Une caravane de communication et de sensibilisation sur les mariages précoces et les grossesses non désirées était de passage le 29 juin à Djibo, chef-lieu de la province du Soum. Rencontre avec des autorités administratives et des leaders religieux, projection de films, animations grand public et prestations d’artistes ont été les temps forts de l’événement
Le ministère des Enseignements secondaire et supérieur à travers la direction de l’Education des filles et de la Promotion du genre est en croisière contre les mariages précoces et les grossesses non désirées. Avec l’appui financier du Fonds des Nations unies pour l'éducation et l’enfance (UNICEF), soutenu par le Canada, il a initié une caravane composée d’hommes et de femmes de médias nationaux pour sensibiliser les populations, en vue d’un changement social et de comportement. Cette campagne bénéficie de l’appui technique du Réseau afrique jeunesse santé et développement au Burkina Faso (RAJS/BF).
Djibo, chef-lieu de la province du Soum a été la première étape de la caravane. Les caravaniers ont échangé le 29 juin 2015, avec des autorités administratives et des leaders religieux qui ont tous reconnu les méfaits des mariages précoces et des grossesses non désirées. Cependant, des entretiens obtenus auprès de l’Imam Souhaïbou Cissé, il ressort que le mariage est célébré à la mosquée sans qu’on ne cherche à connaître forcement l’âge de la mariée. Toute chose qui semble favoriser ce type d’union. Selon la direction provinciale de l’Action sociale et de la Solidarité nationale, 52 mariages précoces en 2013, 17 en 2014 et 16 en 2015 ont été enregistrés. La province a noté pour les mêmes années, 14, 7 et 4 cas de grossesses précoces. Pour le directeur provincial, Désiré Toé, les mariages précoces des filles restent ancrés dans la tradition et pour l’éradiquer, il faut surtout de la conscientisation et de la sensibilisation. La pauvreté, la méconnaissance de la santé sexuelle et de la reproduction, sont les principales causes des grossesses précoces. La crainte de perte de virginité de la fille, les pesanteurs culturelles sont, entre autres, les raisons qui poussent au mariage précoce. Ce qui n’a pas été démenti par l’émir de Djibo. Toutefois, celui-ci a confié que chaque fois que l’occasion se présente, il ne manque pas de sensibiliser ses concitoyens, afin de freiner ces pratiques. «Même si elles ont lieu, elles sont le plus souvent vouées à l’échec », a-t-il confié.
A entendre le proviseur du lycée provincial de Djibo, Somtiliguiri Sawadogo, le phénomène existe dans les petites et grandes classes. Il pense que la libéralisation de la vie sexuelle pousse les enfants à la pratique de l’acte sexuel. Toute chose qui encourage également les parents à les donner en mariage lorsque survient une grossesse. «Lorsqu’une fille tombe en grossesse, nous prenons toutes les dispositions avec la famille pour qu’elle n’abandonne pas les bancs», a-t-il déclaré. Par rapport au mariage forcé, il a dit que leur intervention a pu sauver une fille de CM2. Il a déploré le fait que l’information leur revient parfois trop tard au moment où le mariage est déjà fait. Au lycée municipal de Djibo, une élève de la classe de 4e a eu le courage de dénoncer ses parents qui voulaient la donner en mariage. « On a vite touché l’action sociale qui a agit pour annuler le mariage. Elle a 16 ans et passe en classe de 3e », a confié le proviseur Yaya Biliga. Par contre, Kadissa Belem n’a malheureusement pas eu cette chance. Bébé dans les bras, elle se confie : « J’ai eu l’enfant en classe de 5e quand j’avais 17 ans. Son père l’a reconnu, mais ne s’en occupe pas car il dit ne plus vouloir de moi». Awa Badini vit une pire situation. Elle se retrouve aujourd’hui déscolarisée avec un enfant sans père à 16 ans. Bien qu’elle ait convoqué l’auteur de la grossesse à la justice, elle dit n’avoir pas eu gain de cause. «Je lance un appel à toutes les jeunes filles de se méfier des garçons et d’accorder la priorité à leurs études», a-t-elle prodigué comme conseils. Le recours aux forces de l’ordre est souvent indispensable. Le commissaire de police, Ousmane Zongo, a confié avoir traité des cas venant surtout des commissariats de district. « Six cas ont été notés entre 2014 et 2015. L’âge des filles variait entre 12 et 15 ans».
Habibata WARA