Ce samedi matin, soit une semaine jour pour jour après la signature de l’accord de paix d’Alger à Bamako, l’armée malienne a repoussé une attaque d’une de ses positions (un camp) à Nara au centre du pays et non loin de la frontière avec la Mauritanie ; bilan (provisoire) : trois tués côté soldats loyalistes contre neuf au sein des assaillants. Il n’aura donc fallu que sept jours pour que le délicat arrangement politique intermalien signé à grande pompe avec force symboles et effusion (voir L’Observateur n°8896 du lundi 22 juin 2015) montre des fissures.
Voilà une attaque qui conforte les sceptiques attendant de voir la paix régner avant d’y croire, comme Thomas l’Apôtre attendit de mettre le doigt dans le flanc transpercé du Christ pour accepter sa résurrection.
Et ils n’ont pas tort, vu que dire vouloir la paix est une chose et œuvrer effectivement à cela est une autre paire de manches, particulièrement dans ce désert malien non seulement traversé par les courants de l’hétérogène CMA, mais aussi et surtout parcouru par des djihadistes, des narco-traficants, des contrebandiers d’armes et d’on ne sait quoi d’autre ; autant de pêcheurs en eau trouble que le retour à la normale n’arrange pas : ainsi parmi les assaillants du 27 juin, il y avait, dit-on, des djihadistes du Centre du Mali affiliés à AQMI qui entendaient ainsi signifier qu’à défaut de pouvoir compter sur eux, il faut compter avec eux.
Même que, selon des observateurs, ils ont une stratégie en ce sens qui se dessine depuis le début de l’année : après le Nord-Mali, s’implanter dans le centre du pays, avec pour base stratégique la forêt de Wagadou, qui, comme si son accès, rédhibitoire, ne suffisait pas aux djihadistes, leur offre l’avantage de partir de là vers la non-lointaine frontière avec la Mauritanie ou de s’enfoncer profondément tous azimuts dans le Mali.
La zone est vaste et, rappellent les mêmes observateurs, des combattants d’AQMI s’y étaient établis, et l’armée mauritanienne n’avait pu les en déloger qu’avec l’appui des troupes de Bamako il y a quatre ans. En y retournant ils sembleraient vouloir en faire une base.
On comprend mieux à présent le déplacement du ministre français de la Défense à Gao, pour assurer que son pays appuie l’accord de paix, car sans le soutien de Paris, celui-ci est voué à l’échec.
Ahl-Assane Rouamba