Elle fut une ministre de l'ancien président. Aujourd'hui chargée de la Justice, Joséphine Ouédraogo veut faire la lumière sur l'assassinat de son mentor, dont le corps supposé vient d'être exhumé.
Sa vie a basculé une première fois en septembre 1984. À l’époque jeune sociologue, Joséphine Ouédraogo sillonne le pays, nouvellement baptisé Burkina Faso, pour différentes enquêtes de terrain. Un matin, son téléphone sonne. Au bout du fil, une voix qu’elle reconnaît immédiatement : celle du président Thomas Sankara. « Joséphine, j’ai besoin de gens comme toi, qui connaissent le pays, les femmes et les paysans. » La voilà ministre de l’Essor familial et de la Solidarité. Fidèle sankariste, elle conservera le poste jusqu’au 15 octobre 1987, jour de l’assassinat du capitaine révolutionnaire.
Près de trente ans plus tard, Blaise Compaoré, le tombeur de Sankara, vacille à son tour. Joséphine Ouédraogo ne le sait pas encore, mais sa vie va connaître un nouveau tournant. Le palais de Kosyam ? Il s’en est fallu de peu, son nom ayant été au coude-à-coude avec celui de Michel Kafando. « J’aurais accepté cette mission par sens de l’État. Mais en y réfléchissant bien, je suis soulagée de ne pas avoir été choisie », sourit-elle. Elle est finalement nommée ministre de la Justice. Un poste éminemment symbolique en cette période post-Compaoré.
Devenue l’une des têtes d’affiche du gouvernement de transition, cette femme de 65 ans originaire de Koudougou, élégante et élancée, découvre rapidement l’énorme attente qui pèse sur ses épaules. Après vingt-sept ans d’une justice aux ordres de « Blaise », les Burkinabè demandent des comptes, en particulier sur les affaires Sankara et Zongo (un journaliste tué en 1998). L’une de ses premières décisions est donc de relancer l’enquête sur l’assassinat du président du Conseil national révolutionnaire, bloquée depuis près de vingt ans par les juridictions civiles. Sur ordre du ministre de la Défense (qui n’est autre que le Premier ministre, Yacouba Isaac Zida), la justice militaire est saisie. Pour la première fois, un juge d’instruction est nommé, des témoins et des proches des victimes sont auditionnés et l’on procède même à l’exhumation, fin mai, des corps supposés de Sankara et de ses douze camarades au cimetière de Dagnoën, à Ouagadougou.
... suite de l'article sur Jeune Afrique