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L’Observateur N° 8335 du 19/3/2013

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Le PM à l’UO : En queue de poisson
Publié le mardi 19 mars 2013   |  L’Observateur




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Visite d’infrastructures universitaires, rencontre avec les responsables, le personnel, les enseignants- chercheurs, les étudiants, entre-coupée d’une pause-déjeuner au restaurant universitaire. Prévue pour être une journée marathon au chevet de cette institution moribonde, le passage du Premier ministre hier lundi 18 mars 2013 à l’université de Ouagadougou a fini plutôt que prévu, en sauve-qui-peut sur le campus de Zogona, le contraignant à poursuivre ses audiences avec la communauté universitaire à la primature. Le compte-rendu de nos reporters. (Lire page 2 et suivantes).





C’est dès potron-minet hier lundi 18 mars 2013 que le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, en compagnie d’une forte délégation s’est rendu sur le futur site de l’université Ouaga II située à une dizaine de kilomètres à l’est de la capitale, dans la commune rurale de Saaba. Le chef du gouvernement est allé constater de visu l’évolution des chantiers. Ouaga II est une université publique dont la construction a débuté en 2008.

Mais l’exécution accuse plusieurs mois de retard, qui s’explique en partie par des problèmes techniques liés au terrain. Elle comptera trois unités de formation et de recherches, neuf instituts, une bibliothèque centrale, des amphithéâtres jumelés de deux mille cinq cents places. Une cité universitaire de 408 lits et dont le coût s’élève à un milliard cinq cent millions (1 500 000 000) de F CFA est assez avancée. Cette université accueillera à terme 3262 étudiants. Luc Adolphe Tiao a interpellé vigoureusement les différentes entreprises qui ont en charge les différents chantiers sur le respect des délais contractuels. «Il n’y aura pas d’avenant parce que l’enveloppe n’est pas extensible», a-t-il déclaré en ajoutant qu’il reviendra en juin prochain pour apprécier l’évolution des travaux.

Cap ensuite sur l’université de Ouagadougou encore appelée campus de Zogona où le Premier ministre a visité sous un soleil de plomb et à pas de course aussi plusieurs chantiers tels que ceux des pavillons, du bâtiment de l’odonto-stomatologie et les bureaux des enseignants.

10 h 30, il fait difficilement son entrée dans l’amphithéâtre de l’Union africaine plus connu sous le nom de l’amphi D libyen où il doit livrer une adresse à la communauté universitaire et présidée une cérémonie de décoration d’enseignants reçus au concours d’agrégation du CAMES. Il a, en effet, du mal à se frayer un passage jusqu’à l’amphi, car, juste en face, des étudiants manifestent pour dénoncer leurs conditions de vie et d’études. Il y a beaucoup d’adrénalines voire de la tension dans l’air. Par contre, l’amphithéâtre est archicomble et chauffé à blanc, dehors ceux qui n’ont pu accéder à la salle font un "boucan" terrible. On se croirait au stade du 4-Août où les supporters cognent le portail lorsqu’ils n’ont pas pu accéder à l’intérieur de la cuvette. Il faut user de toutes ses cordes vocales pour se faire entendre par son voisin.

Les choses se passent plutôt bien dans l’amphithéâtre avec la communauté universitaire constituée d’enseignants, du personnel de soutien et bien évidemment de plusieurs centaines d’étudiants. Ils chantent tous à l’unisson avec le chef du gouvernement le Ditanyè. Puis Karifa Bayo, président de l’université de Ouagadougou, s’avance au pupitre pour s’adresser au Premier ministre au nom de toute la communauté. «Dis la vérité à Luc, on a faim !», entend-on dans la foule. Impassible aux commentaires qui fusent ça et là, Karifa Bayo prononce son allocution. Pour lui, cette visite du Premier ministre est une marque d’égard à un monde singulier et est aussi une preuve de bonne gouvernance et de management. A sa suite, le Premier ministre, Luc Adolphe Tiao, tablette en main, s’avance pour livrer son adresse. Il n’arrivera pas à faire fonctionner l’outil, aléa technologique oblige ! Le vilain tour que lui joue son bijou a suscité de nombreux commentaires. «C’est du chine toc !», a lancé alors un étudiant dont la voix est arrivée à transcender le concert de murmures du public. Luc Adolphe Tiao se résout alors à utiliser son support papier.

A peine a-t-il fini la préséance qu’une coupure de courant le contraint à interrompre son discours alors qu’il est 11 heures 18 minutes à cet instant précis. Les étudiants, eux, jubilent : «ce sont nos dures réalités comme ça». D’autres, par contre, somment ceux qui étaient assis à côté des fenêtres de ne pas les ouvrir afin que le Premier ministre et sa délégation puissent vivre, ne serait-ce qu’un bref moment leur quotidien. Contre mauvaise fortune, Luc Adolphe Tiao fait bon cœur. Il se rassoit et attend que la lumière revienne.

Il est loin de se douter à cet instant de ce qui se passe à l’extérieur de l’amphithéâtre de l’Union africaine. Tout autour de la bâtisse, c’est, en effet, la mobilisation pour boycotter la rencontre. Une tribune de fortune est vite érigée à l’aide de briques et de planches ramassées çà et là. Autour d’elle, des étudiants, main dans la main, ont constitué un cordon de sécurité. Mégaphone en main, un groupe de trois personnes haranguaient leurs camarades à l’aide de slogans hostiles au régime en place et aux autorités universitaires. Ils arboraient fièrement leur appartenance à l’ANEB et à l’UGEB.

Sur les pancartes brandies à côté d’eux, on pouvait lire, entre autres, «Boycottons massivement et activement la venue de Dj Tiao, griot du gouvernement apatride et irresponsable du fasciste Compaoré»; «Non à une année blanche. Non à un bâclage de notre formation. Non à la privatisation de l’université» ; «Non à un bâclage de notre formation. Jugez en vous-même : L1 S2/SVT : effectif 1880, 18 admis, 1,86 %». Le tapis rouge, utilisé par le PM pour avoir accès à la salle, est extirpé à travers les ouvertures, soulevé comme un trophée et traîné au milieu de la foule. Une partie du décor, fait de tissu aux couleurs nationales et de fleurs synthétiques, est arrachée, déchiquetée et distribuée à tout preneur. Le groupe électrogène, envoyé en renfort pour pallier un vilain coup de la SONABEL est vidé de tout son carburant, il doit son salut à la division de ses sicaires. Il sera finalement récupérer plus tard par le personnel de l’UO.

11h 30. Le courant revient dans l’amphi sous les applaudissements nourris des étudiants. Le Premier ministre revient à la tribune pour livrer son adresse, mais c’était sans compter avec les dieux de la technique. Cette fois ci, son adresse durera quelques minutes de plus que la première tentative. Luc Adolphe Tiao est de nouveau pris de court par une nouvelle coupure de courant. Un discours «indiscourable» comme dirait l’autre, puisqu’il ne parviendra pas à livrer l’intégralité de son message, faute de sonorisation.

Le volet suivant prévu au programme était l’audience que l’hôte du jour devait accorder aux membres des conseils scientifiques dans la salle de l’Institut supérieur des sciences de la population. Elle n’aura finalement pas lieu puisque les choses vont se corser au sortir de la rencontre avec la communauté universitaire. «Il sort, il sort», entend-on quand le Premier ministre entreprend de se retirer de la salle à 11h 57 mn. Au lancement de ces cris, les étudiants venus de tous les côtés encerclent les trois véhicules du chef du gouvernement. Les projectiles commencent à pleuvoir sous un concert de cris : «voleur», «Djou-là». La sécurité du PM se déploie, le sort de la salle et arrive à le faire entrer dans une des voitures. La situation dégénère et c’est le sauve-qui-peut. Cailloux, sachets d’eau, mangues…tout ce qui pouvait servir de projectiles est mis à profit pour manifester leur hostilité à l’hôte du jour. Alors que ses anges gardiens se démêlaient pour le mettre hors de portée, Luc Adolphe Tiao, lui, baisse les vitres de sa voiture et d’un signe de la main salue ses agresseurs, sourire aux lèvres. Pendant qu’il s’en va, les étudiants prennent d’assaut l’avenue Charles-de-Gaulle.

«On veut pas de la RTB !»

Alors qu’il est midi tapante sur l’avenue, un groupe d’étudiants disposent de bois et de pneus auxquels ils mettent le feu. Les usagers sont priés de rebrousser chemin. Seuls ont le droit de passer, les élèves. Très vite les esprits s’échauffent avec certains usagers se présentant comme des parents d’élèves ou d’étudiants et voulant forcer le passage. «Vous n’allez pas passer, comme ça vous saurez combien nous souffrons», leur rétorque-t-on. Les «parents» se ravisent finalement face à l’ire de leurs interlocuteurs. Les chasseurs d’images sont immédiatement rattrapés et soumis à la même ritournelle : «Vous êtes de quel organe ?».

Un média précis semble indésirable. «On veut pas de la RTB !» crie-t-on par-ci par-là. Sur le bitume comme sur des pancartes on peut lire de tas de messages plus ou moins injurieux. Un taxi sur cales devant l’entrée de l’UFR-SJP n’a plus son pneu avant gauche. A-t-il servi à alimenter le feu des manifestants ? Mystère et boule de gomme, car impossible de trouver quelqu’un auprès de qui se renseigner, les occupants y compris le chauffeur ayant pris la poudre d’escampette.

Le Premier ministre n’a pas pour autant interrompu son programme puisqu’il a reçu à la primature entre 13h et 18h, tour à tour, le conseil scientifique, le personnel ATOS et les syndicats d’enseignants avant d’animer une conférence de presse (voir encadré).

Encadré 1

«Blanchiment technique et non année blanche»

«J’espère qu’aucun journaliste n’a été blessé» s’est assuré le Premier ministre Luc Adolphe Tiao quand il a pris la parole lors du point du presse organisé hier dans la soirée sur la situation de l’université de Ouagadougou. «Ce qui s’est passé est regrettable, mais ça ne m’a pas déstabilisé», a-t-il ajouté, avant de faire aux journalistes le récit du déroulement de sa journée, laquelle a débuté par une visite de chantiers sur le site de l’université Ouaga 2 à Gonsin où, à l’en croire, il a constaté de visu l’avancement des travaux et donné des instructions pour l’accélération du chantier. «Si tout va bien, d’ici l’année prochaine on pourra y donner des cours», a-t-il déclaré à ce propos.

En ce qui concerne la visite au campus de Zogona, Luc Adolphe Tiao a souligné qu’il n’y est pas allé en «touriste» ni pour faire de la pub : «Je ne suis pas candidat à une élection à la tête de l’université. Nous y sommes allés pour régler les problèmes en toute sincérité et y apporter des solutions pérennes.» Il a, à cet effet, résumé aux hommes de médias la substance de l’adresse qu’il devait faire à la communauté universitaire. On apprend ainsi que pour la normalisation des années académiques et l’élaboration d’un calendrier fiable, le gouvernement va procéder à un «blanchiment technique». «Qui a parlé d’année blanche ? Il n’est pas question pour nous de faire une année blanche. Nous allons procéder à un blanchiment technique qui va consister à caler tout le monde sur la même année académique. Dans certaines filières de l’université de Ouagadougou et pour quelques promotions d’étudiants, nous sommes en réalité dans une année blanche de fait, car il est impossible de rattraper deux à trois années de perdu.

C’est pourquoi nous avons décidé de recourir au blanchiment technique des années antérieures à la rentrée 2012/2013 dans l’espoir de normaliser la situation au plus tard à la rentrée 2015/2016. C’est la solution la moins radicale et c’est une grande faveur que nous faisons aux étudiants, car ils pourront continuer à bénéficier de l’accompagnement social dont ils jouissaient. A cet effet, le gouvernement débloquera environ 710 000 000 F CFA pour compenser des retards de bourses, prêts ou aides gelés pour des faits de résultats non présentés.» Les autres solutions envisagées par le gouvernement sont relatives entre autres, au manque d’enseignants qualifiés, aux problèmes d’application du système LMD, de la vie estudiantine et de l’accès des étudiants aux TIC.

Toutes ces promesses pourront-elles être tenues ? «Je ne suis pas fataliste, je pense que le plus tôt possible on va pouvoir juguler les problèmes de l’université. Est-ce que moi, Luc Adolphe Tiao, j’ai pris des engagements sur l’université que je n’ai pas tenus pour qu’on ne fasse pas confiance au gouvernement Tiao ?» a-t-il demandé, tout en appelant au mécénat dans le développement du temple du savoir.

Lui-même, à cet effet, va octroyer deux bourses d’excellence Aimé Nikiéma à des étudiants en 3e année de droit, à la mémoire de feu le professeur de sciences juridiques et politiques du même nom. Quid de son rendez-vous manqué avec les étudiants ? «Pour des gens qui doivent diriger le pays demain, c’est dommage qu’ils en viennent à jeter des cailloux de la sorte. Moi, j’ai proposé quelque chose ; s’ils ont une autre proposition, qu’ils l’exposent. Je suis prêt à recevoir les étudiants qui le veulent. S’ils le veulent même, je suis prêt à repartir au campus pour les rencontrer. On a besoin de les entendre, car tout ce qu’on planifie ne peut être réalisé sans leur implication effective.»

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