Le procès Ousmane Guiro, poursuivi pour enrichissement illicite, corruption passive et violation à la réglementation des changes de 2007 à 2011, a rendu son verdict samedi 20 juin 2015 à la Cour d’appel de Ouagadougou, après trois jours de bataille judiciaire. La chambre criminelle a déclaré l’ex-directeur général des douanes, coupable de faits de corruption sur la somme de 900 millions de FCFA, le condamnant ainsi à deux ans de prison avec sursis.
Après plus de 5h de délibérés de la chambre criminelle, le verdict du procès Ousmane Guiro tombe à 23h 45 mn, le 20 juin 2015 à la Cour d’appel de Ouagadougou : l’ancien directeur général des douanes (2007-2011) est reconnu coupable de faits de corruption sur la somme de 900 millions de FCFA (et non d’environ 2 milliards de FCFA) ; est condamné en répression, à une peine d’emprisonnement de deux ans assortie du sursis, d’une amende de 10 millions de FCFA, ainsi que la confiscation des objets saisis à hauteur de 900 millions de FCFA outre les devises étrangères. En clair, des trois chefs d’inculpation contre Ousmane Guiro, la Cour présidée par Jean Emile Somda, le reconnaît coupable d’avoir, en tant que directeur général des douanes et en dépit du code de la douane, accepté des dons, reçu des présents ou sommes d’argent. Mais, elle a reconnu à la majorité de ses membres que les choses ou valeurs reçues ne valent pas 1 milliard 906 millions de FCFA. En sus, en ce qui concerne l’accusation d’enrichissement illicite, il a été déclaré non coupable. Par contre, il a été reconnu coupable de violation à la réglementation des changes, cependant, la Cour lui a trouvé des circonstances atténuantes.
A l’issue de la lecture de ces délibérés, le soulagement se lisait sur les visages des parents, des amis et d’anciens collaborateurs de l’ex-DG, restés mobilisés pendant les trois jours du procès. Pourtant, pendant les plaidoiries, durant toute l’après-midi de ce samedi 20 juin, ils étaient crispés et montraient des signes d’agacement sur certains propos. En effet, l’Agence judiciaire du trésor (AJT), qui s’est constituée partie civile au procès, a estimé qu’au vu de l’importance de la somme retrouvée dans les cantines, l’Etat a sans conteste subi «un énorme préjudice». Pour ce faire, elle avait réclamé, au titre des dommages et intérêts, le paiement de 500 millions de FCFA et la confiscation des scellés. Dans le réquisitoire du ministère public, le procureur Laurent Poda s’est dit, une fois de plus, offusqué du fait qu’un seul individu détienne autant d’argent à la maison alors qu’il aurait pu servir à la construction de « 19 CSPS, 33 écoles ou encore 361 forages ». Il a indiqué à la Cour que les faits d’accusation de corruption passive et d’enrichissement illicite sont caractérisés, car recevoir en tant que directeur général des douanes, des présents de 5 millions de grosses sociétés de la place, n’est pas anodin. « Il a peut-être d’autres cantines dispersées ailleurs dans la ville. C’est pourquoi Guiro doit être le symbole de la lutte contre la corruption au Burkina Faso », avait précisé le procureur Laurent Poda, avant de réclamer entre autres, une peine d’emprisonnement ferme de 10 ans, 10 millions d’amende, une interdiction de droit civique pendant 5 ans, le retrait de tous les INVESTISSEMENTS immobiliers sauf la maison familiale et la confiscation des scellés contenant l’argent.
Un symbole
Enfin, lors d’une plaidoirie de plus de deux heures, la défense de Ousmane Guiro a longuement réfuté les accusations du ministère public et de la partie civile, contre l’accusé. Me Yanogo, qui a «souhaité que les cœurs de chacun des membres de la Cour battent pour la justice », a dénoncé une « instruction mal exécutée » et une « immixtion flagrante » du politique dans les affaires judiciaires. «L’affaire Guiro a été érigée en symbole de lutte contre la corruption et les crimes économiques. Il a été déclaré coupable dès le début par l’opinion publique et les autorités politiques de l’époque», s’est insurgée Me Sory Ouattara. Pour elle, l’importance des dons, lors d’évènements heureux ou malheureux dans la société africaine, est fonction de la personnalité d’homme qui les reçoit. Ousmane Guiro, a-t-elle poursuivi, est apprécié par ses collègues, ses collaborateurs, ses amis et ses voisins. La défense a ainsi demandé l’acquittement de son client, car selon Me Adrien Nion, les infractions de corruption passive et d’enrichissement illicite ne sont pas constituées, du fait de «l’absence de preuves et de témoins». «L’on ne peut pas parler de corruption sans un corrupteur. Ce n’est pas Guiro que vous jugez, ce sont les faits et les actes. Et c’est ce que le parquet ne nous a pas fait juger », a ajouté Me Paulin Salembéré, précisant qu’il a rendu de «vaillants services » à son pays lors de son passage à la tête de la direction générale des douanes avec plus de 1000 milliards de FCFA dans les caisses de l’Etat. Ousmane Guiro qui a eu la parole à l’issue des plaidoiries a confirmé ces chiffres tout en clamant son honnêteté. «Je n’ai, à aucun moment, failli à mon devoir, ni vendu mes services. Mon argent a été acquis honnêtement grâce aux nombreuses activités que je mène. Je n’ai rien fait de mal», s’est-il défendu avant le verdict. Au final, par leurs expressions, avocats de la défense, l’accusé, parents et amis ont semblé satisfaits de l’issue du procès. Les uns et les autres ont échangé des poignées de main dans le public ; quant aux quatre avocats, ce sont des étreintes empreintes d’émotion. «Déjà, le fait que Guiro ne retourne pas en prison est un soulagement pour sa famille et ses proches. Nous sommes satisfaits en partie parce qu’il y a des chefs d’inculpation qui n’ont pas prospéré. Sur le délit de corruption, il a été retenu une partie. Nous estimons que cette juridiction a statué en toute liberté, c’était l’essentiel pour nous. Nous pensions avoir été compris au moins à 80-90% », a fini par lâcher Me Paulin Salembéré. Vont-ils pourvoir en cassation ? «C’est avec le client qu’on en discutera car c’est lui qui décide», a-t-il conclu.
Des incidents lors du procès
Clash SG du syndicat des douanes et AJT
A l’entame de l’audience ce 20 juin dans la matinée, l’Agence judiciaire du trésor (AJT) a révélé à la Cour, craindre pour sa sécurité, à cause de propos proférés par le Secrétaire général (SG) du syndicat des douanes, Mathias Kadiogo, à la fin de l’audience de la veille. «Il nous a dit de faire attention à ce que nous disons à l’intérieur », a affirmé la partie civile. « Quelle est votre intention ? », telle a été la question posée par le président au SG, appelé à la barre. Il a reconnu les faits, en soulignant qu’il n’avait pas l’intention de menacer quelqu’un. « J’ai juste dit à l’AJT de faire attention à ce qu’elle dit pour ne pas jeter le discrédit sur le corps de la douane à l’issue du procès ». Le même Mathias Kadiogo aura encore par la suite, maille à partir avec le président de la Cour lors des plaidoiries. Assis au premier rang, il faisait de grands gestes quand la défense a déclaré que l’on a l’impression qu’il s’agissait d’un procès contre la douane. Il a une nouvelle fois été rappelé à l’ordre par le président de la Cour.
Les fameuses cantines à l’audience
Au cours de l’audience du 19 juin, la défense a demandé à la Cour, l’envoi des cantines, pour montrer leur vétusté et prouver que Ousmane Guiro a commencé à stocker son argent depuis plus de trente ans. La partie civile et le ministère public ont estimé que cela n’était pas nécessaire, mais la Cour a accédé à la requête de la défense. A l’ouverture de l’audience le 20 juin, six cantines ont été présentées à l’accusé qui a été invité à identifier les quatre saisies au domicile de son neveu. Une cantine contenait des effets d’habillements, des bijoux et des couvertures de madame Guiro et une des documents de l’accusé. Les deux cantines contenant les 2 milliards ont bien sûr été vidées de leur contenu, pour question de sécurité. A la vue des cantines, le président de la Cour lui a demandé : « Vous mettez autant d’argent dans des cantines comme cela ? ». Rire de l’assistance.
Ces enveloppes avec des noms de grandes sociétés de la place
L’audience du samedi 20 juin était tendue, car c’est ce jour que la Cour a commencé à examiner les pièces à conviction des scellés. A l’heure indiquée, le président de la Cour sort un lot d’enveloppes et des cartons de changes bancaires. Sur les enveloppes, y sont inscrits des montants (très souvent 5 millions) et des noms de personnes et surtout de grandes sociétés de la place. Une d’entre elles est accompagnée d’une lettre du PDG du groupe OBOUF datée de 2007 où était inscrite la somme de 5 millions de FCFA, pour souhaiter un bon carême à Ousmane Guiro. « J’ai eu plusieurs fois à sanctionner cette entreprise quand elle commettait des irrégularités », s’est défendu l’accusé. Il a, en outre, indiqué qu’il ne fallait pas se fier aux montants inscrits sur les enveloppes car une seule peut contenir l’argent de plusieurs dons.
Ses avocats se sont insurgés contre ces pièces qu’ils disent n’avoir jamais vu. « Les PV des scellés en date du 2 janvier 2012 n’indiquent pas la présence d’enveloppes dans les cantines », a déclaré la défense. Cet incident a fait suspendre l’audience de ce jour pendant plus de deux heures. Les avocats ayant demandé à consulter le bâtonnier.
Sié Simplice HIEN