S’il y a une question qui, aujourd’hui, alimente les débats politiques et qui vaut son pesant de réflexion, c’est bien la suivante : faut-il passer à une Ve République ? A cette interrogation, les spécialistes les plus éminents de droit constitutionnel du pays, les hommes politiques et même les citoyens lambda, se rejoignent sur la nécessité de tourner la page de la IVe République. Les raisons avancées pour soutenir cette thèse se fondent sur le fait que les turpitudes politiques que le Burkina a connues, tirent leur origine des insuffisances de la Constitution du 2 juin 1991. Et ils n’ont pas tort. En effet, Blaise Compaoré, en accédant au pouvoir en 1987 par les armes, pour se rendre fréquentable, s’était inscrit dans l’esprit de l’appel de la Baule de 1990. En rappel, François Mitterrand, à l’époque président de la République française, avait, dans un discours prononcé dans le cadre du sommet France-Afrique, invité en des termes forts et sur un ton ferme, les pays africains à aller à la démocratie. C’est dans ce contexte que Blaise Compaoré a fait écrire la Constitution du 2 juin 1991. Et il l’a fait tailler à sa mesure. De 1991 jusqu’à sa chute, le Burkina a été régenté, de ce fait, par un texte rédigé visiblement sous la dictée d’un individu qui nourrissait le secret désir de s’en servir pour régner ad vitam aeternam sur le pays. C’est dans cette perspective qu’il avait, à dessein, introduit dans la Constitution, des dispositions qui lui ont permis par la suite d’opérer des tripatouillages de la Constitution, à son goût. La dernière tentative de bricolage de « sa » Constitution lui a été fatale. Le peuple l’en a empêché par une insurrection qui a abouti à sa chute. Après donc le départ du géniteur de la loi fondamentale du 2 juin 1991, la rupture prônée par la Transition et souhaitée par le peuple commande que le pays se dote d’une nouvelle Constitution pour éviter de voir émerger un autre Blaise Compaoré qui ferait du Burkina post-insurrection, son jardin potager parce que simplement la Constitution en vigueur lui en donnerait la possibilité. Pour toutes ces raisons, il faut forcément aller à la Ve République. Cela dit, il pourrait se poser la question de savoir si cette exigence n’entraînera pas la prolongation de la Transition à laquelle il reste quatre mois pour achever son mandat. L’on peut y répondre par la négative, pour peu que les uns et les autres aient la volonté d’aller à l’essentiel, au lieu de se complaire dans une attitude qui consiste à ergoter sur le sexe des anges.
Il pourrait s’agir d’expurger l’actuelle charte nationale de toutes ses clauses maléfiques
De manière pratique, l’on pourrait explorer les pistes suivantes.
D’abord, l’on peut envisager la mise en place d’un Collège restreint d’hommes et de femmes compétents, désintéressés et vertueux, à l’effet de rédiger une nouvelle Constitution qui sera votée par le Conseil national de Transition (CNT) dont la légitimité ne peut être contestée que par les personnes de mauvaise foi. La tâche de ce Collège ne sera pas la mer à boire, ce d’autant plus qu’il pourra s’inspirer de toutes les insuffisances déjà connues de la Constitution du 2 juin 1991, pour proposer un texte propre et débarrassé de toutes les dispositions susceptibles de permettre à un homme, quelle que soit sa ruse, de s’accrocher au pouvoir et d’en abuser.
Il pourrait donc ne pas s’agir de rédiger entièrement une nouvelle Constitution, mais plutôt d’expurger l’actuelle charte nationale de toutes ses clauses maléfiques et de les remplacer par de nouvelles qui préserveront le Burkina des malheurs que nous avons connus sous Blaise Compaoré.
La 2e piste à explorer, c’est d’engager maintenant le processus de rédaction d’une nouvelle Constitution et de la soumettre à l’appréciation du peuple. Dans ce cas de figure, cela pourrait être couplé à l’un des scrutins à venir. Ces deux pistes ont l’avantage d’accoucher d’une Constitution qui ne fait pas la part belle à un individu. Ce faisant, le Burkina pourra s’inscrire dans un ordre constitutionnel nouveau, à même de l’arrimer à la démocratie, la vraie. Et la Transition offre au pays une occasion appropriée de le faire. Il ne faudrait surtout pas qu’elle brandisse des contraintes de calendrier et de finances pour laisser le soin au président entrant de mettre en place une nouvelle Constitution. Car l’on pourrait courir le risque d’aboutir à un texte qui peut réitérer les travers de la Constitution du 2 juin 1991. Ce qui serait une insulte à la mémoire de tous ces Burkinabè qui, les 30 et 31 octobre 2014, ont versé leur sang pour que leur pays tourne définitivement la page du pouvoir d’un individu, pour ouvrir celle d’un pouvoir reposant sur des institutions démocratiques fortes. Pour cela, la mise en place d’une nouvelle Constitution qui réponde aux aspirations du peuple, est impérative.
Sidzabda