En élisant Muhammadu Buhari à la tête de l’Etat, les Nigérians n’ont pas seulement choisi un président. Par ce vote, ils ont aussi voulu confier les destinées de leur pays à un général, un chef de guerre auréolé de sa réputation d’homme à poigne, une notoriété acquise lors de son passage au pouvoir dans les années 80. Dès la proclamation de sa victoire à l’issue du scrutin présidentiel de mars 2015, puis au moment de son investiture, il avait annoncé les couleurs en faisant de la lutte contre la nébuleuse salafiste l’un de ses chantiers de prédilection.
Cette secte islamiste, qui n’en finit pas d’endeuiller le Nigeria et ses voisins, a pris la menace présidentielle tellement au sérieux qu’elle n’a pas tardé à réagir en perpétrant une série d’attaques et d’attentats meurtriers. Autant dire un crime de lèse-général pour le nouvel impétrant, élu pour écraser l’infâme groupe terroriste. Mais, il en faut plus pour ébranler l’ancien pensionnaire de l’école militaire de Kaduna. L’orgueil blessé, le général Buhari reste droit dans ses bottes et décide de passer à l’offensive. En effet, mardi dernier, les chefs d’état-major du Nigeria, du Niger, du Tchad, du Cameroun et du Bénin se sont réunis à Abuja pour renforcer la coopération sécuritaire dans la lutte contre Boko Haram et parachever leur plan contre l’insurrection djihadiste.
A la suite des patrons des Forces armées, les chefs d’Etat se sont retrouvés à leur tour en conseil de guerre hier jeudi 11 juin toujours dans la capitale nigériane pour avaliser la stratégie à mettre en œuvre en vue de venir à bout des funestes œuvres du «Chacal» et de sa bande de combattants déguenillés.
Ce n’est pas la première fois qu’une rencontre sur Boko Haram est organisée. Après le Sommet de Paris où des pays concernés par la menace djihadiste se sont retrouvés autour de François Hollande sur ce sujet brûlant, il y a eu les réunions de Yaoundé et de Niamey où contre toute attente, l’ex-président nigérian, Goodluck Jonathan, a brillé par son absence. Au nom d’un nationalisme sourcilleux, l’homme au célèbre chapeau melon qui ne voulait pas avouer son incapacité à faire face à la menace terroriste, renâclait à laisser les autres Etats intervenir dans la lutte contre la pieuvre salafiste. Des réticences qui ont affecté la coordination du renseignement entre les pays concernés.
Mais avec l’arrivée du général au palais d’Aso Rock, un important virage a été opéré entre pays du Bassin du lac Tchad contre Boko Haram. La preuve, dès l’ouverture de la rencontre, l’hôte du sommet a réitéré son engagement à injecter 100 millions de dollars pour la constitution de la force multinationale. Autre manifestation de la bonne disposition d’Abuja à jouer collectif, la décision d’implanter l’Etat-major de cette unité sous-régionale à N’Djamena, même si elle restera sous commandant nigérian.
C’est la première fois du reste, sauf erreur de notre part, qu’un Sommet régional sur la question se réunit au Nigeria, repaire originel de Boko Haram. Et cette rencontre sonne comme une préparation de la rencontre des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union africaine qui se tiendra ce week-end à Johannesburg en Afrique du Sud, au cours de laquelle plusieurs dossiers dont Boko Haram seront inscrits à l’ordre du jour.
Mais il faut le reconnaître, la réunion ad hoc d’Abuja sera plus utile que la grand-messe de Joh’bourg dans la lutte contre Boko Haram. Et pour cause. Encore faut-il que chaque Etat-partie de la Commission du Bassin du Tchad daigne mettre le pied dans la fange et la main dans la poche en attendant un quelconque soutien extérieur.
Adama Ouédraogo