La Centrafrique est en proie à de nouvelles secousses et des hoquets inattendus. Et il n’y a pas de perspectives heureuses pour le moment. Car, à peine formé, le gouvernement d’union nationale du Premier ministre, Nicolas Tiangaye, a du plomb dans les ailes. Un jour seulement après sa formation, 9 partis politiques dits de l’opposition démocratique ont annoncé, le 1er avril 2013, la suspension de leur participation à l’équipe Tiangaye 2. La décision serait tombée au bout d’une journée de tractations, non sans raison. Les griefs ont été égrenés. Aussi discutables qu’acceptables, ils tournent autour de trois points. Il s’agit de la redéfinition du contour de la transition, de la fixation d’une feuille de route et de l’absence de consultation, à l’occasion de la formation de l’équipe gouvernementale. L’ancien maire de Bangui, Joseph Bendounga, parle de constat amer, en soutenant que le Premier ministre a affecté les portefeuilles ministériels comme si l’opposition démocratique est son employée. Comme on le remarque, il existe un sentiment de frustration et de dépit dans la saynète politique.
Qui plus est composée d’une foultitude de leaders aux ambitions aussi différents que divergeants. Pour preuve, le ministre en charge de l’équipement et porte-parole du gouvernement, Crépin Mboli Goumba, lui-même issu de l’opposition, arguait que la suspension était une machination ourdie par des «gens non mandatés» par leurs formations politiques. Avec lui, 4 autres personnalités cooptées ne se sont pas fait prier pour être reçues en audience par Nicolas Tiangaye qui a menacé de remercier les 3 autres qui trépignent à rejoindre son équipe gouvernementale.
Il va sans dire que les leaders des partis politiques signataires de la suspension sont en proie à un cafard très noir. Quelle suite donnée à l’action qu’ils ont emmanchée ? Se cramponner sur une ligne dure ? Certains n’hésiteraient pas à interpréter cela comme un règlement de comptes destiné à faire payer au chef du gouvernement sa préférence pour les acteurs de la société civile. Ils sont au total, 16 qui ont été coptés pour la formation du gouvernement.
Apparemment des affidés dont il se serait accommodé, alors qu’il présidait aux destinées de la Ligue centrafricaine des droits de l’homme, dix années durant, et le Conseil national de transition, pendant deux ans. Quoi qu’il soit, les caciques de l’opposition comme le vice-président du Mouvement de libération du peuple centrafricain (MLPC), Edouard Koyambounou, sont ulcérés. Ils protestent que la société civile était aux abonnés absents pendant les années de braise du régime de François Bozizé, accusé d’arrestations, de détentions arbitraires, de séquestrations, d’enlèvements, de disparitions et d’exécutions sommaires. Il faut compter avec Koyambounou et bien d’autres politiques distingués parmi la fine fleur de ce que le pays compte. Ensemble, ils vont pousser le chef du gouvernement à répondre favorablement à leurs requêtes, plusieurs jours durant. Quitte à ce qu’ils soient encore trahis par les 3 autres appelés au gouvernement. Il ne faut pas s’étonner, car l’homme est capable de tout : d’un élan de solidarité jamais égalé à la trahison la plus ignoble. Pour s’en convaincre, on n’a pas besoin d’aller au-delà des frontières de la République centrafricaine. Des partisans les plus farouches de François Bozizé n’ont même pas attendu que celui-ci ait fini de pleurer et de faire son deuil pour se disposer à travailler avec les nouvelles autorités de la Séléka. Un homme prévenu équivaut à un homme immunisé. Nicolas Tiangaye et le président autoproclamé, Michel Djotodia, devraient agir avec habileté pour ne pas prendre les chemins de traverse. Ce n’est pas un secret, l’opposition réclame plus de postes.
Les 8 sièges obtenus n’ont pas suffi à calmer leur soif du pouvoir. Il apparaît plus que jamais urgent que les nouvelles autorités de Bangui veillent à étouffer leur prétention, non pas avec un cross, mais avec des propositions concrètes, qui ne laissent personne sur le carreau.
Le pays ne veut plus se sentir écrasé par l’hégémonie du clan des vainqueurs. Pour le rassemblement et la réussite de la transition, il conviendrait que le Premier ministre et le nouvel homme fort de Bangui tiennent, dès à présent, compte des récriminations qui fusent. En plus de l’opposition démocratique, le parti de Jean Jacques Demafouth, l’Armée populaire pour la restauration de la démocratie (APRD) et celui de Bozizé, le Kwa na kwa (KNK) «Le travail, seulement le travail» (en sango, une langue du terroir) devraient revenir dans le gouvernement dans des proportions non moins négligeables.
C’est le prix de la stabilisation et de la démocratisation de la république. Une avancée sans concession serait une gravissime erreur. Et on ne saurait alors s’empêcher de dire que les nouvelles autorités ont contribué à réunir les ingrédients de la résurgence des tensions.