Ancien cadre au ministère de l’action sociale, puis fonctionnaire internationale, Hortense Karambiri est depuis le 29 Mai 2010 la première femme consacrée Pasteur au Burkina. Dans l’interview ci-après, cette femme pasteur et épouse de pasteur revient sur sa carrière professionnelle, les conditions pour devenir pasteur, les difficultés mais aussi les avantages d’être femme « ministre » de Dieu. Elle donne également sa lecture de l’engagement politique des femmes au Burkina.
Qui est le pasteur Hortense Karambiri ?
Pasteur Hortense KARAMBIRI : Je me présente comme Pasteur et aussi comme Epouse de Pasteur notamment du Pasteur bien connu, Mamadou Philippe Karambiri. Je suis Pasteur associée de l’Eglise du siège du Centre International d’Evangélisation (CIE) à Ouagadougou. Je suis également Assistante exécutive du Président du Conseil d’Administration du CIE et présidente du Mouvement des Femmes du CIE
Avant d’être Pasteur, j’ai été fonctionnaire au Ministère de l’Action Sociale où j’ai assumé maintes fois les fonctions de Directrice provinciale puis Directrice Nationale de la Promotion de la Famille, Secrétaire Permanente du Conseil National de Lutte contre la Pratique de l’excision. Par la suite, j’ai été consultante en Genre au Mali, Directrice pays de l’ONG World Vision International au Niger et Conseillère Régionale pour l’Afrique de l’Ouest en « Genre et Développement » de la même Organisation Internationale.
Lefaso.net : Vous êtes pasteur, exercez-vous toujours un métier parallèlement à cette activité ?
Je n’exerce plus de métier, d’activités professionnelles parallèlement à ma charge pastorale. Il est vrai qu’à ma consécration en tant que Ministre de l’Evangile, j’étais conseillère régionale pour l’Afrique de l’Ouest en genre et Développement de l’ONG World Vision International. Mais huit mois après, j’ai dû mettre fin à cette carrière internationale pour me consacrer à 100% au ministère pastoral.
La vie professionnelle tout comme la vie ministérielle exige un tel engagement que je ne pouvais pas être performant sur les deux fronts en même temps. J’ai dû choisir de répondre sans réserve à mon appel divin qui me permettait non seulement d’accomplir l’œuvre de salut et d’édification et d’être utile à de multitudes avec mes compétences acquises à l’Ecole et au cours de ma courte mais riche carrière, ma carrière de travailleur de la fonction publique et fonctionnaire internationale.
Lefaso.net : Comment devient-on pasteur ?
Etre Pasteur, c’est un appel de Dieu à un homme ou une femme à lui consacrer sa vie pour paître Son troupeau. C’est un appel qu’on ressent fortement dans son for intérieur et confirmé par les pères dans la foi sous lesquels Dieu vous a établi. En général, cette conviction est suivie par une formation dans une unité biblique pour non seulement mieux connaître Celui qui vous a appelé à son service et recevoir les compétences pour mieux assumer la charge pastorale.
Après cette phase de formation, il y a généralement un temps de stage pour vous mettre à l’épreuve de la réalité de la tâche sous la supervision d’un aîné, c’est-à-dire d’une personne d’expérience. C’est un moment de confirmation de l’appel. Après quoi, il y a l’étape de la consécration, signe de la reconnaissance de votre appel et de votre établissement solennel dans la charge. Mais, en fonction des Eglises, de la direction de Dieu, de l’appel spécifique de Dieu sur vous, le parcours peut parfois ne pas obéir à ce que je viens de dire.
Personnellement, je n’ai pas été soumise au processus décrit plus haut. Mon cheminement avec Dieu et mon expérience au plan spirituel, m’ont donnée l’avantage d’être consacrée par mon père spirituel, qui en a reçu la conviction et les directives de la part de Dieu.
Lefaso.net : Depuis combien de temps êtes-vous pasteur ?
Je suis officiellement Pasteur depuis le 29 Mai 2010, jour de ma consécration. C’est un appel que j’ai reçu de Dieu depuis des années. Cet appel s’est confirmé à travers certaines charges assumées dans l’Eglise. D’abord en tant que Diaconesse à l’église du siège du CIE puis en tant que responsable d’une Cellule de prière dans ma maison au Mali et où des chrétiens se réunissaient chaque semaine pour prier, s’édifier par la parole de Dieu et évangéliser. Dans cette cellule j’étais amenée à conduire les temps de prière et d’enseignement. Cette Cellule au fil du temps est devenue une Eglise et a même engendrée d’autres (10).
Après cette expérience au Mali, j’ai assumé par la suite les fonctions de directeur pays de la plus grande ONG chrétienne du monde, World Vision international. En tant que tel, j’étais prise comme Pasteur et était en contact avec les églises Evangéliques dans ce pays. J’étais en contact avec les églises, les pasteurs, bref à faire l’œuvre pastorale (prêcher, enseigner, prier pour les besoins des gens…..).
Toutes ces expériences et bien d’autres ont fini par me convaincre de l’appel de Dieu qui était le mien et naturellement à avoir raison de ma carrière de fonctionnaire internationale. Et c’est tout logiquement et sans gêne, ni contrainte, sans regret que ma consécration a été faite par mon père spirituel qui est en même temps mon époux en l’an de grâce 2010.
Le fait d’être une femme ; est-ce un inconvénient ou un avantage dans ce que vous faites ?
Je dirai que c’est à la fois un avantage et un inconvénient. Il ne faut pas oublier (ou perdre de vue) que nous sommes en Afrique et en plus dans un pays francophone où les mentalités sont telles qu’on a du mal à voir une charge qui était traditionnellement assumée par des hommes l’être par des femmes. Mais on s’y fait avec ce que cela comporte comme difficulté tout en priant, travaillant et laissant le soin au temps pour que les mentalités changent favorablement.
Nous avons la conviction que Dieu à travers un homme n’est pas plus que Dieu à travers une femme et Dieu à travers une femme n’est pas moins que Dieu à travers un homme. Je salue au travers de votre média l’œuvre courageuse et révolutionnaire du pasteur Karambiri en me consacrant comme première femme Pasteur au Burkina et qui fait aujourd’hui tâche d’huile.
Pour revenir à votre question, je dirais qu’en tant que femme et Pasteur ou Pasteur femme, malgré les préjugés dont je viens de faire cas, je suis très écoutée aussi bien par les hommes que par les femmes. Les femmes encore plus qui me voient proches d’elles et au fait de leurs situations souvent particulières et qu’elles ont honte d’exposer à un homme.
Votre époux est un pasteur de renommée internationale ; est-ce facile d’exercer le même métier que lui ?
Etre Pasteur au même titre que mon époux est une grâce. Je ne me mets pas au même niveau que lui. Je me vois comme une aide pour l’amener à accomplir au mieux la mission que Dieu, dans Sa grâce lui a confiée. Il est comme un professeur d’Université et moi comme un assistant. Ce qu’il enseigne, je tente de le rendre pratique, opérant dans la vie des chrétiens. On travaille en symbiose, en complémentarité. Il n’y a pas de concurrence et je le considère comme un modèle et m’évertue à lui ressembler et à appliquer ce qu’il enseigne de la part de Dieu.
Comment faites-vous (votre époux et vous-même) pour honorer vos engagements et votre famille ?
Nous ne prenons pas des engagements que nous ne pouvons pas honorer. Nous faisons par la grâce de Dieu ce que notre capacité nous le permet et en faisant de sorte à pouvoir remplir correctement les taches qui nous incombent vis-à-vis de nos membres et vis-à-vis de nos enfants ou collaborateurs.
Les protestants sont parfois accusés d’intolérance vis-à-vis des pratiquants des autres religions ; quel est votre commentaire ?
C’est trop osé de dire les protestants. Dans tout pan de la société, il y a des extrémistes, des gens qui appliquent les préceptes religieux, les textes sans discernement. Mais dans le cas des protestants que vous évoquez, on ne peut pas se réduire à eux mais à toutes les communautés où on note des « illuminés ». Mais ces personnes sont marginales et sont loin de ternir l’image d’une communauté ou mettre en mal la coexistence pacifique des communautés religieuses.
Que pensez-vous de l’engagement des femmes en politique ?
L’engagement des femmes en politique, je pense, n’est pas un fait sur lequel on doit encore polémiquer. Les femmes sont des citoyennes à part entière, elles constituent plus de la moitié de la population et doivent faire valoir leurs droits et leurs compétences dans la sphère politique au même titre que les hommes.
Il est bien vrai que le jeu politique est souvent fait de trahison, d’intrigues, de mensonges, etc. qui peuvent donner de l’aversion aux âmes sensibles que sont les femmes. Mais, les femmes ne doivent pas regarder à cela mais à l’intérêt supérieur de la population, à la contribution qu’elles peuvent apporter à des millions de personnes et au pays.
Que pensez-vous du quota genre et de sa mise en œuvre ?
Le quota genre est un système pour corriger une certaine disparité, que ce soit dans l’accès à certains postes de responsabilités et même dans la représentativité dans le jeu politique. L’idée en soi est bonne mais je vois qu’elle n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. A ce niveau, les responsabilités sont partagées.
Ce que je peux dire aux femmes, c’est qu’elles doivent elles-mêmes conquérir leurs droits, s’imposer à travers leur travail, leurs compétences, leur engagement et leurs qualités. Si elles attendent leurs droits des hommes, elles attendront encore longtemps.
Un dernier mot ?
Je remercie « Lefaso.net », le premier site web le plus visité du Burkina Faso pour cette occasion de contact avec les internautes dans leurs préoccupations et interrogations. Je pense avoir répondu à travers ce court entretien à certaines d’entre elles et reste ouverte. Je prie que Dieu bénisse chacun et qu’il vous accorde santé et que son regard soit sur vous afin de vous écarter de tout danger et que la prospérité soit votre partage. Je souhaite bon courage à « Lefaso.net » et plein succès dans son œuvre d’information et de formation. Longue vie à notre portail. Je vous remercie.
Interview réalisée par Aminata Ouédraogo (collaboratrice)