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Alliance entre Dalein Diallo et Dadis Camara : le mariage de la carpe et du lapin
Publié le mercredi 24 juin 2015  |  Le Pays
Présidentielle
© aOuaga.com par A.O
Présidentielle guinéenne : Dadis Camara candidat
Lundi 11 mai 2015. Ouagadougou. Hôtel Laico. L`ancien chef de la junte guinéenne, Moussa Dadis Camara, a déclaré à la presse sa candidature à l`élection présidentielle d`octobre prochain dans son pays la Guinée Conakry




On se serait cru dans le labyrinthe de Dédale à l’annonce de l’alliance politique entre Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG (Union des forces démocratiques de Guinée) et Moussa Dadis Camara des FPDD (Forces patriotiques pour la démocratie et le développement). Car, on est face à une alliance des plus surprenantes dans la mesure où le 28 Septembre 2009, la junte militaire alors au pouvoir et dirigée par Dadis Camara, avait réprimé dans le sang une manifestation de l’opposition. Près de 150 personnes y avaient perdu la vie, de nombreuses femmes ont été violées, sans compter les nombreux blessés. Légitimement, on peut se demander ce qui a bien pu rapprocher la victime de son bourreau.

Il s’agit sans doute de contraindre le professeur Alpha Condé à lâcher du lest

Il y a déjà le fait que les deux contractants ont en commun leur appartenance à la Guinée forestière dont l’importance électorale n’est plus à démontrer. Ce deal pourrait faire mouche. Un raz-de-marée électoral des deux compères dans leur fief électoral constituerait, à n’en point douter, la plus importante étape dans la marche vers le palais de Conakry.

Du point de vue de la stratégie politique, cette alliance est l’opérationnalisation du « tout sauf Alpha Condé en 2015 » qui se met en place. Il s’agit sans doute, en raison des soutiens dont Dadis Camara bénéficie toujours dans l’armée et de sa popularité encore bien réelle, de contraindre le professeur Alpha Condé à lâcher du lest. L’annonce de cette alliance intervient, en effet, au moment où l’opposition guinéenne mène des négociations difficiles avec le pouvoir autour du calendrier électoral. Et l’arrivée de Moussa Dadis Camara pourrait sonner comme un renfort ou tout au moins s’apparenter à du sang neuf.

Mais il y a aussi, dans cette alliance négociée loin des regards indiscrets de Conakry, entre le chef de file de l’opposition et l’ex-chef de la junte dans les salons huppés de Ouaga 2000, des intérêts personnels. Et c’est en cela que ce rapprochement a les relents d’un deal.

Pour Cellou Dalein Diallo, en s’alliant à Moussa Dadis Camara, il fissure la coalition « tout sauf un Peulh au pouvoir » qui l’avait empêché de conquérir le fauteuil présidentiel en 2010. Mieux, il se pare des attributs de l’homme providentiel capable d’unir le peuple guinéen autour de la construction nationale. En mettant sous l’escabeau les 150 victimes de la répression sanglante de 2009 dont une centaine serait les militants de l’UFDG, Cellou Dalein Diallo se fait l’artisan de la réconciliation nationale, prêt à solder les comptes avec l’histoire pour aller de l’avant.

Pour Moussa Dadis Camara, il s’ouvre le boulevard de la scène politique dont il a été tenu éloigné depuis les évènements de 2009 qui l’ont perclus dans son exil doré de Ouagadougou. A l’annonce de sa candidature, d’aucuns l’avaient pris pour un plaisantin, mais il se retrouve à jouer un rôle inattendu mais tout à fait intéressant dans le processus de recomposition de l’establishment politique guinéen. Mieux, en cas de victoire de la nouvelle coalition, il pourrait avoir le sommeil tranquille, convaincu qu’il bénéficiera d’une impunité assurée.

Dalein Diallo pourrait perdre son capital de sympathie en marchant sur les cadavres de ses militants tombés sous les balles de la junte de Dadis Camara

Mais ce deal entre politiciens est tout de même choquant, confortant l’idée selon laquelle la politique en Afrique est sans éthique et les populations sont le plus souvent prises au piège des intérêts de leurs leaders. En dernier ressort, c’est le peuple guinéen qui est la victime de cette alliance contre-nature, pris entre l’étau d’un président qui a trahi les attentes des électeurs en installant le marasme dans le pays et en mettant le plus d’entraves possibles dans les aspirations démocratiques de son peuple, et d’une opposition qui « deale» dans son dos. Et c’est en cela que cette alliance peut, contre les attentes des nouveaux partenaires, s’avérer tout à fait contreproductive.

Cellou Dalein Diallo pourrait, en effet, perdre son capital de sympathie en marchant sur les cadavres de ses militants tombés sous les balles assassines de la junte de Dadis Camara, même s’il est vrai que la culpabilité de ce dernier n’a pas encore été prouvée. Ses adversaires politiques n’ont d’ailleurs pas attendu longtemps avant de s’engouffrer dans la brèche, le taxant d’avoir vendu son âme en pactisant avec le diable.

En ouvrant grands les bras à Moussa Dadis Camara, le chef de file de l’opposition prend aussi le risque de se mettre à dos une opinion nationale et internationale de plus en plus opposée à l’intrusion de la soldatesque dans la gestion du pouvoir d’Etat, et ceci est particulièrement vrai dans un contexte national guinéen où l’arène politique est déjà très violente.

Quant à Moussa Dadis Camara, il pourrait aussi être victime de ce pacte. Car, en s’alliant à l’adversaire le plus coriace de Condé encore au pouvoir, ne court-il pas le risque de hâter ses ennuis judicaires ? Il pourrait tout aussi bien être le dindon de la farce, en servant de marchepied à Dalein Diallo dans son ascension vers le pouvoir et être mis aussitôt après à l’écart comme le mouton noir de la bergerie. De son rôle de marchepied, il pourrait se retrouver dans celui de l’essuie-pieds.

Mais qui connaît les mystères des arcanes de la politique ? Car rien ne nous dit aussi que Dalein Diallo ne s’est pas précipité pour devancer Condé à Ouaga !
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