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Burkina: la veuve de Thomas Sankara "n’abandonnera pas" sa quête de vérité
Publié le mercredi 17 juin 2015  |  AFP
Mariam
© Autre presse par DR
Mariam Sankara, veuve de l`ancien président Thomas Sankara




Discrète mais tenace. Plus de 27 ans après le mystérieux décès de l'ancien président burkinabè Thomas Sankara, sa veuve Mariam poursuit sa quête de vérité, du Burkina Faso à la France.

"Je n'ai pas abandonné, je n'abandonnerai pas, jusqu'à ce que vérité soit faite", confie Mariam Sankara à l'AFP, dans un rare entretien.

Elle vit en exil à Montpellier, dans le sud de la France, où elle s'est installée en 1990 avec ses deux enfants. Mais elle était à Paris mardi pour demander aux députés français d'ouvrir une enquête parlementaire sur les circonstances de la mort de son époux.

C'était le 15 octobre 1987. Jeune président charismatique et révolutionnaire, Thomas Sankara, qui rebaptisa la Haute-Volta en Burkina Faso ("Pays des hommes intègres"), est victime d'un coup d'Etat mené par son "frère d'armes", Blaise Compaoré.

Il meurt, avec douze de ses compagnons, dans des circonstances jamais élucidées, et est enterré le soir même à la sauvette. Evoquer son nom au Burkina devient tabou. Le régime de Compaoré refuse toute demande d'enquête.

Pour éviter que la prescription n'efface tout, Mariam Sankara porte plainte contre X en 1997. Car la rumeur court d'un complot associant les services secrets américains, français, mais aussi la Libye, la Côte d'Ivoire et le Libéria.

Quand Blaise Compaoré est chassé du pouvoir par une insurrection populaire, le 31 octobre dernier, les jeunes brandissent des portraits de Sankara et scandent l'hymne national écrit sous la révolution.

La justice burkinabè ouvre une enquête en mars et elle convoque Mariam Sankara pour l'auditionner en mai.

"J'ai été entendue. J'ai eu l'impression que le juge voulait vraiment aller au bout de cette enquête, je ne peux qu'espérer que cela se passe bien", dit-elle.

A la demande du juge d'instruction, les restes de Thomas Sankara et des douze autres victimes sont exhumés fin mai.

"Le but, c'est d'identifier les corps mais aussi de déterminer les circonstances des décès puisque nous avions reçu des certificats disant qu'il s'agissait de morts naturelles".

- 'Je vais revenir' -

Mariam Sankara souhaite que Paris contribue à éclaircir le mystère.

"La France a été souvent citée dans les complicités, en ce qui concerne l'assassinat. Si on arrivait à ouvrir les archives, on pourrait situer les responsabilités", estime-t-elle. "Il y va de l'intérêt de la France, du Burkina et de toute l'Afrique que cette vérité se sache".

Les autorités françaises n'ont jusqu'ici jamais donné suite à ses requêtes.

"Cela fait 18 ans que la plainte est déposée. J'ai écrit au président Chirac (1995-2007), j'ai reçu une réponse comme quoi ce genre de chose ne se produirait plus. J'ai écrit au président Sarkozy (2007-2012) qui a répondu aussi qu'ils vont veiller à ce que ce genre de situation ne se reproduise plus au Burkina.

"J'ai écrit à Hollande quand il est devenu président mais je n'ai pas reçu de réponse...", ajoute-t-elle.

Elle espère que les députés français accepteront sa demande d'enquête parlementaire. Mais cela suppose un consensus politique et "je pense que cela peut être difficile", reconnaît-elle. Deux requêtes similaires, émanant de députés burkinabè, étaient restées lettre morte en 2011 et 2012.

Fêtée à son retour au pays en mai, Mariam Sankara cultive la discrétion et fuit les journalistes.

"Je ne me donne pas un rôle politique. Les sankaristes ont un candidat que nous soutenons qui est Bénéwendé Sankara" (sans lien de parenté).

Mais elle s'est inscrite sur les listes électorales et pourrait s'impliquer aux côtés de son candidat dans la campagne électorale au Burkina Faso, à l'approche des scrutins présidentiel et législatif d'octobre.

"Je m'installerai un jour au Burkina", ajoute Mariam Sankara. "J'ai ma mère, j'ai des frères. Je vais revenir".

Ses deux enfants, adultes et établis aux Etats-Unis, viendront peut-être aussi. "Ils sont Burkinabè, nous sommes toujours restés Burkinabè".
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