internationaux auxquels le Burkina a souscrit) ; l’ASCE serait une institution qui prend en compte le secteur privé et la société civile pour ainsi prendre en compte tous les segments de la société. Sur ce dernier point, la problématique est de ne pas s’occuper exclusivement de la corruption dans le secteur public, au risque de laisser prospérer d’autres niches de corruption dans d’autres secteurs.
Les trois principaux points de divergence portés à la connaissance des médias concernent l’appellation de l’ASCE, les pouvoirs de poursuite de l’institution et son budget. La première préoccupation des participants sur la question de la dénomination est de savoir si l’ASCE doit changer de nom ou encore si la notion de « corruption » doit être mentionnée. Deuxième préoccupation : l’ASCE disposera-t-elle de pouvoirs de poursuite ? Ou se contentera-t-elle de lever le lièvre et laisser le soin à la Justice de continuer le « job » ? Une solution intermédiaire pourra-t-elle mettre en tandem ASCE et Parquet, le second devant donner une suite aux dossiers que lui aurait transmis le premier ?
Enfin sur la question du budget, il s’agit de voir comment inscrire le budget de l’institution dans la loi de finance pour renforcer son autonomie, de revoir la rémunération des contrôleurs et du personnel de l’ASCE, le but ultime étant d’attirer plus d’expertises. En suivant les explications du contrôleur général, les salaires servis dans l’institution ne sont pas aussi motivants, si fait que celle-ci a de la peine à recruter le personnel et les compétences. A titre d’exemple, un recrutement de trois commissaires de police, et de deux officiers de gendarmerie est resté infructueux. En plus, l’ASCE a dû se déployer pour pouvoir recruter deux magistrats.
L’un des experts de l’atelier, Samuel De Jaegere, conseiller anti-corruption pour l’Afrique de l’Ouest pour l’Office des Nations unies contre la drogue et le crime (ONUDC), est revenu sur la nécessité de donner les moyens à l’ASCE pour appliquer la loi de mars 2015 portant lutte contre la corruption, inspirée de la convention des Nations unies sur la question. En ce qui concerne le budget de l’institution, l’expert a relevé qu’il faut le revoir au double et le sécuriser. Au Burkina Faso, à titre d’exemple, chaque citoyen contribue à hauteur de 65 F CFA au budget de lutte contre la corruption par l’ASCE. La moyenne en Afrique de l’Ouest est de 160 F CFA. Sur la question précise des personnes-ressources et du personnel, l’expert onusien estime qu’il faut doubler les effectifs. L’organigramme est en discussion et prévoit 107 postes. En toile de fond, il s’agit d’augmenter les effectifs de l’ASCE et d’améliorer leurs conditions de vie.
Selon Luc Marius Ibriga, les réflexions vont se poursuivre sur l’ensemble des points de divergence. Un atelier de consolidation qui devrait déboucher sur un projet de loi en « bonne et due forme », est prévu pour se tenir dans la deuxième quinzaine du mois d’août 2015.
Michel NANA