Ceci est une déclaration du Réseau national de lutte anti-corruption (REN-LAC) sur le jugement de l’affaire Ousmane Guiro du nom de l’ancien directeur général des douanes.
Du 18 au 20 juin 2015, s’est déroulé le procès de l’affaire GUIRO qui a abouti à la condamnation de M. GUIRO à « 2 ans de prison assortis de sursis, une amende de 10 millions de FCFA et la confiscation des objets saisis d’une valeur de 900 millions, outre les devises étrangères », pour corruption portant sur la somme de 900 millions de FCFA.
En rappel, M. GUIRO était poursuivi pour « enrichissement illicite, corruption et violation de la règlementation des changes », suite à la découverte en décembre 2011 de ses cantines contenant des sommes d’argent et des objets de valeur, le tout estimé à près de 2 milliards de FCFA. Malgré la laideur et les effluves nauséabondes des faits, M. GUIRO a pourtant bien bénéficié de hautes protections. Les phrases du Ministre de la justice KOTE, celui-là même qui érigeait M. GUIRO en citoyen au-dessus de la loi en jetant à la face des Burkinabè que celui-ci n’est pas « n’importe qui », sonnent encore très fort et restent définitivement gravées dans les mémoires. En 2007, dans l’affaire dite des fausses exonérations d’hydrocarbures, le Ministre KOTE avait, en effet, fait des pieds et des mains pour empêcher que M. GUIRO soit déféré à la MACO, alors que le juge d’instruction venait de lui décerner un mandat de dépôt. Depuis lors, cette autre affaire suit toujours «normalement» son cours et n’a pas empêché que M. GUIRO soit décoré en décembre 2011 pour services rendus (certainement à ses patrons) ! Ce n’est que trois semaines seulement après cette décoration qu’a éclaté le scandale des cantines d’argent et d’objets de valeur. Là aussi, l’on se rappelle qu’après un bref séjour à la MACO, M. GUIRO, bénéficiera d’une liberté provisoire pour, officiellement, raison de santé courant juillet 2012. L’on comprendra par la suite, que c’était en réalité pour des raisons «politiques», puisqu’il en a profité pour se faire élire conseiller municipal dans sa localité, sous la bannière du CDP, le parti du Président déchu Blaise COMPAORE. Au regard de ces faits, M. GUIRO peut être perçu par l’opinion publique comme le symbole de l’impunité et de la délinquance en bande organisée. Le scandale des cantines cristallise fortement la soif de justice du peuple burkinabè, qui espérait de son dénouement, un signal fort non seulement pour la lutte contre la corruption et la délinquance en cols blancs, mais aussi et surtout de la réhabilitation de la justice burkinabè tant décriée.
Si dans le principe la tenue de ce procès tant attendu est à saluer, il reste cependant qu’il laisse un arrière-goût amer, ainsi que l’illustre l’onde de choc qui en a résulté. Comment comprendre que M. GUIRO comparaisse tout seul à la barre et soit reconnu coupable de corruption, alors que l’on sait fort bien qu’on ne peut parler de corrompu sans corrupteur ? Qu’a-t-on fait de toutes ces personnes physiques ou morales dont les noms ont été évoqués dans le cadre de cette procédure ? Pourquoi n’ont-elles pas été entendues ? Dans quel intérêt, des entreprises et/ou des commerçants offrent-ils des millions à un Directeur Général des douanes, quand on sait pertinemment la logique de recherche effrénée du profit qui anime ceux-ci et quand on sait également que lorsque le commerçant ou l’entrepreneur investit 1 FCFA, c’est pour espérer un retour sur investissement ? Les entreprises qui investissent en un Directeur Général des douanes escomptent bien évidemment en retour des faveurs douanières de celui-ci, pour tout au moins le montant des investissements. Et comment s’empêcher de penser à un certain lien entre les révélations faites dans cette affaire et le scandale des boissons périmées de OBOUF ?
Beaucoup de questionnements subsistent quant au sérieux et à l’objectivité de la conduite du dossier, depuis la phase de son instruction. Le verdict prononcé laisse, quant à lui, perplexe ! Reconnu coupable des faits de corruption portant sur la somme de 900 millions, M. GUIRO s’en tire cependant à bon compte, avec ce verdict d’une clémence incommensurable. Pourtant, l’article 156 du code pénal qui a d’ailleurs été invoqué par la Cour pour asseoir ce verdict, « puni d’un emprisonnement de deux à cinq ans et d’une amende double de la valeur des promesses agréées ou des choses reçues ou demandées (…) », les faits de corruption.
A l’analyse, ce verdict apparait comme une prime à l’impunité et, en conséquence, sonne comme le top départ du pillage à ciel ouvert des ressources publiques et de l’expansion de la grande délinquance en cols blancs dans notre pays. Il heurte la conscience des Burkinabè qui attendent toujours des actions visant la confiscation des biens mal acquis des dignitaires du régime de la IVème République. Ce n’est certainement pas ainsi que « plus rien ne sera comme avant ».
Du reste, ce procès vient une fois de plus, révéler l’ampleur et le caractère organisé et systémique de la corruption et de la délinquance en cols blancs et un visage peu reluisant de la justice burkinabè.
Le défi d’une justice véritablement indépendante, au service du peuple, demeure encore tout entier ; ce défi est celui de chaque Burkinabè et nous devons le relever en resserrant davantage les rangs de la lutte, particulièrement celle contre la corruption!
D’ores et déjà, le REN-LAC salue le pourvoi en cassation formé par le Procureur Général près la Cour d’Appel de Ouagadougou et espère que cela permettra non seulement de juger à nouveau ce dossier, mais aussi d’aboutir à des sanctions sévères et dissuasives.
Le Secrétariat Exécutif
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