«…Chaque membre du gouvernement a décidé de construire dix (10) latrines dans son village, dans son quartier, dans son secteur. J’aimerai que les journalistes puissent vérifier dans un an. Prenez un ministre au hasard, dites-lui de vous amener dans son village! Je vais voir si vous avez construit les dix (10) latrines. Nous avons fait cela pour donner un signal fort qu’il nous faut ces latrines. Ces latrines permettent de maintenir l’hygiène. Ensuite, il faut montrer aux gens comment les utiliser?» C’est l’appel que lançait le Premier ministre Luc Adolphe Tiao aux hommes de médias lors du point de presse de l’an I de son gouvernement, le 24 avril 2012. Il a été donc pris au mot par le Réseau d’information et de communication pour l’hygiène, l’eau potable et l’environnement (RICHE) qui, en partenariat avec l’ONG Water Aid, a organisé une caravane de presse du 20 au 22 mars 2013 dans la région du Nord en vue du suivi de l’engagement des ministres et leaders politiques de la région à réaliser des latrines au profit des ménages de leur village. Constat : un an après, aucune latrine physique n’est encore sortie de terre, mais l’état d’avancement et l’engagement diffèrent d’un village à un autre.
Nom : Songnaaba. Situation géographique : province du Passoré. Particularité : village dans lequel le député Fatou Diendéré s’est engagée en juin 2012 dans le cadre de l’initiative Approche total portée par les leaders (ATPL) à réaliser 10 latrines. Constat : à la date du 20 mars 2013, jour de passage de la vingtaine de journalistes issue de 14 organes prenant part à la caravane de presse, seules deux fosses ont été creusées, attendant les matériaux pour la réalisation des super structures. L’une sur le site de construction de la nouvelle mosquée du village et l’autre dans le domicile de Toundasomdé Diendéré dans le cadre de la formation des maçons pour l’exécution de l’engagement du député Fatou Diendéré. Pourtant lors de son engagement, cette dernière avait promis d’étendre le nombre de latrines à 20 si elle sentait un engouement de la population. De son engagement d’ailleurs, il ne reste que le trou d’à peine 1m50 creusé solennellement lors de la cérémonie et aujourd’hui à l’abandon. La raison d’un tel retard semble se trouver dans la terre ou plus précisément dans la nature du sol. En effet, le sol rocailleux difficile à creuser aurait découragé plus d’un et pas des moindres puisque même des ouvriers engagés par l’entreprise en charge de la réalisation des latrines promises par la mairie de Yako lors de l’engagement du leader ATPL, pour creuser des fosses, auraient jeté l’éponge. L’approche ATPL ayant pour fondement que le leader apporte une aide substantielle en matériaux et Water Aid en formation des maçons et les ménages bénéficiaires une implication par le creusage et l’apport d’agrégats, le coordonateur du RICHE, Dieudonné Soubéaga, a souligné la nécessité de trouver une autre stratégie pour impliquer la population. Il a émis, à cet effet, l’idée de la désignation d’un superviseur du chantier qui sera aux côtés des ménages pour que la promesse soit tenue, ainsi que celle de la mise à disposition des ménages d’appareils de creusage.
Nom : Ronga. Situation géographique : village de la commune rurale de Koumbri situé à 22 km de Ouahigouya (chef lieu de la province du Yatenga). Particularité : Village du député Adama Traoré, ancien ministre de la Santé, où il s’est engagé en août 2012 à réaliser 50 latrines (NDLR : en plus de ces latrines, le PADS en a promis 250 autres). Constat : engouement de la population qui a effectivement creusé les fosses dans leurs concessions. Résultat, insuffisance du matériel livré au village pour 50 latrines. Ce matériel a été livré le mercredi 20 mars 2013, veille du passage de la caravane de presse, (composé entre autres de 7 tonnes de ciment, de 94 tôles, de portes, de chevrons, de tubes PVC) conformément aux fonds remis à Water Aid par le député qui s’élèveraient à 2 640 000 F CFA selon le chargé de suivi-évaluation de l’ONG, Hermann Kambou. En plus de l’effectivité du creusage des fosses dans presque toutes les concessions, que les populations ont pris le soin de protéger en attendant l’arrivée des matériaux, la délégation a eu le bonheur de tomber sur un habitant modèle : El hadj Harouna Guitti. Ce dernier, en effet, ne s’est pas contenté de creuser la fosse et d’attendre les matériaux offerts par le député Adama Traoré. De ses mains et de sa poche, il a réalisé la dalle et la clôture de sa latrine dont il ne manque plus que le toit, à un coût global d’environ 25 000 F CFA. Devant un tel engagement, le coordonateur du RICHE a souligné la nécessité d’un accompagnement des populations pour que les fosses ne restent pas en l’état jusqu’à la saison des pluies. Pour ce faire, il a promis que le RICHE fera un plaidoyer au niveau du ministère de l’Eau et de l’Assainissement pour qu’une aide soit apportée à cette population qui a fait sa part.
Soubo. Village du député-maire Gilbert Ouédraogo et dont le chef est Gérard Kango Ouédraogo, situé à 13 km de Ouahigouya. Là, un programme du gouvernement s’est engagé dans la réalisation de 24 latrines mais les dalles et les briques offertes végètent à côté des trous, faute de moyens pour la construction selon Athanase Belem, un habitant. A en croire la population de Soubo, le député-maire n’y a encore rien fait concernant l’engagement du gouvernement à réaliser des latrines. En attendant, hommes et femmes se partagent les deux collines qui entourent le village pour y faire leurs besoins. Ils rassurent néanmoins leur «frère» de leur implication effective à ses côtés en cas d’engagement.
Bagyalgo. Village situé à 7 km de Ouahigouya où le ministre Yacouba Barry de l’Habitat et de l’Urbanisme s’est engagé en août 2012. Des mois après, la caravane de presse a constaté que sur les 10 latrines promises par le ministre, une seule a été effectivement réalisée et ce, dans le cadre de la formation des maçons. Aucun fonds n’est encore parvenu au niveau de Water Aid aussi bien pour les 10 latrines promises à Bagyalgo que pour les 10 autres promises à Kononga par le ministre Yacouba Barry, témoigne Hermann Kambou. A l’image d’Issouf Ouédraogo, le fils du chef du village, la population trouve l’attente exaspérante : «C’était une grande joie au départ. On était tous contents. Ils nous ont dit de creuser les fosses et qu’ils allaient nous apporter le ciment et le fer. Nous avons identifié les bénéficiaires et creusé les fosses, mais les choses n’avancent plus depuis.»
Kossouka. Village du ministre des Sports et des Loisirs, Yacouba Ouédraogo. A la date du vendredi 22 mars 2013, date de passage des caravaniers, à part les 350 latrines offertes par le gouvernement et réparties dans les 19 villages que compte la commune et les 32 latrines publiques réalisées dans le cadre d’un jumelage, aucun autre projet n’a été réalisé en matière d’accès aux latrines. C’est ce qui ressort des échanges entre les journalistes et le 1er adjoint au maire, François Kindo et le conseiller, Karim Ouédraogo. Pourtant, seulement 2 ménages sur 10 possèderaient des latrines. La commune compte plus de 16 000 habitants mais ses premiers responsables évaluent les besoins à environ 4000 latrines. Pour ce qui est de l’engagement du ministre Yacouba Ouédraogo, il aurait promis selon le chef de Kossouka, de réaliser 5 latrines à Yabonsgo dont est originaire leur famille avant de venir réaliser 5 autres à Kossouka. La commune, elle, se dit disposée à l’accompagner notamment avec ses ressources humaines qualifiées en la matière.
Fossé donc entre les différents villages visités dans la région du Nord même si l’engagement des ministres et des leaders politiques de la région à réaliser des latrines au profit des ménages de leur village connaît un début d’exécution. C’est la conclusion faite par le coordonateur de RICHE qui ne perd tout de même pas espoir : «Certains sont au stade d’informations et d’autres au stade de la remise des ressources financières à Water Aid pour l’exécution. 12 mois après leur engagement, il n’y a toujours pas de latrines physiques réalisées à 100%. Nous avons l’espoir que les ministres vont se réveiller et redoubler d’effort pour que dans quelques mois ils puissent tenir effectivement leurs promesses et que les populations aient des latrines». Pour lui, d’une part l’aspect creusage des fosses doit être pris en compte en accompagnant les populations des sols difficiles avec des technologies appropriées, et d’autre part, les maires doivent être impliqués dans la réalisation des latrines. Le RICHE, foi de son coordonateur, fera son travail de rappel des engagements des ministres à travers notamment des sorties de terrain de ce genre pour leur dire qu’ils peuvent compter sur le regard du Réseau sur la tenue effective de leurs promesses. A bon entendeur, …
