Accueil    Shopping    Sports    Business    News    Femmes    Pratique    Burkina Faso    Publicité
NEWS
Comment

Accueil
News
Société
Article


 Titrologie



Le Pays N° 5199 du 19/9/2012

Voir la Titrologie

  Sondage

 Autres articles


Comment

Société

Burkina : Pourquoi maintenir encore la peine de mort ?
Publié le mercredi 19 septembre 2012   |  Le Pays




 Vos outils




L’auteur du point de vue ci-dessous s’interroge sur l’opportunité du maintien de la peine de mort au Burkina Faso qui, depuis 1977, n’a plus jamais été appliquée. Lisez !

L’actualité judiciaire au plan international est dominée par l’application de la peine de mort en Gambie. En effet, l’ONG Amnesty International indique que neuf (9) personnes ont été exécutées dans la nuit du 23 août 2012 en Gambie, et que d’autres condamnés risquent d’être exécutés dans les jours qui suivront. Au moins 38 personnes, sous le coup d’une condamnation à la peine capitale, risquent à tout instant d’être exécutées, a indiqué Amnesty International. La malheureuse occasion de l’application de la peine de mort en Gambie nous interpelle sur cette sanction qui ne peut plus recevoir aujourd’hui d’arguments juridiquement « tenables ». Si la Gambie a appliqué la peine de mort, c’est que cette sanction pénale existe bien dans sa législation. Au Burkina Faso, cette sanction est également prévue. Il ne faudrait donc pas s’étonner un jour que les juges répressifs burkinabè prononcent cette peine et que l’Etat burkinabè la mette en œuvre. Il faut par conséquent et à la faveur de l’actualité gambienne, tirer la sonnette d’alarme et inviter nos autorités à retirer cette sanction odieuse et inhumaine de notre corpus juridique. Au Burkina Faso, la peine de mort est encore inscrite dans le code pénal comme une sanction pénale pouvant être prononcée par les juges. C’est l’article 9 du code pénal qui la prévoit. Cependant, si elle est bien inscrite dans le code pénal (1), il demeure que, sous réserve de vérification approfondie, elle n’a été appliquée qu’une seule fois au Burkina Faso (2).

1 - Bref aperçu de la peine de mort et son application au Burkina Faso

La peine de mort, encore appelée peine capitale, est une peine privative de vie consistant à exécuter une personne ayant été reconnue coupable d’une faute qualifiée de « crime capital ». La sentence est prononcée par l’institution judiciaire à l’issue d’un procès. Au Burkina Faso, la peine de mort n’a pas encore été abolie. Sa mise en application nécessite qu’elle soit régulièrement prononcée par un juge répressif (juge pénal) à la suite d’un crime légalement prévu par le code pénal burkinabè. Au nombre des crimes pouvant être sanctionnés de la peine capitale, on citera le meurtre (homicide commis volontairement), l’espionnage, l’empoisonnement, le parricide, le crime de trahison et le génocide (extermination d’un groupe humain et refus de l’existence de ce groupe). On peut déjà se réjouir de ce que les incriminations pouvant recevoir la sanction de la peine capitale au Burkina Faso soient réduites. Ce qui n’est pas le cas de certains pays comme la Gambie qui a élargi les crimes sanctionnés de la peine de mort. En 2010, l’Assemblée nationale de ce pays a adopté trois lois faisant de la traite des êtres humains, du viol, du vol avec violence et de la détention de plus de 250 g d’héroïne ou de cocaïne des infractions passibles de la peine capitale. Le Parlement ougandais devait, quant à lui, examiner à la fin de l’année 2010 une proposition de loi relative à la lutte contre l’homosexualité qui, si elle était adoptée et promulguée, instaurerait la peine capitale pour faits d’homosexualité. Si la peine de mort est prononcée par le juge burkinabè, son application n’est pas immédiate. En effet, la condamnation à la peine capitale n’est pas immédiatement exécutoire. Le condamné a un délai de cinq (5) jours francs pour exercer une voie de recours contre la décision. En l’occurrence, il peut former un pourvoi en cassation. La loi a prévu également que le condamné puisse demander la grâce présidentielle jusqu’à trois reprises. Mais une fois toutes les voies de recours épuisées, le condamné doit être exécuté. Si par exemple le recours en grâce est accepté, la peine n’est pas exécutée. Mais dans le cas contraire, la procédure d’exécution de la peine est mise en mouvement. Dans ce cas, le supplicié est emprisonné avant son exécution. Cette attente dans le « couloir de la mort » peut durer des années. Pendant cette attente, le ministre de la Justice désigne le lieu d’exécution de la peine ainsi que la personne chargée d’exécuter la « sentence ». Au Burkina Faso, la technique utilisée pour exécuter cette sentence est la fusillade. Mais d’autres législations prévoient des techniques comme la strangulation, l’injection létale, la guillotine ou la pendaison. Après son exécution, le code pénal burkinabè prévoit des dispositions assez singulières : « Les corps des suppliciés peuvent être remis à leurs familles si elles les réclament, à charge par elles de les faire inhumer sans cérémonial sous peine d’une amende de 150 000 à 500 000 francs ». Cette disposition signifie qu’il est interdit aux proches parents du supplicié d’organiser des cérémonies pour l’inhumation du défunt. La sanction encourue en cas de non-respect de cette disposition est une peine d’amende variant de 150 000 F CFA à 500 000 F CFA. On peut s’interroger sur la pertinence d’une telle disposition dans une société burkinabè fortement marquée par les valeurs traditionnelles comme le respect dû au défunt à travers l’organisation de funérailles.

Bien que prévue par notre code pénal, la peine capitale n’a connu qu’une seule application à notre connaissance.

2 - La rareté de l’application de la peine de mort au Burkina Faso

Le juge pénal burkinabè a prononcé à plusieurs reprises des condamnations à mort pour faits de meurtre ou assassinat. On retiendra ainsi qu’en 2005, la Chambre criminelle de la Cour d’appel de Ouagadougou a prononcé deux condamnations à la peine maximale. Selon les informations dont nous disposons, il existe actuellement 3 condamnés à mort qui attendent dans le couloir de la mort à la Maison d’arrêt et de correction de Ouagadougou (MACO). Cependant, sauf erreur de notre part, la dernière application de la peine de mort dans notre pays remonte à l’année 1977. Comment expliquer cette rareté de l’application de la peine de mort au Burkina Faso ? Une première tentative d’explication réside sans doute dans la barrière que constituent aujourd’hui les droits de l’Homme. Le concept a pris tellement de l’importance qu’il est inscrit comme « élément fondamental » dans certains accords internationaux. Ainsi, l’article 9 de l’Accord de Cotonou (Accord de partenariat ACP-CE1, signé le 23 juin 2000) dispose que « La coopération vise un développement durable centré sur la personne humaine, qui en est l’acteur et le bénéficiaire principal, et postule le respect et la promotion de l’ensemble des droits de l’Homme ». Certains partenaires financiers font du respect des droits de l’Homme une conditionnalité pour délier le cordon de la bourse. Une deuxième explication réside dans la pression qu’exerceraient les organisations de défense des droits de l’Homme au cas où cette sanction serait appliquée. On le voit aujourd’hui en Gambie. C’est l’ONG Amnesty International qui a été la première à « vendre la mèche ». Aujourd’hui, cet Etat est mis au banc de la communauté des nations. Enfin, la troisième explication et la plus forte selon nous, réside dans la volonté de nos autorités de se conformer aux dispositions de notre Constitution et aux traités internationaux auxquels notre pays a librement adhéré. En effet, notre loi fondamentale, en son article 2, dispose que « La protection de la vie, la sûreté, et l’intégrité physique sont garanties ». Cela signifie que la Constitution protège la vie de chaque citoyen burkinabè. Or, exécuter la peine de mort, c’est ôter la vie. De plus, le Burkina Faso est signataire de plusieurs instruments internationaux, tant au plan africain qu’au niveau des Nations unies, qui protègent la vie humaine. On pourrait multiplier les bases juridiques qui justifient que cette sanction ne soit pas appliquée et doive même être abandonnée par le droit burkinabè.

Pourquoi alors maintenir une disposition qui n’a plus été appliquée depuis 1977 et qui, du reste, est contraire à notre loi fondamentale et à nos engagements internationaux ?

On peut lire, dans le maintien de cette disposition, une certaine hypocrisie du législateur burkinabè qui, en conservant cette disposition, veut probablement faire plaisir à une certaine opinion. Mais en ne l’appliquant pas ou en l’appliquant que très rarement, le Burkina Faso veut échapper au courroux des organisations de défense des droits de l’Homme et surtout de ses partenaires financiers. Si cette attitude n’est pas de l’hypocrisie, elle n’en est pas loin.

Le fait d’avoir prévu la peine de mort dans notre code pénal et de ne pas appliquer la sanction (ou de ne l’avoir appliquée il y a maintenant plus de 30 ans) a amené Amnesty International à classer le Burkina Faso parmi les pays dont la législation prévoit la peine de mort pour des crimes de droit commun tels que le meurtre, mais qui peuvent être considérés comme « abolitionnistes en pratique ». En effet, ces pays n’ont procédé à aucune exécution depuis au moins un (1) an et semblent avoir pour politique ou pour pratique établie de s’abstenir de toute exécution. Parmi les pays abolitionnistes en pratique, outre notre pays, l’ONG cite des pays comme le Bénin, le Cameroun, le Congo (RDC), la Corée du Sud, l’Erythrée, le Ghana, le Liberia, Madagascar, le Malawi, le Mali, le Maroc, la Mauritanie, le Niger, la Papouasie-Nouvelle-Guinée, etc. (voir le rapport 2011 des condamnations et exécutions à mort en 2010, Amnesty International). Dans ces conditions, pourquoi ne pas franchir le Rubicon et voter l’abolition de la peine de mort ? Cela nous réconcilierait avec notre loi fondamentale et les standards internationaux des droits de l’Homme.

Olé Alain KAM
Juriste Consultant Gérant de société ole.kam74@yahoo.fr

LIENS PROMOTIONNELS


 Commentaires