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Sidwaya N° 7255 du 17/9/2012

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Accès à la terre : Le foncier, c’est aussi une affaire de femmes
Publié le mercredi 19 septembre 2012   |  Sidwaya




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Coutumièrement écartées de la gestion du foncier, les femmes soutenues par des projets de développement et une nouvelle législation favorable, sont désormais parties prenantes des questions foncières. Malgré les avancées, les pesanteurs sociales et la faiblesse économique empêchent les femmes d’avoir les mêmes droits que les hommes.

Rapadama V4 dans la province du Ganzourgou, au centre du Burkina Faso, est un village à part. Le village a été construit de toutes pièces dans la vallée de la Volta dans les années 1970 par l’Etat, en réaction à la grande famine que le pays connaissait à l’époque. Le gouvernement a installé sur les terres vierges du village et sur une bonne partie du Ganzourgou des colons, affectés par la famine. Rapadama V4 est devenu une vitrine de l’accession de la femme à la propriété foncière. Dans ce village avant-gardiste, le groupement féminin Nongtaba (fraternité en mooré, ndlr) a réussi à acquérir et à sécuriser deux hectares de terre dans une région où la femme est exclue de toute possession foncière depuis des siècles. Conscientes de leur chance, les responsables du groupement gardent religieusement leur titre de propriété  : une Attestation de possession foncière (APF). Soigneusement emballé dans deux sachets plastiques, boucliers imperméables contre l’eau et les termites, le précieux document ne sort hors de la case de Awa Kaboré, la vice-présidente du groupement, qu’à de rares occasions. «  C’est en 2011 que nous avons obtenu notre APF. Nous en prenons soin car c’est un document qui nous met à l’abri contre ceux qui voudraient nous prendre le champ  », déclare Mme Kaboré. La crainte de la vice-présidente tient plus d’une peur irrationnelle que d’une véritable intention des hommes de s’accaparer du champ des femmes. Bien au contraire  ! Les hommes ont toujours soutenu les femmes afin qu’elles disposent elles aussi d’un champ commun. Soudré Moumouni, l’un des rares autochtones vivant à Rapadama avant l’installation des colons, se souvient de cette époque. «  Lorsqu’au moment d’attribution des parcelles aux déplacés, un groupe de femmes est allé voir les responsables pour demander une parcelle, raconte-t-il, nous les hommes n’y voyions aucun inconvénient ».

Depuis lors, les femmes n’ont cessé d’exploiter le champ. « Cela fait 32 ans que nous exploitons chaque année, le champ. Il ne vient à l’esprit d’aucun homme de nous le subtiliser. Ici, tout le monde reconnaît que c’est le champ des femmes  » affirme confiante, Habibou Ouédraogo, la présidente de Nongtaba. La confiance de Mme Ouédraogo est légitime. Dans le village, toutes les veuves ont succédé à leur mari sans problème majeur.

Les attestations de possession foncière ont été établies à leurs noms. Parmi les maris conciliants, le mari de la conseillère municipale, Awa Ouédraogo, surpasse tous les autres par son esprit d’ouverture. Il a accordé 2 de ses 6 hectares à son épouse. Habibou Ouédraogo en fut la première surprise. «  Mon mari était content de moi. C’est par amour qu’il m’a accordé cette superficie  », confie pudiquement, Mme la conseillère. Les hommes qui n’ont pas encore donné à leurs épouses des terres de leur vivant, entendent prendre des dispositions testamentaires pour qu’elles gardent leurs terres après le décès des maris.

L’exception Rapadama V4

Pour le moment, Rapadama V4 est une exception dans le Ganzourgou et au Burkina. La place enviable des femmes s’explique par les effets conjugués de 3 projets : l’Aménagement de la Vallée de la Volta (AVV), le Plan foncier rural du Ganzourgou et le Projet sécurisation foncière du Millennium challenge Account Burkina (PSFR/MCA-BF).

Pour Rose-Marie Sandwidi, ingénieure-agronome, spécialiste genre et foncier, le Plan foncier rural (PFR) a été décisif pour les femmes. « Aujourd’hui, si le Ganzourgou est présenté comme un exemple en matière d’égalité en matière d’accès à la terre, c’est en grande partie grâce à l’action du PFR  », analyse Rose-Marie Sandwidi. « Les hommes nous reconnaissent le droit à la propriété, car depuis l’époque de l’AVV, les femmes ont été impliquées à toutes les étapes », renchérit la sexagénaire, Habibou Ouédraogo. L’implication de la femme dans la gestion foncière se poursuit avec le Projet sécurisation foncière. Ce projet soutenu par le gouvernement américain à travers le programme MCA, a pour but la sécurisation des terres rurales par l’attribution de documents de propriété. L’instrument principal sur lequel s’appuie le projet est la loi 034 portant régime foncier rural adopté en juin 2009. Cette loi préconise la mise en place d’instances locales de gestion du foncier. Mme Ouédraogo mentionne explicitement que les femmes doivent faire partie des instances locales. Le principe de non discrimination devient un principe cardinal de la gestion foncière. La loi encourage les actions visant l’octroi et la sécurisation des femmes.

«  L’article 75 de la Loi N° 034-2009/AN portant régime foncier rural autorise la conception et l’exécution de « programmes spéciaux  » dont l’objectif est de donner des instruments de délivrance de titres de propriété foncière à des groupes vulnérables, notamment les femmes  ».

Pesanteurs sociales

Dans les zones rurales, les femmes souffrent d’une mise à l’écart légendaire des affaires foncières. La quasi-totalité de la soixantaine de groupes ethniques considère la femme comme une étrangère à qui on ne saurait accorder une partie du patrimoine familial. «  La terre est une propriété lignagère qui se transmet de père en fils, affirme Rose-Marie Sandwidi. Les droits de succession de la femme posent problème  ». Les hommes sont réfractaires à donner des terres aux femmes car ils ont peur que la terre sorte du giron familial, en cas de divorce. La question de succession foncière est l’un des facteurs explicatifs de la méfiance des ruraux envers le mariage civil. Cependant, toutes les sociétés ont toujours accordé des terres aux femmes pour leurs petites exploitations d’arachides, de gombo, d’oseille… Les blocages mentaux ne sont pas toujours constatés que chez les ruraux. Certains représentants de l’administration prennent le contre-pied des décisions adoptées au niveau central. « Les textes de loi sont volontaristes et ouvertement en faveur de la sécurisation foncière de la femme. Malheureusement sur le terrain, certains agents travaillent à vider les textes de leur contenu  », accuse Mme Sandwidi.

Avancées notoires

En dépit de ce fâcheux constat, la situation foncière des femmes s’améliore lentement. C’est notamment le cas des périmètres aménagés où elles possèdent de meilleures chances d’acquérir de la terre. Pourtant, elles furent pendant longtemps exclues des périmètres aménagés. « Avant, pour avoir une parcelle dans une zone aménagée, le demandeur devait justifier d’au moins 7 actifs. Comment voulez-vous qu’une femme puisse remplir de telles conditions  ?  » s’offusque Rose-Marie Sandwidi. Mais depuis quelques années, il existe désormais des cahiers des charges qui réservent un certain quota aux femmes et aux associations féminines. Si la politique des quotas apparaît à première vue comme une solution salutaire, elle peut avoir des effets contraires à ceux recherchés. Madame Sandwidi préconise une application au cas par cas, plutôt qu’une généralisation. « Dans certaines régions comme à Banfora, il est coutumièrement admis que les zones de bas-fonds sont la propriété des femmes. Elles y cultivent le riz. Si au nom de la règle des quotas, l’on aménage les bas-fonds et l’on donne la majorité des terres aux hommes, on aura fait moins que les traditions  » avance-t-elle.

Réussite incertaine

Le plus souvent les terres cédées aux femmes sont déjà lessivées et érodées. Leur mise en valeur demande beaucoup trop d’efforts. Mais la centaine de membres de Nongtaba ne connaît pas cette difficulté. « Notre champ est très fertile », avoue Habibou Ouédraogo.

Fertile certes, mais trop exiguë pour les femmes. « Au regard de notre nombre, il nous faudrait au moins 6 hectares », clame Awa Ouédraogo, la conseillère municipale. Pour résoudre le problème, les femmes louent chaque année, des terres pour produire essentiellement du sorgho, du haricot et du sésame. L’argent de la vente des récoltes sert à financer le petit commerce des membres. Malgré son apparente bonne conception, cet édifice est un château de cartes qui s’écroule au moindre coup dur. Nongtaba, à l’instar de nombreux groupements de producteurs, butte contre l’absence de suivi, d’accès aux semences, aux engrais et aux financements. Conséquences  : faible productivité et insignifiantes recettes. Elles dépassent rarement 100 000 F CFA. « La saison passée a été mauvaise. Nous n’avons pu réunir que 35.000f après la vente. Mais les bonnes années, nous pouvons avoir 100.000 F CFA  », affirme Awa Kaboré.

L’accès aux moyens de production est l’un des freins à l’émergence d’agricultrices performantes. A cause de l’analphabétisme, elles ne savent pas comment entreprendre les démarches pour avoir accès aux financements dans les institutions financières. Certaines organisations féminines ont recours à l’assistance d’intermédiaires pour les aider à accéder aux services financiers. Malheureusement, tous ne sont pas honnêtes. Certains profitent de l’ignorance des femmes pour flouer les femmes. « Pour que des femmes deviennent de vrais moteurs de la croissance agricole, il est important que l’Etat et les organisations d’appui aux femmes mettent en place un système d’accompagnement. Cet appui doit se déployer dans l’alphabétisation, la gestion des organisations et un encadrement dans la production », conseille Rose-Marie Sandwidi.

C’est à ce prix peut-être, que celles qui représentent 51% des actifs du secteur agricole pourront s’épanouir.

Jade Productions

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