Comme toutes les crises, elle n’affecte pas tout le monde de la même façon. Certains s’en tirent même à très bon compte au point qu’ils ne sont pas pressés que les choses se normalisent.
Depuis des années maintenant nos universités sont en crise. Les problèmes qui sont évoqués ne trouvent pas solution, mais ils sont régulièrement colmatés et/ou palliés. Dans cette opération de replâtrage il y a de l’argent et parfois beaucoup d’argent qui irrigue des circuits de la crise. Les budgets alloués à ces colmatages ne suffisent pas à régler les problèmes, mais cet argent fait le bonheur de certains au sein de l’institution. Du ministère à l’université chacun à de quoi se mettre du beurre sur les épinards.
Quels sont les postes ?
Il y a d’abord la restauration. Depuis des années cette prestation a été externalisée. C’est-à-dire que le service de restauration à été privatisé. Des prestataires privés ont pris le marché avec la logique du privé. Mais comme c’est un domaine sensible l’Etat donne de l’argent pour le maintien d’une certaine qualité de la prestation. L’Etat subventionne le repas à 500 fcfa et l’étudiant paie le ticket à 100 f cfa. Le coût du repas dans les différents restaurants universitaire est de 600 f cfa. A ce prix il n’y a pas d’entrée, mais il y a les exigences suivantes : un repas doit comprendre, un morceau de pain, un morceau de viande ou du poisson plus la garniture (riz, haricot etc..). Les restaurateurs sont tenus de proposer par repas au moins deux menus. Si ces exigences sont dans la forme respectées, sur certains aspects difficilement vérifiables, il n’est pas évident que ce soit le cas. Par exemple il y a un poids par plat à servir. Là, ce n’est pas toujours évident que c’est respecté. Les prestataires rognent donc sur cet aspect et se font une plus value substantielle, avec la bienveillance désintéressée de l’administration.
Sur le nombre de plats servis journalièrement dans les sept restaurants universitaires (RU) de Ouagadougou, le maximum de plats servis est de 24 200. Cela se décompose comme suit :
Au RU central, 10 000 repas par jour (déjeuner et dîner compris). Selon les statistiques du CENOU, au RU central sont servis entre 7 à 8000 repas au déjeuner et entre 2 à 3000 repas au dîner. L’affluence c’est surtout le midi.
Au RU de Babanguida, 5000 repas par jour
Au RU du SIAO, 3500 repas par jour
Au RU de Kossodo, 3000 repas par jour
Au RU de la patte-d’oie, 1600 repas par jour
Au RU de la cité chinoise, 600 repas par jour
Au RU de l’IBAM, 600 repas par jour.
Les statistiques estiment le nombre d’étudiants à l’Université de Ouagadougou à environ 50 000. Chaque année le budget alloué à la restauration (allocation et réajustement en cours d’année compris) tourne autour de 6 à 7 milliards de francs cfa. Selon les règles, seuls les repas effectivement servis sont payés par le budget de l’Etat. Un contrôleur des restaurants, un agent du CENOU, est chargé du suivi.
Sur le papier, le système est parfaitement construit. Il n’empêche pas des détournements. Le décompte des repas, la qualité des repas, les périodes de crises, et Dieu sait qu’il y en a eu ces dernières années, sont des opportunités de détournement. Sur les 7 milliards annuellement alloués à la restauration, près du tiers rentre dans les poches. Comme les prestataires ne sont pas payés à temps, le CENOU est peu regardant sur le respect des normes qualités. Le prestataire préfinance et c’est bien plus tard que l’Etat lui donne son chèque. Alors il y a de la complaisance qui permet de se faire de l’argent.
Deuxième poste de détournement possible, les locations de salles et d’immeubles. C’est connu il n’y a pas suffisamment de salles de cours à l’université.
La solution palliative trouvée c’est louer des immeubles ou des salles. L’Etat indigent n’est pas bon payeur. Mais il dégage bon an, mal an un petit quelque chose pour cela. A ce niveau aussi, il y a de quoi se mettre sous la dent. Depuis le début de la crise ce sont plusieurs milliards qui ont servi à cette opération. Quand les crises n’ont pas permis l’engagement de ces fonds, ils sont réalloués. C’est dans cette opération de réallocation que les détournements se font.
Les étudiants par exemple ont été choqués de voir que pour la visite du premier ministre, des travaux de confort ont été réalisés au campus, dans l’amphi et au restaurant universitaire. D’où est venu le budget qui a servi à cela, alors que les mêmes infrastructures sont à l’abandon en temps normal ? Certains pensent que c’est dans la réallocation des fonds. Quand on réalloue il y a plus de flexibilité. Nous avons voulu savoir combien ont coûté ces travaux de confort pour la visite du premier ministre, mais à la DAF on n’aime pas trop parler argent.
Troisième poste possible de détournement, le FONER. Chaque année il y a un budget qui y est alloué. Avec les crises, les années ne se terminent pas ou se terminent en queue de poisson. Le budget alloué et non dépensé est réalloué. A quelle fin ? Là aussi, certains se sucrent.
Enfin le volet transport. C’est semble-t-il le volet où les détournements sont criards. A Bobo Dioulasso par exemple, l’Université polytechnique loue des cars. Le nombre de cars loué n’est pas celui qui circule. Quand il y a crise, l’argent qui n’a pas été dépensé est réalloué. Il atterrit directement dans les poches.
Ainsi donc pendant la décennie 2000-2010, période pendant laquelle la crise à l’université est allée en s’exacerbant, des milliards alloués parfois dans l’extrême urgence, n’ont pas pu être dépensés. Ils ont été réalloués. Ainsi ce sont constituées des fortunes inimaginables sur le dos des malheureux fils de pauvres. Parce que ces gens qui détournent ces sommes colossales s’en servent en partie pour se construire des bunkers et en partie pour assurer de bonnes études à leurs enfants dans les universités occidentales. Si un jour il y a une loi sur le délit d’apparence, à l’université elle fera un carnage