Le Professeur Abdoulaye Soma figure incontestablement parmi les éminents enseignants de droit de l’Université Ouaga II. Agrégé des facultés de droit, il est aussi, entre autres, président du conseil exécutif de la Société Burkinabè de Droit Constitutionnel(SBDC). C’était en marge de l’installation de la section SBDC d’une université de Bobo le 19 mars dernier, que le Pr Soma nous a accordé cet entretien. Deux sujets d’actualité ont été essentiellement abordés : La crise à l’Université de Ouagadougou et les réformes politiques.
Burkina 24(B24) : A ce jour, comment se porte la SBDC ?
Professeur Abdoulaye Soma (Pr A.S): A ce jour, la Société Burkinabè de Droit Constitutionnel (SBDC), dont j’ai l’insigne honneur et le plaisir d’assurer l’éminente présidence, se porte bien et doit encore se muscler.
LA SBDC se porte bien, car les choses se passent normalement suivant nos planifications. Nous avions envisagé d’implanter la SBDC dans l’esprit collectif burkinabè et dans le corps social burkinabè. Je pense que cela se réalise. Nous avons mené des actions médiatiques, des activités scientifiques et des relations publiques qui ont contribué à asseoir la SBDC comme un acteur incontournable et crédible de l’analyse juridique et politique au Faso.
La SBDC doit encore se muscler, c’est-à-dire renforcer son autorité technique, sa puissance sociétale et élargir ses bases institutionnelles. Nous y travaillons. Dans cette perspective, nous sommes actuellement dans le processus d’implantation des sections de la SBDC dans les différentes institutions universitaires dans les différentes villes du Burkina Faso, comme c’est le cas de l’intronisation officielle ce mardi 19 mars des membres du comité exécutif de la section SBDC de l’UCAO à Bobo-Dioulasso. L’objectif est de parvenir à une SBDC techniquement puissante, scientifiquement objective, socialement ancrée et politiquement neutre. Ce sont les ingrédients qui permettront à la SBDC d’assumer ses missions, notamment diffuser la matière constitutionnelle dans le corps social burkinabè, contribuer scientifiquement au renforcement de la démocratie au Burkina Faso et contribuer à l’amélioration de la protection des droits fondamentaux dans le système politique et constitutionnel burkinabè.
Nous avons foi en ce que, malgré sa jeunesse, la SBDC parvienne à se positionner comme telle, avec ses ressources diverses et le soutien de tous.
B24 : La rencontre inachevée du premier ministre avec les étudiants fait la une des médias. Quelle est votre lecture du sujet ?
Pr A.S : Nous pensons que la tournure des évènements est regrettable, mais symptomatique.
Elle est regrettable parce que nous pensons que le gouvernement et les universitaires doivent être des partenaires, des acteurs complémentaires, dans le traitement de la problématique de l’amélioration de notre système universitaire. Une occasion de rencontre entre ces deux acteurs aurait dû être mise à profit pour indexer tous les problèmes qui se posent à toutes les catégories sociales du monde universitaire et conduire le gouvernement à réfléchir sur les solutions idoines. On ne peut que regretter que ce n’ait pas été la dynamique de la rencontre du début à la fin.
Elle est symptomatique de la profondeur et de la pesanteur des problèmes de notre système universitaire qui mènent à une surchauffe des esprits sur les sujets qui fâchent. Nombreux sont les sujets actuellement sensibles : système LMD, régularisation des années universitaires, traitement matériel des enseignants, des étudiants et du personnel d’appui, examens, gestion des flux, gestion des œuvres universitaires, insuffisance et adaptabilité des infrastructures, et j’en passe. A titre personnel, j’avais appelé aux Etats généraux de l’Université au Burkina Faso. Il semble que les choses se mettent en place de ce point de vue. Au sein de la SBDC, nous pensons qu’il faut que tous les acteurs, surtout le Gouvernement, acceptent d’assumer les responsabilités dans cet état grabataire de l’Université et de régler les problèmes sans complaisance ni parcimonie, car le Burkina Faso n’émergera pas économiquement, encore moins politiquement et démocratiquement, avec un système universitaire léthargique et décadent.
B24 : Et parlant du blanchiment technique, êtes-vous d’accord qu’il faut utiliser cette méthode ?
Pr A.S : D’accord ou pas d’accord, la mesure ne peut être prise sans consultation, ni discussion. Ce sont tout de même des mesures graves qui touchent des intérêts majeurs de l’État et des personnes ; il faut en discuter et en convenir. Il faut savoir une chose, le gouvernement n’ira nulle part sans l’université et l’université n’ira nulle part sans le gouvernement.
B24 : Notre pays a entamé un vaste chantier de réformes, notamment la création du sénat. Quel est l’intérêt pour un pays comme le nôtre à avoir un parlement bicaméral ?
Pr A.S : Il y a un intérêt démocratique, qui s’accompagne de goulots budgétaires.
D’une part, démocratiquement, nous sommes en droit d’instituer un sénat, c’est-à-dire une seconde chambre qui représente les intérêts non des partis politiques comme à l’AN, mais des différentes collectivités territoriales et des différentes catégories sociales. Nous sommes dans un processus de décentralisation poussée et techniquement et constitutionnellement cela conduit à associer les différentes catégories dans le processus de décision politique.
D’autre part, justifiée techniquement, la création d’un sénat implique évidemment des dépenses supplémentaires. Le peuple s’inquiète de cet alourdissement budgétaire dans un contexte d’alourdissement de la pauvreté. Le gouvernement qui a une vue plus complète des choses politiques et financières, doit communiquer, convaincre et assurer davantage le peuple sur le sujet.
B24 : Pensez-vous qu’actuellement, l’article 37 de la constitution peut être révisé sans risque de recul de notre démocratie ?
Pr A.S : Cette question ne trouve pas la même réponse selon qu’il s’agisse d’une analyse selon un angle de pure philosophie politique ou de pure théorie du droit constitutionnel, et encore, La SBDC se prépare à verser un dossier complet sur la question, en temps opportun, pour édifier le peuple burkinabé, conformément à sa mission d’analyste de science constitutionnelle et politique au Burkina Faso.
B24 : Nombreux sont ceux qui pensent que 2015 est une année à multiples inconnus. Quel est, vous, votre opinion ?
Pr A.S : Nous le pensons aussi, parce qu’on ne peut prédire l’avenir avec la science constitutionnelle qui est notre outil de travail. Nous examinons ce qui est visible ou possible à prévoir, mais la science constitutionnelle est loin du charlatanisme.
Interview réalisée par Michel KONKOBO