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Le Pays N° 5320 du 20/3/2013

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An I du coup d’état de Sanogo : Le Mali, un champ de ruines
Publié le jeudi 21 mars 2013   |  Le Pays


Le
© Autre presse par DR
Le capitaine Amadou Haya Sanogo président du CNDRE


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On n’en finirait pas d’égrener les variations sémantiques et langagières pour évoquer le souvenir du coup d’Etat perpétré par le capitaine Sanogo au Mali, il y a juste de cela un an.

Ainsi, on utilise pour expliquer et comprendre l’acte du capitaine Sanogo, pêle-mêle, les termes désastre, tragédie, catastrophe, etc. Au fur et à mesure que progresse notre connaissance des raisons avancées, à l’époque, pour justifier ce coup d’Etat, s’aggrave du même coup un sentiment de déréliction. Ainsi, tous ceux qui entendent en finir avec le cauchemar Sanogo sont rattrapés par lui. Chez Heidegger, il y a déréliction lorsque, chez un individu, le passé l’a trahi, le présent est illisible, suffocant, et quant à l’avenir, il ne sait pas de quoi il sera fait. Telle est actuellement la condition existentielle du peuple malien depuis le 22 mars 2012.

Qu’est-ce qui différencie le désastre du champ de ruines ? D’emblée, qui dit désastre, dit rédemption. Désastre et rédemption sont des notions théologiquement marquées. C’est pourquoi, en ayant recours à elles, on ne peut ni expliquer, ni comprendre un événement strictement historique, comme le coup d’Etat de Sanogo.

D’où la pertinence du choix de la formule « champ de ruines », qui montre que nous sommes, avec ce coup d’Etat, face à l’initiative pensée et mise en œuvre d’un individu ou d’un groupe d’individus, et dont toutes les conséquences doivent et peuvent être analysées à la lumière de la raison raisonnante.

Dans le champ de ruines, il y a aussi et surtout l’idée d’un certain monde qui a disparu grâce aux actions des hommes. Et, tout souvenir comporte la trace dont on se souvient et aussi l’acte de s’en souvenir. Il est important de faire de cet anniversaire du coup d’Etat du 22 mars 2012 contre le régime ATT, un moment de mémoire solennel pour les générations futures malienne et africaine. Evidemment, il convient de dire un mot sur l’auteur et l’acteur de ce coup d’Etat, le capitaine Sanogo, au regard des actes qu’il a posés et continue encore à poser sur la scène malienne.

Dans la tradition biblique, par exemple, des prophètes accusent parfois leur Dieu de les avoir « séduits », ils étaient tranquilles, dans leur coin, et voilà qu’il leur envoie des visions pour les troubler. Avec son coup d’Etat, Dieu a laissé Sanogo « séduire » une frange du peuple malien ainsi qu’africain. Or, en moins d’un mois le Mali allait connaître et expérimenter, de nouveau, une alternance politique pacifique, une denrée très rare sous nos tropiques. ATT avait décidé de quitter et de s’effacer de la scène politique. Le pays continuerait à enraciner les vertus démocratiques, suscitant l’admiration du monde entier. A l’heure actuelle, il y a encore des Maliens qui osent se fier ou se confier au lugubre capitaine de Kati.

Mais, très sérieusement, cet homme a trahi Dieu avant de trahir son peuple. Et tout le monde sait, désormais, que le capitaine Sanogo est un assoiffé de pouvoir, pris dans un surinvestissement narcissique : il fait parler Dieu en lui et pense qu’il est devenu son propre Dieu si ce n’est Dieu lui-même. Bamako est même devenu son petit temple portatif, dont il croit d’ailleurs qu’il est le fondateur de cette mythique cité, puisqu’il y fait régner, avec son gang et son club de supporteurs, sa loi, c’est-à-dire ses humeurs et ses caprices. En vérité, on finit par se demander si ce petit potentat s’imagine être né de lui-même et être le créateur ou le fondateur du Mali. Et, il n’est pas sûr qu’en revenant, miraculeusement, parmi nous, à l’heure actuelle, Soundiata Kéita réussira à lui faire entendre raison.

N’être pas fiable, de façon absolue, c’est engendrer le chaos. Or, depuis le coup d’Etat du 22 mars 2012, le Mali baigne dans une lumière noire, même si ici, la voix de Dieu ne se fait entendre que dans le cœur honteux et silencieux des Maliens. Un an après ce coup d’Etat, le capitaine Sanogo a ruiné le Mali et il a surtout réussi l’exploit de transformer ce beau et magnifique pays en un vaste champ de ruines. Et, il fallait être vraiment naïf pour penser, qu’avec ce coup d’Etat, le Mali allait faire, sur tous les plans, un bond en avant. Au contraire, ce coup d’Etat a figé le pays au niveau le plus médiocre de son existence collective, mis en danger les fondements même et les acquis de la démocratie malienne. Sur le plan politique, la classe politique et la société civile restent profondément divisées sur le cas Sanogo. Et c’est là que nous nous rendons compte que seule la sphère politique nous fait apercevoir les profondeurs du cœur humain. Or, pour stopper cette spirale politique désastreuse engendrée par le coup d’Etat, tous les Maliens de bonne volonté doivent unir leurs forces. Car, s’ils n’adoptent pas, à temps, une attitude imprégnée d’un profond sens de l’honneur, tous les Maliens, avec Sanogo, descendront dans la même fosse. Comme l’amour, la démocratie est un parcours, avant tout, un parcours à obstacles, et parfois monstrueux. Mais ce parcours suppose une direction en vue d’atteindre un idéal collectif. La démocratie suppose, enfin, une mémoire notamment celle du coup d’arrêt que lui a porté le capitaine Sanogo.

Le peuple malien ne peut penser son présent, préparer son avenir sans se souvenir de ce coup d’Etat. A l’heure actuelle, Sanogo a procédé à un noyautage de l’Etat avec son petit club. Homme irrémédiablement abruti, Sanogo a instauré à Bamako, ce que nous nommerons ici une méthode sadique d’humiliation du Malien. C’est au nom de cette méthode qu’il s’attaque à la presse libre et indépendante qui l’empêche justement de continuer à persévérer dans son entreprise de dévastation ruineuse du Malien. Oui, il faut débarrasser le Mali de ce « traître » à la nation. Son coup d’Etat est un crime commis contre le peuple malien. Le jour viendra où il devra être traduit en justice. Sur le plan militaire et stratégique, rappelons que, même si l’armée malienne était, à l’époque en grande difficulté face au MNLA, c’est bel et bien le coup d’Etat du 22 mars 2012 qui a créé un climat très favorable aux menées et aux aventures djihadistes. Et depuis le déclenchement de la guerre au Nord du pays pour libérer la totalité du territoire malien, par les armées malienne, française et tchadienne, on attend toujours les hauts faits de guerre du capitaine de Kati, contés un jour par les griots. Fidèle à lui-même, Sanogo avait réussi à divertir les Maliens, bien avant l’opération Serval, en se présentant à eux comme le bâtisseur de leur avenir, et ce, grâce à son pseudo-nationalisme tapageur. Avec le temps, on découvre, qu’il n’est qu’un petit Pétain tropical mal déguisé, lui qui a eu le culot de se comparer à travers les colonnes d’un grand quotidien français, au général De Gaulle.

Sur le plan moral, le Mali d’aujourd’hui, après le coup d’Etat de Sanogo, est une nation humiliée. Les Maliens se demandent ce qu’ils ont bien pu faire à Dieu pour être accablés par cette situation aussi absurde créée par le coup d’Etat de Sanogo. Car, c’est tout un chapitre glorieux de leur riche histoire politique qui s’est brutalement refermé. Soyons clairs : il existe encore, en Afrique, une multitude de Sanogo. Comme lui, beaucoup de militaires rêvent d’investir la scène politique, faire des affaires et gagner beaucoup d’argent. Non, l’Afrique doit avancer, donc combattre et vaincre cette vision belliciste, mercantiliste et mortifère de la politique. La vie des filles et fils d’Afrique est la plus haute des valeurs et l’on ne saurait accepter que des aventuriers d’une autre époque en fassent le sacrifice aveuglément. Sauf lorsque son sens est en cause. C’est pourquoi, à Bamako ou ailleurs, aucun Malien ne doit et ne peut vivre pleinement et humainement sous la loi de la jungle que tente d’imposer le capitaine Sanogo.

Il y a des hommes avec qui on peut dialoguer et il y en a avec qui on ne peut pas dialoguer. Sanogo est un de ces hommes avec qui on ne peut pas dialoguer. Il doit être mis hors d’état de nuire. Mais les Maliens réussiront-ils à accomplir ce qui, à l’heure actuelle, semble relever du miracle ? Et s’ils ne veulent pas le faire, comment leur pays, si humilié par Sanogo, pourra-t-il, un jour, se lever et se mettre de nouveau en marche ? Quoi qu’il en soit, il leur appartient de devenir maîtres d’eux-mêmes, de devenir ce qu’ils sont.

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