Wend-Vennem Eddie Constance Hyacinthe Komboïgo, plus connu sous le nom Eddie Komboïgo est depuis le 10 mai 2015, le président du Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP), l’ex-parti au pouvoir. Moins connu de la scène politique que de la sphère financière, il y a de cela quelques années, l’expert comptable qui a vu 51 saisons passer est le fondateur du Cabinet d’expertise comptable et d’audit financier Komboïgo et associés (CAFEC-KA). Reçu le 18 mai 2015, en invité de la rédaction, il s’est, pendant plus de deux heures, prononcé sur la vie de son parti, l’insurrection populaire d’octobre 2014, le nouveau code électoral qui suscite des débats etc. Pour M. Komboïgo, l’heure est venue pour les Burkinabè de se départir de la haine et de la vengeance pour se réconcilier. La construction d’une nation forte et paisible est le vœu du nouveau président du CDP.
Sidwaya (S.) : Qui est Monsieur Eddie Komboïgo ?
Eddie Komboïgo (E.K.): Je remercie le DG et l’ensemble de l’équipe de Sidwaya de l’honneur que vous me faites, mais également la considération que vous avez pour mon parti, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) qui a souffert, ces derniers temps, qui a été accusé de tous les maux et qui renaît de ses «cendres». Parce qu’il n’était pas mort. Si vous le donnez pour mort, il renaît de ses cendres. Au fait, il n’y a aucune cendre; le silence ne signifie pas qu’on est mort. C’est une période qui nous a permis de méditer, de réfléchir, de diagnostiquer le mal que le CDP avait et qui nous a amenés certainement à ce congrès des 9 et 10 mai 2015. Nous avons mis en place un nouveau bureau en phase avec notre temps. Nous vous remercions parce que vous êtes des hommes de communication. Les hommes de communication sont des gens qui portent l'information. Or, si l'information est bien donnée, nous vous féliciterons, si elle a été biaisée, orientée dans le sens de détruire, vous contribuerez à pousser tout le monde à mettre le feu au pays. Je suis accessible à toutes vos questions, même celles que vous appelez des questions qui dérangent. Il n’en est rien d’une question qui fâche, si nous savons nous écouter et écouter les réponses, nous allons nous rendre compte que parfois, c’est parce que les gens n’ont pas suffisamment d’informations qu’ils pensent que telle ou telle question et telle ou telle réponse devraient énerver. Je suis ouvert à vous et merci de m’avoir invité et je suis là pour répondre à toutes vos questions sans exclusive, sans détours. Les gens sont aux aguets, si on doit détourner, c’est pour ne pas choquer. Ce n’est pas dans mes habitudes d’agresser. Lorsque j’agresse quelqu’un et je m’en rends compte, je lui présente tout simplement mes excuses.
Eddie Komboïgo est né, le 11 septembre 1964 à Ouagadougou à la maternité Yennenga. Fils de feu Xavier Komboïgo qui était comptable à la défunte entreprise Aubaret et ensuite à l’entreprise Oumarou Kanazoé et de Félicité Ouédraogo, ménagère et maman catéchiste à la Cathédrale et à Samandin. Eddie Komboïgo a quatre frères et cinq sœurs; nous sommes dix dans la famille dont le plus connu, je pense puisqu’il est de la communication, c’est Désiré Komboïgo de l’agence Synergie. J'ai fait mes études à l’école primaire de Samandin 1 pour ensuite rejoindre mon cousin Amidou Guiguemdé qui était directeur d’une école de trois classes à Manga pour faire le CE2, le CM1 et le CM2. A l’époque, il n’y avait pas suffisamment de CEG, tous ceux qui étaient vers l’Est avaient un seul CEG qui était celui de Tenkodogo. Après notre réussite au CEP et à l’entrée en 6e, j'ai été envoyé au CEG de Tenkodogo où j'étais à l’internat. De là-bas, je suis resté pendant quatre ans et j'ai réussi à mon BEPC et l’entrée en seconde. Je devrais rester au CEG de Tenkodogo qui se transformait en lycée avec une seule seconde C. Ne voulant plus rester hors de Ouagadougou, je suis revenu contre le gré de mon père dans cette ville. Il voulait que je reste à Tenkodogo parce selon lui, la formation en province était plus sérieuse que celle des grandes villes avec tous les aléas. Mes frères qui ne le laissaient pas respirer, et voyant encore l’un des fils les plus tonitruants revenir à Ouagadougou, cela n’allait pas être facile pour lui. Mais contre son gré, j'ai cherché dans tous les lycées une inscription pour finalement trouver un concours pour le lycée technique. On a dit que le concours se recrute pour une formation en BEP comptabilité ou en BEP secrétariat. J'ai simplement demandé qu’est-ce que ça veut dire secrétariat ? comptabilité ? Il y a quelqu’un qui m’a dit la comptabilité, c’est pour les hommes et le secrétariat, c’est pour les femmes. J’ai dit, inscrivez-moi en comptabilité. On m’a inscrit, et il fallait que l’on fasse le concours pour retenir 50 élèves. Et sur les 50, j’étais le 50e. Je ne regrette pas aujourd’hui parce que dès lors qu’on a commencé, les cours, ceux qui sont là et qui sont mes camarades du lycée technique peuvent témoigner, le 50e est devenu parmi les premiers de la classe. Mes enfants aiment me chahuter en me disant que tous les amis de papa disent qu’ils étaient premiers comme papa, alors il n'y avait pas de dernier dans leur classe ? Après le BEP, j'ai rejoint un lycée qui s’appelle le CEPEC pour faire le BAC G2. Après le BAC, j'ai eu des propositions pour rentrer à la BICIAB, mais je n'ai pas accepté, car je me suis dit qu’il fallait faire des études supérieures. J'ai été accueilli à l’IUT de Ouagadougou et j'ai fait un DUT FINANCES-comptabilité. Après, je suis parti pour Paris pour faire un doctorat à Paris 12 en gestion pour revenir enseigner à l’université de Ouagadougou. J’étais très charmé par un de mes professeurs du nom de Paulin Ouédraogo qui était expert-comptable; je lui disais que je voulais être expert-comptable. A Paris, je me suis rendu compte que c’était une formation en doctorat en gestion. Je n'ai pas voulu continuer et j'ai demandé à mes parents de m’aider à m'inscrire dans un établissement semi-public qui formait les experts-comptables. Et cela m'a valu le refus de la bourse de mon pays parce qu’il disait qu’il fallait se former comme docteur en gestion et revenir enseigner. J'ai donc quitté Paris 12 et je me suis inscrit à l’Institut national des techniques économiques et comptables de Paris et j'ai cheminé jusqu’au dernier diplôme qui est le diplôme d’études supérieur en comptabilité et finances. A la sortie, il fallait faire trois mois de stage, pour être expert-comptable installé en France ; je me suis dit que c’était peine perdue et je suis rentré au pays où j'ai introduit mon dossier pour être expert-comptable au niveau de la Cour d’appel à l’époque qui organisait la profession d’expert-comptable et comptable agréé, qui a été accepté. Deux autres personnes étaient parties avec moi, des dames, je ne sais pas si elles sont revenues. L'une d'elle est venue tout dernièrement, mais elle n’enseigne pas à l’université. J'ai consacré 20 ans de ma vie depuis mon retour, le 31 décembre 1993 au Burkina Faso, à donner des cours à l’Université de Ouagadougou. J'ai commencé les cours en janvier 1994 à la Faculté des sciences économiques et de gestion et quelque temps après le départ de Monsieur Tertus Zongo aux affaires politiques, on m'a demandé de le suppléer, de le remplacer à l’UFR Sciences juridiques et politiques en troisième année et j'ai donné mon accord et dispensé les cours jusqu’en 2014. Cette année (2015), j'ai voulu prendre ma retraite, mais le président de l’Université de Ouagadougou a souhaité que je continue, mais avec ces lourdes charges, je ne veux pas sacrifier les étudiants. Je vais les rencontrer, leur expliquer ma situation, s’il y a des périodes favorables pour continuer d’enseigner, je le ferai. Dans le cas contraire, je proposerai un jeune expert-comptable qui est actuellement un de mes associés pour me remplacer. J'ai également créé en 1994, le cabinet d’audit financier et d’expertise-comptable Komboïgo, parce qu’en ce moment, c’était un cabinet individuel. Et lorsque vous aviez un cabinet individuel, la loi vous obligeait à mettre votre nom. C’était à Wemtenga, dans le même célibatérium où je vivais quand j’étais étudiant à l’Université de Ouagadougou. Le bureau était dans mon salon et la chambre était ma chambre à coucher. J'ai cheminé pendant quelques mois et à la faveur du déménagement d’un de mes voisins qui n’était autre que mon frère Désiré Comboïgo, j'ai récupéré la maison pour en faire le bureau. Tous ceux qui m’ont connu et qui m’ont rejoint, il y a Adolphe Somda qui est comptable agréé et Mme Kondombo Rachelle. Nous avons porté le flambeau du cabinet jusqu’à aujourd’hui. A l’époque, j’avais un salaire de 25 000 FCFA par mois et eux 15 000 FCFA chacun. Nous avons souffert mais nous avons relevé le défi de bâtir un cabinet de référence. Ils sont devenus maintenant associés du cabinet CAFEC-KA car en 1999, j'ai estimé nécessaire d’ouvrir le capital à ceux qui étaient avec moi au début. Beaucoup de cadres du secteur privés sont passés comme stagiaires ou contractuels chez nous. L’un des plus emblématiques est l’actuel DG de Airtel Burkina Ben Aidara. CAFEC-KA est une société qui a maintenant six associés. Vous comprendrez que j’ai maintenant la latitude et le temps pour me consacrer à autre chose, à des activités politiques et sociales parce que les autres font très bien le travail et sans complaisance.
Parallèlement, j'ai compris que dans les sociétés, il y avait un besoin d’organisation fiscale, d’appui technique que nous avons pu construire pour en faire des structures accessoires qui travaillent en bonne intelligence avec le cabinet CAFEC-KA. Je suis fier de ce que nous avons pu construire. J’ai entendu dire que Eddie, c’est l’héritage de feu Xavier, Désiré, c’est l’héritage de feu Xavier. Il y a d’autres enfants, à moins qu’on ait pillé leurs héritages. Je me suis construit à partir de zéro. Et d’ailleurs, lorsque je suis revenu, le 31 décembre 1993, j’avais deux choses dans la valise, un ordinateur et une imprimante. A l’époque, les gens venaient avec des chaînes Hifi, des télévisions, on s’installe, on dit des "benguistes". Et lorsque je suis revenu, les gens venaient demander des cadeaux. Je disais, c’est dans le container qui arrive. Au bout de six mois, ils ont compris que rien n’arrivera encore. Et ce sont ces outils qui m’ont permis de démarrer mon cabinet et de devenir aujourd’hui ce que je suis.
S. : C’est quoi un expert-comptable ?
E.K. : Un expert-comptable est celui qui fait profession de contrôler, d’auditer les différents comptes d’une société. Il est au-delà du comptable. Il est aussi expert dans la comptabilité financière et l’organisation d’une société, mettre la gestion en place. Dans l’analyse de gestion sur des supports, une fois que vous faites la comptabilité, il conçoit des ratios des indicateurs pour conseiller et orienter la direction des sociétés. Un expert-comptable est celui qui contrôle également à travers une mission qu’on appelle commissariat aux comptes, la régularité et la sincérité des comptes. La régularité s’analyse par rapport à l’ensemble des règles internationales, la législation nationale et des procédures internes d’une structure. Un expert-comptable est celui qui regarde si vos supports informatiques vous permettent de produire des états financiers réguliers et sincères, parce que vous ne devez pas tronquer l’information financière et tromper vos partenaires que sont la BCEAO, la clientèle, les fournisseurs, la société et les actionnaires eux-mêmes, les partenaires financiers comme les banques, l’Etat, il y a aussi les particuliers, tous ceux qui veulent savoir et avoir des informations financières sur une société. L’expert-comptable, à travers plusieurs missions et plusieurs mandats, doit contribuer à amener l’entreprise à sortir des états financiers qui sont réguliers et sincères. Il est celui qui a de la vision, qui peut concevoir des stratégies de l’entreprise, aider l’entreprise à mettre en place un programme de développement durable et à définir les indicateurs d’évaluation de la gestion. L’expert-comptable, c’est également un juriste, il est le « dieu de l’entreprise », puisqu’il est le « début et la fin » de l’entreprise. Juridiquement, il peut créer l’entreprise, rédiger les statuts et le règlement intérieur, les procédures internes. Lorsque l’entreprise est en difficulté, on peut faire recours à l’expert-comptable pour la redresser ; dans le cas où la situation de l’entreprise est irrémédiablement compromise, le juge peut désigner l’expert-comptable comme syndic de la liquidation. Vous voyez pourquoi je dis que L’expert-comptable est le « dieu » de l’entreprise.
S. : Comment vous vous sentez dans vos nouveaux habits de numéro un du CDP ?
E.K. : Il semble que je suis le numéro un. Je ne vois pas le CDP en numéro. Je vois le CDP en un tout, mais dans un train, il faut un conducteur. C’est vrai que dans l’organisation sociale, il faut une tête et moi je veux une gestion collective. On a tendance à reprocher au CDP de n’avoir pas suffisamment de démocratie. Dès les premiers moments de la création d’un parti, des responsables dont je ne citerai pas le nom ont dit que le CDP n’est pas suffisamment démocratique. A tort ou à raison, ils ont contribué à créer un CDP avec peu de démocratie. Je suis entré au CDP, j'ai observé, fait des critiques internes qui n’ont pas été prises en compte. Aujourd’hui, j'ai la possibilité de le faire. Vous allez voir, dans le bureau que nous avons mis sur pied, nous avons exigé à ce que chaque province soit représentée. Vous avez vu des publications non officielles qui sont sorties et nous avons les diatribes du journaliste Newton Ahmed Barry qui disaient que pour la première fois le CDP sort avec un bureau non complet. C’est parce que nous avons exigé que les militants de chaque province aillent s’entendre et trouver leur représentant pour faire partie du Bureau exécutif national. C’est de cette manière que nous pourrons prendre en compte les besoins de l’ensemble de la population. Il y aura au moins un représentant de chaque province. Nous pensons que nous sommes l’un des seuls partis qui a intégré cela dans la mise en place de son bureau et ce n’est pas rien. C’est le début de la démocratie que le président Eddie Komboïgo et ses camarades ont souhaité. Je crois que les cadres du CDP qui m’ont fait confiance, qui m’ont choisi pour diriger ce parti, vont accepter que j'aie une nouvelle manière de voir et de proposer ce qui est en phase avec notre temps.
S. : Vous étiez un favori douteux, qu’est-ce qui a joué en votre faveur ?
E.K. : Qu’est-ce que c’est qu’un favori douteux ? Vous avez des appréhensions… Il n’y a qu’à regarder. Vous pensez que je ne suis pas un favori, c’est ce que vous pensez. Les militants du CDP savaient que j’étais un bon candidat qui a ses chances de réussir.
S. : Bon par rapport à quoi ?
E.K. : Un bon candidat par rapport à son temps. Pas des moyens. Je ne crois pas que les moyens aient joué. Le thème de notre congrès était « Face aux défis actuels et futurs, bâtissons un CDP en phase avec notre temps ». Quels sont les défis actuels et futurs ? Nous venons d’où d’abord ? Nous venons d’une situation d’insurrection. Il faut d’abord une révolution psychologique; il faut qu’on accepte que des populations sont sorties pour dire non, qu’elles ne souhaitaient pas qu’il y ait une révision de l’article 37, bien que légale parce que la Constitution prévoit qu’on pouvait modifier cet article. Les seuls points que l’on ne peut pas modifier sont consignés dans l’article 165 de la Constitution. Il y a l’intégrité du territoire, la forme et la nature démocratique et puis le multipartisme. Voici les trois choses que l’on ne pouvait pas modifier ; cela veut dire que tout le reste, nous pouvons le faire. C’est vrai que la direction du parti est allée dans ce sens, mais sachez qu’au sein du CDP, il y a eu des militants qui ont dit qu’il n’était pas opportun de modifier cet article. Mais comme dans un parti, c’est une question de majorité, de rapport de forces, ceux qui voulaient la modification ont eu raison sur ceux qui n’en voulaient pas. Et les conséquences, nous les avons connues. C’est pourquoi, je dis que nous avons fait une erreur et j’ai reconnu sur les ondes que Blaise Compaoré a fait une erreur et nous également. Nous pensons qu’après un recul, avec le temps passé au pouvoir, il y avait la jeunesse, ceux qui sont nés dans les années 70 et ceux qui sont nés dans les années 2000 ne sont plus de la génération de Blaise Compaoré. Ils souhaitent avoir un changement. Qu’il soit bon ou mauvais, changeons ! Il faut changer ! Nous n’avons pas pu appréhender cela avec le temps passé au pouvoir, nous n’avons pas su que ce n’était pas notre président qui devrait opérer cette réforme. Suite à l’insurrection. Je vous dis que nous avons tiré beaucoup de leçons.
S. : Avez-vous un regret alors ?
E.K. : Regret par rapport à quoi ? Nous avons plutôt tiré des expériences. Lorsque vous échouez quelque part, il ne faut jamais regretter. Il faut se demander ce qui a failli et comment y remédier la prochaine fois ? Je suis du privé et le privé a plein de succès et d’échecs. Pour être un leader dans le monde des affaires, il faut des échecs. Et les échecs, quand vous les regrettez, vous êtes dans une situation passive. Et quand vous dites que l’échec fait partie de la vie, vous tirez des leçons positives. Fallait-il passer par-là pour que le CDP puisse tirer des leçons et opérer même cette révolution au sein de la direction du parti ? Vous voyez que les anciens caciques de la génération de Blaise Compaoré ont accepté qu’ils ont commis une erreur et sont allés dans une structure que nous appelons Haut conseil pour toujours continuer de nous accompagner, nous conseiller, ils nous diront : « ne faites pas ça, nous l’avons expérimenté à telle période et nous avons échoué ». Ce n’est pas un regret, c’est une leçon que nous tirons.
Le seul regret que nous ressentons aujourd’hui c’est de savoir qu’il y a eu des Burkinabé qui ont perdu la vie pendant cette insurrection.
S. : Est-ce que l’ancien président Blaise Compaoré a été pour quelque chose dans votre choix à la tête du CDP ?
E.K. : Notre parti a une manière de fonctionner. Je n’ai pas la certitude que le président Blaise Compaoré a été touché pour quoi que ce soit. Mais moi, Eddie Komboïgo, je sais que je n’ai pas touché le président Blaise Compaoré pour être élu. Certes, il a ses amis et des camarades avec qui il a géré le pays pendant plusieurs années, ils sont libres individuellement d’aller le consulter. Cela n’engage pas le bureau du CDP, ce sont des démarches purement personnelles. Mais officiellement, aucune démarche n’a été entreprise pour aller voir Blaise Compaoré pour lui demander qui doit diriger. Comme je le confirme, je suis resté au Burkina Faso, Eddie Komboïgo n’a pas vu Blaise Compaoré pour lui dire qu’il est candidat. Ceux à qui que j’ai dit que je suis candidat, c’est la direction du parti, et cela s’est fait par écrit.
C’est le consensus que nous avons voulu pour montrer que nous sommes un grand parti. Les candidatures ont été déposées. Il n’y a pas eu de proposition de candidat par qui que ce soit. Non, chacun a eu le courage de déposer sa candidature. Cette vision où c’est dans le silence qu’on choisit, c’est fini définitivement au niveau du CDP. Nous les candidats, avons écrit pour justifier notre candidature. Il y avait trois candidats, Léonce Koné, président du directoire, Achille Tapsoba et moi-même. On a donné d’autres noms qui ont désisté par la suite. Sur la base de nos écrits, sur la base des discussions, des critères qu’ils ont dus certainement concevoir, ils nous ont rappelés pour dire au camarade Naboho Kanidoua d’annoncer les résultats de leur délibération. Les résultats m’ont proposé comme président du parti, le camarade Tapsoba comme 1er vice-président et le camarade Koné comme 2e vice-président. Cette proposition a été soumise aux congressistes et vous avez vu l’approbation par acclamation nourrie. Je crois que c’est le choix des militants du CDP à qui je rends d’ailleurs hommage.
Je rends hommage aux anciens du CDP parce qu’ils ont pu transcender ce que vous-mêmes, les journalistes n’y croyiez pas. Je suis élu, pas parce que je suis le plus beau, le plus intelligent, le plus riche, mais parce qu’on pense qu’à l’étape actuelle, je remplis les conditions pour relever les défis présents et futurs avec la jeunesse, par la jeunesse et pour la jeunesse et pour l’ensemble du Burkina Faso. Je l’accepte ! Si dans trois ans, on estime que je ne suis plus la personne indiquée et je dois partir, je partirai ! Parce que pour moi, un mandat a toujours une fin.
S. : Qu’est-ce qui vous a motivé à aller en politique pour un expert-comptable qui gagne bien sa vie et encore à être déterminé aujourd’hui à prendre la tête d’un parti malgré tout ce que vous avez subi pendant l’insurrection ?
E.K. : Vous pensez que la politique c’est pour aller chercher de l’argent ! J’ai toujours dit aux étudiants lors des conférences à l’université de ne pas faire comme leurs enseignants qui étaient ministres à l’époque, car les politiciens n’ont rien ; on connaît leur salaire, ils n’ont rien et s’ils veulent s’enrichir, ils seront obligés de tricher et ça va les rattraper.
Réalisez-vous intellectuellement d’abord, techniquement, sur le plan professionnel et financièrement, réussissez d’abord sur le plan social. Moi, je pense que je n’ai pas encore atteint ce niveau, mais j’ai atteint un niveau acceptable qui me permet de me consacrer à la politique. Je suis rentré en politique depuis que j’étais étudiant à l’Université de Ouagadougou; j’ai été délégué CDR d’abord à l’IUT de Ouagadougou et puis délégué CR à Paris lorsque j’étais étudiant. Tout ce monde me connaît. Mais à un moment donné, je me dis qu’il fallait se retirer un peu pour aller chercher le diplôme; c’est ce qui m’a amené en France, aller chercher les qualifications techniques, développer mon intelligence abstraite. Lorsque nous avons réussi, nous sommes revenus au pays, nous avons développé l’intelligence pratique par l’expérience professionnelle, et enfin l’intelligence sociale, c’est pourquoi j’ai travaillé avec d’autres groupes dans des associations pour servir, servir encore, surtout faire des œuvres sociales avec le peu que je gagne. Vous avez entendu dire qu’Eddie Komboïgo a consacré pendant plus d’une décennie, son salaire de l’Université de Ouagadougou à faire des œuvres sociales à la paroisse Saint Camille, notamment à la chorale. Mais, il n’y a pas que ça, il a fait des œuvres sociales, au Passoré, même au-delà. Alors pourquoi est-il entré en politique ? Parce qu’il a la conviction qu’il a sa pierre à apporter pour la construction démocratique de notre pays. Notre développement voudrait que chaque Burkinabè, patriote, le « Burkindi » dont on parle, on puisse chacun apporter sa pierre sans heurter l’autre, sans agresser l’autre. Bien que ça soit à la sueur de mon front, je ne peux pas dormir et voir que dans mon propre village, il y a des gens qui n’ont même pas de l’eau à boire. La petite histoire, je suis du même village que Maître Bénéwendé Sankara. Nous sommes de la famille royale et eux, ils sont les commerçants. Et les villageois ont posé le problème d’eau, j’ai demandé à un géophysicien de faire des recherches. Dans le village, il y a des militants de l’UNIR/PS et il y a des militants CDP.
Savez où est-ce que le géophysicien a trouvé le point d’eau ? C’est devant la cour du père de Maître Bénéwendé Sankara. Vous comprenez bien que des gens sont venus me dire : « M. Komboïgo, on ne va pas implanter le forage à cet endroit ». Je leur ai dit d’implanter le forage à cet endroit; Je leur ai dit d’aller faire le forage. Aujourd’hui, si vous arrivez à Toécé, le forage est bel et bien réalisé devant la maison du père de Maître Bénéwendé Sankara. Les militants du CDP, les militants de l’UNIR/PS et les quelques sympathisants des autres partis boivent cette eau, et c’est la famille. Ne confondons pas les choses, les convictions politiques et les relations sociales et familiales. Nous sommes tous frères et sœurs et au village, on mange dans les mêmes assiettes, mais on ne développe pas les mêmes idées politiques. Mon engagement dans la politique, c’est également un sacerdoce, un don de soi ! parce que je pense avoir cumulé 20 ans d’expérience dans la pratique et ces 20 années d’expérience-là, ce n’est pas rien. Lorsque je suis arrivé au CDP, j'étais en back office, mais je travaillais dans le silence et la discipline. Aujourd’hui les camarades ont trouvé que je suis en phase avec mon temps et j’étais le candidat le plus apte, pour diriger le parti et je me battrai pour mériter cette confiance. voilà c'est tout !
S. : Malgré tout ce que vous avez dit et développé ici, beaucoup de gens pensent que vous êtes la marionnette de Fatou Diendéré. Que leur répondez-vous ?
E.K. : Je crois que j’ai appris beaucoup de choses avec la députée Fatou Diendéré; c’est ma colistière-députée au Passoré. Fatou Diendéré, c’est la femme active, c’est une femme qui porte le "pantalon", comme les Mossé aiment le dire. Elle ne dort pas tant que les objectifs qu'elle s'est assignés pour le Passoré ne sont pas atteints. C’est une femme qui ne pense pas bien faire, mais qui fait bien ! Parce que, quand on dit que je pense bien faire, on n’est pas sûr d’atteindre le résultat, mais quand on fait bien, forcément, le résultat est atteint. J’ai appris auprès d’elle et je lui rends hommage. Fatou Diendéré, c’est la conviction politique, elle parle aussi bien le français, sa langue maternelle le fulfuldé, le mooré comme une moaga et le dioula comme une dioula. Avec ma proximité, j’ai eu une chance d'apprendre a faire de la politique que beaucoup de militants n'ont pas pu bénéficier. Je sais que beaucoup de gens auraient voulu être à côté d’elle pour apprendre, mais comme ils n'ont pas eu cette chance ils expriment leur jalousie à travers des diatribes maladroits. Cela ne me fait ni chaud ni froid !
S. : N’est-ce pas à cause des marchés publics qu’Eddie Komboïgo s’est lancé dans la politique ?
E.K. : Vous voulez parler de contrat avec l’Etat ? Non, soyons sérieux, je travaille beaucoup avec le secteur privé. Le CAFEC-KA est un cabinet qui a bien compris qu’il fallait avoir des relations avec des cabinets internationaux. Ce qu'il a fait avec KPMG l'un des "Big four" (les quatre grands du monde). Nous avons des contrats référencés par KPMG; cela veut dire que lorsque la maison-mère (le Groupe) est auditée par KPMG dans un pays donné, si la filiale vient s’installer au Burkina, KPMG leur dit qu'elle a un partenaire au Burkina qui est le CAFEC-KA et leur donne nos coordonnées afin que nous travaillions ensemble pour la filiale au Burkina. Nous n’avons pas le droit de démarcher un client, nous avons une profession non commerciale. Pour parler de marchés, ça me gêne et vous allez choquer le président de l’Ordre parce que lorsqu’on parle de marchés, ce n’est pas adapté à notre mission. Notre mission est une activité non commerciale, même si dans l’évolution, on nous a permis de faire des sociétés de droit commercial; c’est tout le paradoxe de la contradiction du droit OHADA. Par exemple, les avocats sont organisés en sociétés civiles professionnelles. Au niveau des experts-comptables, on nous a permis de créer des sociétés commerciales qui sont des sociétés anonymes (SA), des sociétés en commandite par actions (SCA) ou des Sociétés à responsabilité limitée (S.A.R.L.). Ce sont des sociétés commerciales par leur nature. Ensuite, on nous dit d’avoir une activité non commerciale, voilà le paradoxe qu’il faut peut-être corriger dans le règlement OHADA. Nous restons respectueux de la déontologie de notre corps, donc ce n’est pas du marchandage que l’on fait. Je ne viens pas au CDP non plus pour faire du marchandage parce qu’on m’a donné tel ou tel contrat avec l’Etat. Mes contrats les plus importants que j’ai eus, ce sont des contrats avec des structures privées. Certes, j’ai eu des contrats avec l’Etat burkinabè comme tous les autres cabinets mais, le plus souvent, ce sont des appels d’offres ou des propositions qui nous ont été faites par quelques autorités de l’Etat pour les aider à orienter leur gestion. Par exemple dans le domaine du sport, nous nous sommes rendu compte qu’aucune fédération n’avait une comptabilité digne de ce nom ; pourtant, ces structures sont soutenues financièrement par l’Etat burkinabè. Si on fait une subvention, vous devez justifier les dépenses de la subvention pour bénéficier encore d'une autre subvention. On s'est rendu compte qu’aucune fédération, y compris la fédération de football, la plus grosse, n'avait pas une comptabilité en bonne et due forme. Nous avons proposé à l’ancien ministre des Sports, Jean-Pierre Palm, qu'il était nécessaire d’encadrer et de faire un audit organisationnel pour montrer les défaillances de ces fédérations et à terme, concevoir des supports de gestion. Le Colonel Jean Pierre Palm, jadis, ministre en charge des sports, nous a confié un tel audit et les résultats ont été restitués publiquement.
Jean-Pierre Palm est un grand-frère que je respecte beaucoup, et à ce que je sache, il n'est pas un militant du CDP. Je vous ai rappelé tantôt que j’étais un politique depuis les années 1983 ; j’ai été CDR, CR, représentant les étudiants de Paris, en France. J'ai toujours travaillé en bonne intelligence avec le parti que j'ai choisi. Ce n’est pas parce qu’on n’est pas aux avant-postes, qu'on n'a pas de convictions politiques. Or, j’ai l’impression que pour vous, c’est le cas. Il y a des millions de Burkinabè qui sont militants du CDP mais qu'on ne voit pas. Si un jour, on estime qu’on peut confier la direction du parti à l'un d'entre eux, ne soyez plus étonné, c’est comme cela que ça marche.
S. : Qu’est-ce qui a empêché le CDP de se raviser en dépit des appels des institutions nationales et internationales par rapport à l’article 37 ?
E.K. : Tout simplement parce que la direction pensait qu’elle était dans une démarche légale; et comme c’est une démarche légale, il ne semblait plus avoir de raison de reculer. Mais nous avons appris que lorsque l’on veut voter une loi, il faut évaluer l'environnement et se demander si cette loi épouse les aspirations de la plupart des Burkinabè. Si oui, on y va, si non, on prend le temps d’expliquer encore pour convaincre avant de voter la loi. Si ça ne marche pas, on ajourne. C’est la même chose que nous disons aujourd’hui par rapport au code électoral qui exclut une grande partie de l'ex-majorité présidentielle. Vous voyez que les gens ne sont pas contents. Il y a une frange de la population qui n’est pas d’accord. Beaucoup de gens, parmi lesquels des journalistes, qui ont écrit qu’il faut que ça soit inclusif. La communauté internationale, les ambassades ont interpellé pour dire de ne pas aller dans ce sens, que ce n’est pas bon, que cela va davantage diviser, de faire seulement un code électoral inclusif conformément à l’esprit de la Charte de la Transition. Maintenant, on nous dit que le code électoral est voté. Un de vos collègues journaliste m’a dit, le vin est tiré et il faut le boire. Je lui ai répondu que quand un tire un vin et on se rend compte qu’il est aigre ou amer, on ne le boit pas.
De notre côté, nous mènerons une démarche d’explication avec les dirigeants de la Transition, nous rencontrerons les autorités coutumières et religieuses afin qu’elles pèsent de leur poids pour que l’on rétracte cette loi. Nous avons commencé à rencontrer la communauté internationale et ceux qui sont en négociation avec le Burkina Faso pour une Transition apaisée. Nous rencontrerons également les partis adverses pour leur dire de ne pas faire la même erreur que le CDP à l’époque. Aussi, nous irons à la rencontre des OSC. Ce n’est pas une question de vengeance, ça ne sert pas, c’est une question de leçon et la leçon a été donnée au CDP. Nous avons beaucoup appris donc, ce n’est pas la peine d’insister; et si on arrive à faire des élections libres, transparentes et inclusives, au soir du 11 octobre, vous verrez que les perdants iront saluer, féliciter les gagnants et cela sera à notre honneur, l’honneur de tout le pays. Nous aurions montré que notre «Burkindi» est tout sauf la culture de la haine, la culture de la vengeance, la culture du réglement de compte. C’est faire ensemble avec les autres partis, même avec ceux qui pensent autrement que vous, que nous. Le peuple jugera, sanctionnera comme il le souhaite. Si nous gagnons, les autres nous féliciteront, si nous perdons, nous irons féliciter le gagnant, les gagnants.
S. : Vous avez dit à propos de cette insurrection que vous êtes co-responsable, mais vous n’êtes pas coupable de ce qui est arrivé. Est-ce que vous pouvez identifier ceux-là que vous estimez les coupables d’avoir effectivement tenté de modifier l’article 37 ?
E.K. : J’ai dit qu’il n’y pas de coupables. La direction du CDP à l’époque est la première co-responsable. Le CDP qui a été entraîné, est co-responsable. On ne cherche pas de coupables parce que la culpabilité est une qualification judiciaire et moi je ne suis pas juge ! Ce ne sont pas des coupables qu’il faut chercher, mais des co-responsables. Et il faut s’assurer que ces co-responsables là, ont tiré la bonne leçon. Nous sommes condamnés à vivre ensemble et comme disent les Mossé : «Tond faan ya peoga yé ki», Nous sommes tous du mil d’un seul panier. Il ne faut pas diviser, nous avons mieux à faire que d’inciter les jeunes à brûler des pneus ou des maisons. Nous avons mieux à faire que d’enseigner la haine à nos jeunes. Nous avons des valeurs africaines, c'est pourquoi nous avons interpellé notre jeunesse à rester intègre, responsable, citoyenne, à donner l’exemple par un langage apaisé et pondéré. Cela procède d’abord par la discipline, par le respect des jeunes des autres partis adverses. Nous avons la responsabilité d’avoir un langage pondéré. Je n’ai point le droit d’insulter un seul militant d’un autre parti, et c’est ce que nous disons à nos militants. Nous avons l’obligeance de perdre notre arrogance d’antan pour adopter un langage plus courtois, plus fraternel et plus convaincant. C’est pourquoi je dis que nous allons utiliser la force de l’argument plutôt que l’argument de la force.
S. : Est-ce que ce sont des propos de vaincus ?
E.K. : C’est vous qui pensez que le CDP est vaincu. Mais le CDP est vaincu par qui ? Nous restons convaincus que ce qui s’est passé était une leçon qui a été donnée au CDP et à l’ex-majorité. Nous l’avons prise comme telle. Au soir du 11 octobre, vous pourriez dire si le CDP est vaincu ou vainqueur.
S. : Vous avez reconnu que vous êtes responsable. A la suite de cela, beaucoup disent que vous ne devez pas être dédommagé aussi bien que les autres dignitaires de l’ancien régime. Quelle est votre réaction par rapport à cela ?
E.K. : Notez bien, j’ai dit que nous sommes co-responsables avec les autres acteurs politiques et de la société civile.
Mais dites-moi, qu’est-ce que le matériel DE LA MAISON d’Eddie représente par rapport à une seule vie que nous avons perdue dans les manifestations des 30 et 31 octobre ? Personnellement, je vous dis, qu’on me dédommage ou pas, ma pensée est pieuse et elle va à l’endroit de tous ceux qui ont perdu la vie en battant pour plus de liberté et pour faire triompher leurs idées, leurs convictions. Je me suis déplacé personnellement pour aller m’incliner sur leurs tombes dans la discrétion. J’ai dit au CDP que nous avons la responsabilité de nous incliner pour le repos de leurs âmes. Et dans mon premier discours, j’ai demandé à l’ensemble des congressistes de se lever pour observer une minute de silence pour le repos des âmes de tous ceux qui sont tombés les 30 et 31 octobre 2014; cela est un signal fort que nous ne sommes pas là pour tergiverser sur qui a fait quoi. C’est notre grandeur d’esprit qui nous amène à accepter la co-responsabilité de ce qui s’est passé. Que l’on nous dédommage financièrement ou pas, personnellement, cela ne me dit rien, mais comprenez également qu’il y a des gens qui avaient construit leur bâtiment et le seul, à la sueur de leur front et qui ont tout perdu. Est-ce qu’on exclut tous ces gens-là ? Si nous avons en esprit de réconcilier le peuple avec lui-même, si nous avons la responsabilité de construire un pays de pardon, si nous avons la responsabilité de créer un pays social, de confraternité, de paix durable, un grand pays d’exemple pour notre continent, nous devons accepter de nous pardonner et prendre les mesures correctives de tout ce qui s’est passé et avancer.
S. : Le 30 octobre, quand vous étiez au camp Paspanga, vous avez semblé visiblement plus préoccupé que d’autres députés. A quoi pensiez-vous ? Pressentiez-vous la suite des évènements ?
E.K. : Etiez-vous la bas ? (rires)
Je ne semblais pas être plus préoccupé ; j’étais préoccupé tout simplement depuis que l’on parle de la relecture de la Constitution, notamment de l’article 37. La préoccupation est tout à fait normale parce que vous avez en face des mécontents et la marche du 28 octobre aurait été suffisante pour que nous tirions tout de suite la leçon pour retirer la loi. Ça n’a pas été le cas. Lorsque nous sommes sortis et avons senti les gaz lacrymogènes, nous avons su qu’il y a des gens qui souffraient dehors, souffraient dans leur chair parce qu’ils respiraient les gaz et cela nous a beaucoup peiné à tel point que nous avons soupiré plus d’une fois. Est-ce qu’il fallait en arriver jusque-là ? Nous étions désarmés. C’est cela qui était ma préoccupation.
S. : Etiez-vous à l’hôtel Azalai, justement la veille du vote ?
E.K. : Oui, j’y étais par discipline.
S. : Eddie Komboïgo a-t-il suggéré peut-être à la députée Fatou Diendéré, qui est proche du sommet, de renoncer justement à ce projet de modification ?
E.K. : Ce sont des débats qui engagent Fatou Diendéré et moi, ça n’a aucun intérêt aujourd’hui.
S. : Il y a des gens qui disent qu’à l’hôtel Azalai, l’ex-président du Faso vous a rencontrés pour vous donner des consignes. Est-ce que vous pouvez nous éclairer ?
E.K. : Faux !
S. : Mais il était là quand même ?
E.K. : Non !
S. : Mais est-ce que vous l’avez rencontré depuis son départ en Côte d’Ivoire ?
E.K. : Non !
S. : Avez-vous reçu des félicitations de la part de Blaise Compaoré suite à votre désignation comme président du parti?
E.K. : Nous avons reçu des félicitations de partout, également de la part de chefs d’Etat de plusieurs pays et des dirigeants du parti. Et Blaise Compaoré suit également les évènements qui se passent au Burkina. Donc, s’il a suivi notre élection, c’est qu’il approuve certainement. Il a certainement compris qu’il fallait tendre une oreille attentive à la jeunesse, sur leur requête sociale. C’est vrai que c'est l’article 37 qui a fait déborder le vase, mais il ne s’agissait pas uniquement de cela. Il y a d’autres préoccupations sociales, la prise en compte de ces requêtes. C’est pourquoi, nous avons saigné le parti pour que cette jeunesse s’installe à travers la composition du nouveau bureau. Au niveau du CDP, nous avons fait un pas de grand, en répondant aux requêtes de notre jeunesse et de l’ensemble de cette jeunesse qui est venue faire comprendre, les 30 et 31 octobre dernier, que trop, c’est trop.
S. : Comment approuvez-vous l’attitude du CRAC qui est aussi un mouvement de jeunes ?
E.K. : Nous devons rendre grâce au Comité de réflexion et d’actions pour le renouveau du CDP (CRAC) parce qu’il est sorti au moment où les populations avaient toujours peur. Seulement, il n’y avait pas que le CRAC, il y avait déjà d’autres mouvements qui tenaient des réunions dans la discrétion. Et notre parti se sentait à un moment donné traqué et l’Assemblée nationale, les mairies, les conseils régionaux ont été dissous et nos camarades militants ont été également révoqués de l’administration et des gouvernorats. Tout récemment, il y a eu les arrestations de nos anciens ministres et maires. Nous ne sommes pas contre la politique dite « mains propres » que la Transition compte mener, mais nous disons que dans un pays démocratique et républicain, il y a des procédures administratives et judiciaires. En ce qui concerne ces arrestations, une fois ces procédures transgressées, les juges vont les relaxer, tout simplement. Après observation, l’ensemble de la direction a fait savoir qu’il était temps d’écouter la jeunesse.
Le nouveau bureau épouse l’approbation du CRAC. Ces membres ont su bien le dire dans une conférence de presse. Dans un parti, il existe différentes tendances et nous allons travailler pour que notre victoire prochaine dépende de l’unité au sein du parti. Il faut d’abord taire nos divergences. Pour ce faire, nous allons porter un grand regard sur la jeunesse. Ce regard s’est traduit par l’élévation de leur responsable au poste de vice-président, un camarade neutre qui saura fédérer les énergies de notre jeunesse.
S. : Il paraît que vous êtes à l’origine de ce mouvement en montant le CRAC ?
E.K. : Que j’ai monté le CRAC ? Non ! Vous savez que c’est une jeunesse qui est consciente comme la plupart de nos militants, j’ai soutenu ces jeunes comme je l’ai fait avec les ex-députés, les ex-maires de notre parti.
S. : Avec ce nouveau bureau, pensez-vous rebondir aux échéances à venir ?
E.K. : Pas rebondir, car nous sommes toujours dans notre élan. J’estime que s’arrêter, faire le point sur ses faiblesses, permet d’avancer. Nous n’avons pas peur des élections, c’est plutôt ceux qui complotent pour qu’on interpelle nos militants. Notre langage a changé, pas d’arrogance, nous disons que tous les partis politiques ont des forces et des faiblesses, maintenant il appartient au peuple de faire son choix et ce, en fonction des programmes de société de chaque formation politique. Des programmes qui, de mon avis, doivent répondre aux aspirations des Burkinabè et se baser sur la requête sociale, une économie forte, s’appuyant sur les piliers et les leviers de la croissance comme les routes et les autoroutes, des ambitions fortes, etc.
S. : Vous parlez d’autoroute alors que le président Blaise Compaoré, lors de son dernier meeting pour la présidentielle de 2005 avait promis de relier Ouagadougou à Bobo par une autoroute jamais réalisée. N’est-ce pas de la démagogie ?
E.K. : Votez le candidat CDP à la présidentielle, et vous verrez ce qu'il va apporter comme expertise. Je pense que cette autoroute n’est pas remise en cause ; elle est même en étude parce que nous envisageons en faire un projet sous-régional avec des pays voisins. Le choix du CDP est un choix gagnant parce qu'une fois notre candidat à Kosyam, nous allons l’assister avec des indicateurs.
S. : A vous entendre parler, est-ce que le CDP pendant 27 ans a mené une mauvaise gestion ?
E.K. : Non ! Mais non. Mais tout de même des insuffisances. Si vous comparez le Burkina Faso des années 1990 à maintenant, vous verrez qu’il y a eu de l’évolution. Rien qu’à regarder Ouagadougou, les infrastructures, le secteur privé a été boosté. Lorsque vous prenez le Burkina Faso en matière de forages, vous verrez que nous avons quadruplé les points de forages. En matière d’infrastructures sanitaires plus de 1600 centres de santé ont été construits, En matière d’infrastructures d’enseignement, quand vous regardez l’ensemble des écoles, des collèges, des lycées qui ont été construits, vous comprenez bien que l’effort a été fait à la base pour les plus démunis ; Seulement, nous n’avons pas pu opérer des reformes scolaires pour assurer l’employabilité de l’ensemble des étudiants en fin de cession que l’on instruit dans les universités. Nous n’avons pas pu construire suffisamment d’infrastructures pour les universités qui ont été créées. Nous constatons avec regret que les universités sont archi-combles et les étudiants ont raison de se plaindre. Si nous prenons le domaine de l’électricité, y a eu pas mal de groupes électrogènes qui ont été installés, mais la population s’accroissant davantage, le volume d’investissement en matière d'électricité n’a pas suffi à faire face aux besoins. Si vous avez un besoin qui augmente avec 6 points alors que l’investissement augmente avec 1 point, vous comprenez qu’à un moment donné, on soit en déphasage. Mais vous conviendrez avec moi que la situation en électricité s’est empirée en 2015. Le CDP n’est plus au pouvoir.
S. : Est-ce que ce n’est pas plutôt un manque de vision ?
E.K. : Non, ce n’est pas un manque de vision. L’Etat a également des limites, quand on prend une décision, il faut de l’ambition, mais l’ambition peut être réduite ou réajustée au regard des moyens que l’on a en face. Si on a de l’ambition et qu’on ne trouve pas les moyens conséquents, l’ambition s’estompe. Donc la vision y est, l’ambition y est, mais nous sommes dans un MARCHÉ FINANCIERrégional, une coopération multilatérale et bilatérale avec des partenaires qui régentent un peu notre économie et qui veulent voir notre volonté d’avancer, qui nous accompagnent tous les jours et nous faisons avec eux. Nous allons leur montrer demain que nous avons davantage d’ambitions et il faut qu’ils s’alignent sur nos positions.
S. : A entendre les autorités de la Transition, la gouvernance économique sous l’ère Compaoré n’était pas des plus reluisantes. Etes-vous d’avis ?
E.K. : Dans les années 1980, la population comptait cinq à six millions d’habitants, mais aujourd’hui, on parle de dix-sept à dix-huit millions d’habitants. La population s’est donc accrue, de sorte que les INVESTISSEMENTS que nous avons réalisés paraissent insuffisants.
Parlant de la gouvernance, la gouvernance de Blaise Compaoré était la génération de Blaise Compaoré, mais il n’a pas gouverné seul et vous connaissez ceux avec qui Blaise a gouverné pendant les deux décennies. Ce qui est sûr Eddie KOMBOIGO n’a jamais été ministre ou occupé un poste opérationnel sous le régime de Blaise Compaoré.
S. : Vous étiez quand même député CDP sous le régime de Blaise Compaoré ?
E.K. : J’étais dans le secteur privé. Quand on est député, on ne gouverne pas. Un député vote les lois, consent l’impôt, et contrôle l’action gouvernementale. Notre force, c’est parce que nous apprenons vite et bien. L’insuffisance de gouvernance fait partie des éléments que nous avons diagnostiqués pendant notre congrès et nous avons fait des recommandations pour qu’il y ait une meilleure gouvernance si le peuple burkinabè nous fait confiance et nous donne encore une chance pour le conduire vers des succès futurs.
S. : Le chef de l’Etat doit-il rendre compte ?
E.K. : Le chef de l’Etat rendait compte, chaque année, à travers ses discours annuels, les lois de règlement adoptées par l’Assemblée Nationale sur la gestion des années antérieures. Dans un pays démocratique, il faut savoir respecter les procédures administratives et judiciaires; s’il doit rendre compte, cela doit se faire au regard de tout ce qui a été légiféré. Il ne faut pas chercher les vengeances, on ne fait pas la cuisine sans salir des casseroles. Nous, nous sommes loin de dire que Blaise Compaoré a tout fait en bien… Si nous nous arcboutons sur le passé avec des propos du genre "ça a été comme ci hier, ça a été comme ça, et puis c’est toi le problème", on ne construira rien de bon. Notre souci aujourd’hui c’est de travailler à détruire la haine que certains ont semée dans la tête de ces jeunes, enlever laviolence physique, la violence verbale qu’ils ont semées dans la tête de ces jeunes. Comment leur donner une intégrité, une vision, les amener à construire une société par eux, avec eux et pour eux, demain ? C’est ça notre ambition aujourd’hui… nous croyons à la justice de notre pays. Si la justice estime que tel ou tel gestionnaire, tel ou tel projet ou telle ou telle activité sous Blaise Compaoré doit venir rendre compte, nous n’avons rien à dire. Mais je dis, c’est la manière dont les interpellations se font qui laisse à désirer, au détriment de toutes les procédures administratives et judiciaires, ce n’est pas digne du Burkina. Faisons autrement et vous allez voir que tous les Burkinabè vont applaudir.
S. : A quoi faites-vous allusion quand vous dites de faire autrement ?
E.K. : Nous devons respecter les procédures. Quand j’ai été élu président du CDP, dès lundi matin, j’ai reçu un coup de fil m’invitant à me présenter à la gendarmerie. J’ai demandé à quel sujet ? On me dit de venir que je vais savoir. Ils m’ont dit que c’est dans le cadre de la Banque de l’habitat. J’ai répondu que si c’est cela, nous sommes une société d’experts comptables et chaque expert a son dossier et sur le dossier de la Banque de l’habitat, je vais leur envoyer l’expert-comptable qui s’en occupe. Mais on me dit que c’est de moi qu’ils ont besoin. Je suis allé les écouter. Quand je suis arrivé, il y avait un bon nombre de personnes à la porte qui tenaient des journaux où on présentait ma photo à la Une. Nous avons eu un entretien de quatre heures. Mais en réalité sur cette affaire de la banque de l’habitat, nous-même en tant que commissaire aux comptes, nous avons l’obligation de faire un rapport circonstancié que nous devons adresser à la commission bancaire de la BCEAO. Parce que quand vous arrêtez les dirigeants, d’une banque, le principe de la continuité de l’exploitation de la banque peut être compromise. Lorsque vous arrêtez les dirigeants d’une société ou d’une banque, vous pouvez faire peur aux clients qui vont vouloir retirer leurs dépôts et les ratios prudentiels de la banque peuvent être mis à mal. Dans ce cas, nous sommes obligés de faire un nouveau rapport circonstancié à la commission bancaire pour dire que la continuité de l’exploitation est compromise. Or, juridiquement, si la situation d’exploitation de l’entreprise est compromise, le procureur commerce peut s’autosaisir et demander au Tribunal du Commerce de prendre une décision : soit un redressement judiciaire, soit une liquidation judiciaire. Dans notre entretien que nous avons eu avec les gendarmes qui nous ont interpellé, nous avons attiré leur attention sur les dangers courus par la banque et leur avons demandé d’être vigilents pour que l’opération puisse se passer avec diligence. Dans tous les cas, toutes les opérations nationales ou internationales d’une banque sont tracées au niveau de la BCEAO.
Ensuite, on fait la confusion en disant que c’est le président du CDP qui a été interpellé, et le lendemain, il y a un de vos confrères qui titre à la une de son journal que le président du CDP a été interpellé. Comme s’il y avait une joie de voir le président du CDP être interpellé. Ce sont des questions d’ordre professionnel et je n’aurai pas voulu en parler dans un journal et comme l’actualité le requiert, je le fais aujourd’hui. Bien qu’à l’étape actuelle de mon engagement politique il n’y a pas d’incompatibilité entre ma profession d’expert-comptable et mes activités politiques, dans les jours à venir, je vais adresser une lettre à l’Ordre des experts comptables pour suspendre mon inscription personnelle, celle de Eddie KOMBOIGO et non celle de CAFEC-KA, au tableau de l’ordre pour qu’il n’y ait pas de confusion entre mes activités politiques et mes activités purement professionnelles.
S. : Certains militants de votre parti disent préparer le retourde Blaise Compaoré, votre commentaire ?
E.K. : Est-ce que si vous étiez Blaise Compaoré vous alliez revenir ? Dans ma démarche, je dis d’éviter la défiance et l’arrogance. Si des gens sont sortis les 30 et 31 octobre pour réclamer la démission de Blaise Compaoré, ce n’est pas pour que le lendemain nous nous levions pour lui dire de revenir. Je crois que lui-même, par sa sagesse, va nous dire d’aller nous débrouiller entre nous. Il ne faut pas faire dans la provocation. Je pense que tous ceux qui tiennent ces paroles cherchent à provoquer. Je ne crois pas qu’il me revient d’aller chercher Blaise Compaoré. Nous attendons, qu’il y ait la paix, la compréhension et le pardon au Burkina Faso. Demain, quel que soit celui qui va être élu, il est obligé de réconcilier le Burkina Faso. Et si l’on pense que tous ceux qui sont dehors peuvent revenir reconstruire le pays, ce serait tant mieux. Mais il y a un préalable à faire, il faut qu’on le fasse avec les autres par un consensus national. S’il y a un consensus, il y aura la paix, et c’est cette paix qui va attirer les INVESTISSEURS dans notre pays qui va le conduire au développement. Et donc nous serons sur la voie du développement durable.
S. : Votre parti crie à l’exclusion alors que les autorités de la Transition disent le contraire. Dans quelle partie du nouveau code est-il mentionné que votre parti est interdit de participer aux élections ?
E.K. : L’article 135 du nouveau code électoral. Il est dit en substance que toute personne ayant soutenu la modification de l’article 37…, si nous la prenons comme telle, que devons-nous dire d’une province qui a organiser un meeting qui a réuni 2500 personnes qui sont venues écouter, applaudir, est-ce que l’on peut dire que ces personnes ont soutenu la modification de l’article 37 ? Faut-il les exclure ? Vous avez vu le CDP organiser un meeting à Bobo qui a réuni plus de 35 000 personnes, à Ouaga qui a réuni plus de 45 personnes ; des gens qui sont venues soutenir la modification de l’article 37. Est-ce que ces gens sont-elles exclus ou pas ? Si oui, c’est que tout ce monde ne devrait pas participer aux élections à venir. La question que je me pose, c’est de savoir de quels moyens dispose le Conseil constitutionnel pour détecter ces personnes qui sont venues à ces meetings pour soutenir la modification de l’article 37. Je crois en la justice de mon pays, mais objectivement, reconnaissez avec moi que ce Conseil constitutionnel n’a aucun moyen de détection objective de tous ceux qui ont soutenu le projet de modification de l’article 37. Revenons même sur les fondements de cette loi. Certains des partis politiques et de la société civile ont estimé que nous avons transgressé la charte de l’Union africaine sur la démocratie, les élections et la gouvernance en son article 25. L’article 25 dit en substance que lorsque le Conseil de paix et de sécurité constate un changement anticonstitutionnel dans un pays, il suspend ledit pays… le maintient pour qu’il respecte ses obligations en matière de droit de l’homme… et travaille à ce que la démocratie y revienne… Et les auteurs tenus coupables de ce changement anticonstitutionnel ne pourront participer ni aux élections, ni au gouvernement…
Puisque le problème est conditionné par le constat du Conseil de paix et de sécurité de l’Union Africaine, il aurait fallu demander à cet organe de l’Union africaine, si dans le cas du Burkina, il y a un changement anticonstitutionnel ou pas.
Si tel est le cas, si la réponse est oui, il faut donc suspendre le Burkina et rechercher les coupables de ce changement anticonstitutionnel.
Cette démarche n’a pas été suivie. On a préféré interpréter la charte comme on le souhaite et écrire un code électoral qui exclut tout le monde.
Et puis, lorsque l’on transpose une disposition réglementaire qui est supra nationale, on ne l’interprète pas, on la transpose intégralement telle qu’elle est écrite.
Aussi, n’a-t-on pas besoin de transposer les dispositions de la charte de l’union africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance pour qu’elles s’appliquent au Burkina. A partir du moment où le Burkina en est signataire, le juge constitutionnel doit en tenir compte.
En interprétant les dispositions de la charte de l’Union Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance dans le code électoral, les acteurs de ce code veulent obliger les juges constitutionnels à s’aligner sur leur lecture erronée de ladite charte.
Enfin, s’il y a changement anticonstitutionnel de gouvernement, qui en est coupable ?
A ce que je sache dans la lettre de démission du Président Compaoré, il a invoqué l’article 43 de la Constitution qui dit en substance qu’en cas de vacance de pouvoir le President de l’Assemblée National le supplée et des élections sont organisées dans les 90 jours au plus tard. Or des gens ont travaillé à ce que le président de l’Assemblée Nationale ne vienne pas prendre place. Ils ont cru très bien faire qu’ils en ont fait trop. Pourquoi ? Parce qu’en écrivant la charte de la Transition comme un prolongement de la constitution, ils ne se sont pas rendu compte que les organes issus de cette charte ne sont plus anticonstitutionnels. Et si le gouvernement de la transition n’est pas anticonstitutionnel, alors il n’y a pas de changement de gouvernement anticonstitutionnel. Et donc, pas d’auteur de changement de gouvernement anticonstitutionnel, pas d’exclusion aux élections. Encore que cette même charte de la Transition prône l’inclusion !!!
Si l’on insiste pour dire qu’il y a eu un changement anticonstitutionnel, il faut donc aller chercher les auteurs ailleurs que parmi ceux de l’ex-majorité !
Autant de paradoxes qui devraient interpeller les autorités de la Transition et les autres acteurs politiques à l’apaisement pour l’organisation d’une élection transparente et inclusive seule garant de la paix et la stabilité de notre pays !
C’est pourquoi, nous avons saisi la Cour de justice de la CEDEAO afin qu’elle déclare le code électoral non conforme à l’esprit de la Charte de l’Union Africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance. Outre la démarche purement judiciaire, nous avons déjà entrepris de rencontrer les autorités coutumières et religieuses, les autorités de la Transition, les partis politiques les plus représentatifs et également les OSC pour qu’ensemble, il y ait un dialogue constructif. Ma démarche, si elle est comprise, nous sortira tous de cette situation. Je pense que seul le peuple a le droit de choisir son candidat. Si pendant la campagne des candidatures sont rejetées sur la base de cette disposition du code électoral (article 135), et que des militants incontrôlés manifestent leur colère, on aurait prévenu. Nous voulons que vous, en tant que journalistes, soyez nos porte-paroles en donnant la vraie lecture de la chose. Lorsque j’entends à une conférence de presse le ministre en charge de l’Administration territoriale dire que c’est une trentaine de personnes qui sont concernées, on se demande bien s’il fallait une loi pour 30 personnes dans un pays qui compte 17 à 18 millions d’habitants.
S. : Est-ce que votre démarche vise à faire relire le nouveau code ?
E.K. : Bien sûr ! Nous allons simplement demander de rétracter ce code qui est exclusif, mais pas inclusif, ça ne nous honore pas. Je comprends que certaines personnes veuillent dire qu’il y a des gens qui ont tenu des propos arrogants sur la modification de l’article 37. Ils ne se rendent pas compte qu’ils deviennent des juges. La Transition n’est pas juge, les organes de la Transition ne sont pas juges, le CNT n’est pas juge. Les seuls juges, sont ceux du Conseil constitutionnel. Mais en votant à la «va vite» cette loi, en la promulguant dans des délais records, les Autorités de la Transition laissent transparaitre leur volonté d’orienter les décisions des juges constitutionnels par rapport aux candidats. Cela biaise la démocratie. Vous ne pouvez pas biaiser des décisions et demander aux candidats d’être calmes et d’attendre patiemment les décisions de rejets des candidatures par les juges constitutionnels !
Une loi doit être claire, transparente et ce n’est pas après acte qu’on constitue une loi. Et quand on transpose un règlement dans une législation, on la transpose intégralement, on ne l’interprète pas. Voilà les raisons qui nous amènent à rejeter ce code électoral. J’ai beaucoup de respect pour ces hommes politiques qui sont en face, je présume qu’ils ont été blessés lors des débats sur la modification de l’article 37 mais voudrais-je leur demander de taire les orgueils. «L’humilité précède la gloire, mais l’orgueil va nous perdre». Devenons humble pour que nous puissions construire un Burkina nouveau.
S. : Est-ce à dire que vous n’êtes pas satisfait de la conduite de la Transition ?
E.K. : Est-ce que les acteurs de la Transition sont satisfaits de leur conduite. Nulle part dans le monde, il y a eu une Transition parfaite parce que c’est une question d’intérêt. La Transition a posé des actes positifs, mais aussi d’autres négatifs comme le nouveau code sur lequel nous attirons l’attention de la Transition pour qu’elle le revoie. Nous souhaitons que la Transition réussisse et aboutisse à des élections libres transparentes et inclusives !
S. : Quels sont les reproches majeurs que vous faites à la Transition ?
E.K. : Si j’ai des reproches à faire, je vais écrire au Président de la Transition, au Premier ministre ou au Président du CNT. Cependant, le reproche que nous pouvons faire à la Transition est la manière dont nos camarades sont interpellés et arrêtés sans suivre les procédures administratives et judiciaires. Cela ne nous fait pas honneur. Mais je ne crois pas qu’il y a un seul militant qui a dirigé sous Blaise Compaoré et qui refuse de rendre compte. Il faut que tout cela suive la procédure judiciaire.
S. : Soutiendrez-vous une candidature de Gilbert Diendéré s’il venait à être choisi par votre parti comme candidat ?
E.K. : Si Gilbert Diendéré est candidat, il nous le dira et en ce moment, nous vous le ferons savoir.
S. : Si le CDP revient aux affaires à l’issue des élections, qu’est-ce qui va changer dans sa politique ?
E.K. : Fondamentalement tout. Si le CDP revient au pouvoir, nous mettrons la jeunesse au cœur de nos actions. Nous ferons concevoir des projets par les jeunes, avec les jeunes et pour les jeunes. Par les jeunes pourquoi ? Parce qu’il faudra que nous apprenions aux jeunes à entreprendre pour eux-mêmes sans complexe parce qu’ils le peuvent. C’est la même chose pour les femmes.
Nous mènerons une campagne contre certaines perceptions de nos cultures à l’égard de la femme. La femme est intelligente comme tout le monde. La femme dans notre société est aux arrière-plans alors qu’elle a toutes les qualifications et une bonne actrice de la production, de l’équilibre social et de la construction de la paix. Nous devons les associer pour concevoir des projets. Si nous réussissons ces deux défis, en agissant sur les piliers et les leviers de la croissance, nous allons atteindre un niveau de développement jamais égalé. Les Burkinabè sont intelligents, donc ne nous laissons pas distraire par l’orgueil et la haine.
S. : Est-ce à dire que les anciens dirigeants n’avaient pas cette vision ?
E.K. : Pas du tout. Ils ont dirigé d’une certaine manière, mais ce n’est pas le même style de gestion. On peut avoir la vision, mais si on n’a pas le style de gestion, on ne peut pas atteindre ses objectifs. Même dans une école, quand vous posez un problème, il y a des gens qui ont des solutions courtes et d’autres des solutions longues.
S. : Pourtant des fonds ont été mis en place ?
E.K. : Est-ce que vous pensez que 6 ou 7 milliards FCFA suffisent pour financer les projets des jeunes. Je vous prends l’exemple des femmes. Quand on leur a demandé d’écrire des projets, il fallait plus de 300 milliards pour couvrir le besoin de FINANCEMENT. Si nous sortons par exemple 5 ou 10 milliards pour contenter quelques-unes, nous n’atteindrons pas les objectifs. C’est bien de dire que nous allons donner tant de francs aux jeunes et aux femmes, mais est-ce que c’est suffisant ? La manière de faire n’est pas ce que nous attendons. Il faut laisser les jeunes proposer d’abord et qu’on les accompagne avec les moyens de bord en planifiant dans le temps. Si nous avons la chance que c’est un candidat du CDP qui passe, nous allons peser de notre poids pour des méthodes plus intégratrices.
S. : Plus rien ne sera comme avant au CDP ?
E.K. : J’ai entendu cette déclaration, et celui qui l’a dite sait pourquoi. Il a raison de le dire parce qu’il ne faudrait pas que tout soit comme avant. Si nous reconnaissons que tout n’a pas été rose et qu’il y a des insuffisances, il ne faudrait pas que tout soit comme avant. Il faudrait que tout s’améliore dorénavant mais pas que tout s’empire !
S. : Qui voyez-vous comme probable candidat de votre parti ?
E.K. : Le CDP regorge de nombreux intellectuels et de cadres pour choisir un bon candidat. Vous avez eu la patience d’attendre pour voir qui va diriger le CDP. Il y a tellement de cadres et d’intellectuels au CDP qui peuvent aller aux élections. Celui que nous allons choisir au congrès extraordinaire, c’est celui-là que nous allons soutenir.
S. : Pourtant, c’est le même parti qui disait qu’à part Blaise Compaoré, il n’y avait pas autre candidat pour diriger le Burkina Faso ?
E.K. : Ce n’est pas le parti qui disait, c’est certains camarades. Nous sommes au Burkina Faso, un pays traditionnel et nous avons une culture de respect du chef. La preuve est que chez nous, quand le chef traditionnel est là, personne ne va le défier. Mais quand le chef n’est pas là, tout le monde sort. Mais ici, ce n’est pas une chefferie traditionnelle, mais moderne. C’est pourquoi nous disons que le style de gestion, de choix va changer. N’est-ce pas ce que vous voulez ?
S. : Quelles sont vos ambitions pour les élections prochaines ?
E.K. : Nous voulons gagner les élections présidentielles, avoir une majorité à l’Assemblée Nationale et avoir la majorité des communes parce que nous n’avons pas perdu nos militants ni notre force de conviction.
S. : Malgré le départ de certains cadres comme Djibrill Bassolé ?
E.K. : Djibrill Bassolé est-il un militant du CDP ? Il faut lui demander ? Je crois qu’il est un militaire et les militaires ne militent pas dans les partis à ce que je sache.
S. : Pourtant, il dit être candidat à la présidentielle ?
E.K. : De quel parti ? Je n’ai pas vu son nom dans le bureau de la NAFA. Si vous aimez le CDP, vous pouvez venir et apporter votre candidature pour les élections. Si vous arrivez à convaincre, vous serez choisi. Nous n’avons rien à reprocher à Djibrill Bassolé, c’est un militaire que je connais bien, qui a ses convictions, qui a été ministre des Affaires étrangères et qui a travaillé en bonne intelligence avec le Président Blaise Compaoré.
S. : Qui voyez-vous comme probable candidat de votre parti, Eddie Komboïgo, Kadré Désiré Ouédraogo, comme certains le laissent croire ou qui d’autre ?
E.K. : Le CDP regorge autant d’intellectuels que de cadres pour choisir un bon candidat. Voyez-vous, vous avez eu la patience d’attendre parce qu’on disait, mais qui peut diriger le CDP pour que ça aille ? Il y a tellement de cadres et d’intellectuels au CDP capables d'aller aux élections. Je vous répète que c’est celui que nous allons choisir par consensus au congrès extraordinaire, qui sera soutenu et je suis sûr qu'il va gagner.
S. : A combien pèse financièrement le nouveau président du CDP ?
E.K. : Je n’ai pas eu le temps de faire le point avant de venir.
S. : Quels sont vos rapports avec le MPP ou l’UPC ?
E.K. : Je n'ai aucun problème avec qui que ce soit des autres partis, peut-être que les gens me reprochent d’être au CDP. J'ai reçu un coup de fil de l'UPC qui m'a félicité, de même que mon frère Maître Bénéwendé Sankara, le PAREN avec Tahirou Barry a donné son avis, Saran Sérémé s’est empressée de me féliciter et de me souhaiter bon vent à travers les ondes, même si elle souhaite que je ne sois pas candidat parce que j’étais député, Ablassé Ouédraogo m’a appelé pour me féliciter, au MPP, certains m’ont envoyé des Sms. J’ai reçu plus de 2000 Sms, plus de 2000 appels y compris ceux en absence.
S. : Que pensez-vous de ces trois personnalités, Roch, Salif et Simon ?
E.K. : Roch Marc Christian Kaboré est un gestionnaire de banque qui s’est donné à fond près de deux décennies aux côtés du président Blaise Compaoré pour gérer. Il est un exemple de tempérance, de dirigeant, je l’apprécie bien et je pense que c’est réciproque.
Salif Diallo, c’est un homme d’action, nous avons été des amis dès le premier jour. On prenait un pot ensemble avec nos pécules depuis l’université. J’ai pu le voir diriger le cabinet de Blaise Compaoré et être l’un des premiers responsables du CDP. Leur style de gestion et leur mode de gestion ne me convenaient pas.
Simon Compaoré, est également un homme d’action, bouillant malgré son âge. Il se bat pour son peuple. Il a eu des problèmes au niveau de la mairie et m’avait fait appel. Nous avons fait un audit et étalé les insuffisances de la gestion des parcelles, la restitution a été faite en publique. Et c’est par là que je l’ai connu et il semblait lui-même étonné. Nous avons fait des recommandations qui ont été partiellement suivies. Je le vois également comme un homme battant, mais ils ont tous les trois des insuffisances humaines, comme moi-même, comme tout le monde, mais qu’il ne nous revient pas d’étaler ici. Si les trois étaient restés au CDP, ils auraient eu respectueusement leur place au Haut conseil aux cotés de leurs ex-camarades pour conseiller les plus jeunes, parce que après plus de 2 décennies de gestion, on est pétrie d’expérience ; mais il ne nous appartient pas de dire que telle ou telle personne doit être le dirigeant de tel parti; il appartient à la jeunesse du MPP de dire quel rôle ils doivent jouer, et nous respectons, et nous respecterons leur choix.
S. : Est-ce que Zéphirin Diabré peut être un bon président du Faso ?
E.K. : Je pense que c’est un républicain. Un démocrate, qui aime le dialogue. Mais je pense qu'il y a un meilleur candidat au CDP.
S. : Qui est le meilleur candidat du CDP, alors?
E.K. : Nous avons des procédures pour décider de qui va être candidat et ce sera à l'occasion d'un congrès extraordinaire qui ne tardera pas. De la manière dont vous avez été patients pour mon élection à la tête du CDP, gardez toujours la même patience et attendez le congrès extraordinaire qui désignera notre candidat à la présidentielle. Ce sera un candidat fédérateur.
S. : Les Maliens ont signé leur accord pour un retour à la paix. Est-ce que vous pensez que tous ceux qui ont signé sont sincères pour faire la paix ?
E.K. : Je crois en la sincérité, mais en politique, il y a des intérêts non avoués que l’on ne peut pas contrôler. Je tiens d’abord à les féliciter d’avoir accepté de s’asseoir autour de la même table pour négocier et signer cet accord. Il y a des mouvements armés qui refusent d'apposer leur signature et cela pose encore un problème. Ils ont voulu que tout soit inclusif et que tout le monde y soit. J’espère qu’ils continuent les négociations pour que tout le monde puisse signer le document et qu'ensemble, ils construisent un Mali de paix et d’exemple pour le bonheur du peuple malien.
S. : Les nordistes parlent d’une autonomie de leur région, le gouvernement malien dit le contraire qu’ils ne peuvent pas accéder à cette requête ; qu’est-ce qu’il faut pour un retour définitif de la paix au Mali ?
E.K. : Je ne suis pas un spécialiste mais je pense que les guerres d’indépendance sont loin derrière nous. Les découpages ont été faits pendant les indépendances, il y a de cela plus d’un demi-siècle nous avons accepté ces frontières comme telles. Si aujourd’hui, on cherche à se diviser, on se fragilisera davantage. Je pense que les revendications de la partie Nord sont d’ordre économique et social et je pense que le gouvernement malien gagnerait à prendre en compte ces requêtes pour que personne ne soit délaissée.
S. : Le chef de l'Etat burundais, Pierre NKurunziza, vient d'échapper à un coup d'Etat du fait de son intention de briguer un 3e mandat. Pourquoi les chefs d'Etat ont du mal à quitter le pouvoir quand ils sont au terme de leur mandat ?
E.K. : Je crois que c’est encore une erreur ; il faut que les chefs d’Etat sachent passer la main, pas parce que l’on n’a pas la capacité de construire, mais les longévités au pouvoir donnent l’impression que les échecs sont devenus leurs échecs. Le simple changement aère l’esprit, il fait renaître l’espoir et les espérances et je pense que c’est comme cela que nous devons apprendre à gérer nos pays. Moi, personnellement, je pense que l’on doit trouver des voies et moyens pour que la Constitution soit respectée.
Les coups d’Etat sont un raccourci pour aboutir au pouvoir, mais parfois, c’est le désordre qui crée les coups d’Etat. Il faut que les intellectuels soient de plus en plus honnêtes. Quand nous voyons la vérité en face et nous voulons la contourner, le pire arrive. Les coups d’Etat ne sont pas acceptables, il faut que les acteurs politiques travaillent ensemble pour que cela n’arrive plus. On ne naît pas président, on ne doit pas forcément mourir président.
Un dernier mot ?
Avant l’insurrection, j’avais tous mes cheveux et après l’insurrection j’ai perdu des cheveux et continue d’en perdre pour le peuple burkinabè et pour la bonne cause.
Merci pour l’intérêt envers ma personne et le parti CDP. On dit souvent qu’une personne qui reconnait ses insuffisances, c’est une personne qui est consciente qu’elle doit s’améliorer. Et en s’améliorant, elle réussit. Nous comptons vraiment jouer notre rôle pour l’avenir de ce pays et nous allons vous demander d’être nos ambassadeurs auprès de tout le monde pour dire que le CDP est devenu un CDP nouveau et jeune. Que ceux qui hésitent soient les bienvenus pour qu'ensemble, nous construisions un CDP par le peuple, pour le peuple et avec le peuple.
La Rédaction