Cela fait pratiquement 6 mois que les population des villes de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso subissent les coupures intempestives de courant qui jouent sur l’activité économique du secteur informel. Si rien n’est fait pour aider cette franche de la population qui contribue à 50% au PIB , c’est l’économie nationale qui va en prendre un coup.
Le délestage chronique que les Burkinabè vivent, surtout les populations de Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, entraîne un manque à gagner dans plusieurs secteurs d’activités notamment, le secteur informel qui occupe plus de 70% de la population active où certains sont dépendants de l’électricité fournie par la Société nationale burkinabè d’électricité (SONABEL). Abdoul-Aziz Ouédraogo, un acteur du secteur informel, propriétaire d’une « entreprise » de reprographie et secrétariat aux abords de l’Université de Ouagadougou, déplore les coupures intempestives de courant. Ce chef d’entreprise, qui emploie 7 personnes, vit uniquement des retombées de son activité. Lorsqu’il y a délestage, tout s’arrête puisque toutes ses machines fonctionnent avec l’électricité et il n’a pas les moyens de s’offrir un groupe électrogène. « On ne peut plus faire ni des impressions, ni des photocopies, ni rien. On est obligé d’attendre que le courant vienne», révèle-t-il. Le délestage, souligne-t-il, lui fait perdre énormément d’argent. « Lorsque toutes les machines s’éteignent suite au délestage, il nous faut faire appel toujours à un technicien pour les redémarrer car elles contiennent des codes. Il faut donc débourser pratiquement à chaque délestage pas moins de 20 000 F CFA pour la prise en charge du technicien. Ce sont nos bénéfices qui sont injectés dans la main -d’œuvre », relate-t-il avec tristesse. Yaya Kaboré, couturier au quartier Patte d’oie, qui ne travaille qu’avec des machines électriques est toujours à couteaux tirés avec ses clientes. Car, à cause du délestage, il n’arrive plus à honorer ses rendez-vous. Il dit coudre avant la période de délestage au moins 5 tenues par jour en raison de 8 500 F CFA en moyenne par tenue, maintenant il ne peut terminer une tenue par jour. Ses machines à broderie, surfilage, faufilage et à coudre sont électriques. Il ne peut pas travailler s’il y a coupure. Il est obligé d’attendre que le courant revienne. « Je ne peux plus respecter les délais que j’ai donnés à mes clientes. A cause de ça, on vient m’insulter dans mon atelier et je ne peux me défendre car, elles refusent de comprendre», dit-il. Il ajoute qu’il regrette d’avoir pris ces machines même s’il reconnaît qu’elles sont performantes et plus précises.
Outre ces exemples, plusieurs boutiquiers ont affirmé avoir eu à vider le contenu de leur congélateur qui a commencé à pourrir. Et pour y remédier, ils étaient obligés de se doter de groupe électrogène. Ce qui n’est pas sans incidence sur l’environnement et sur leurs bénéfices dont la majeure partie sert à payer le carburant pour alimenter le groupe.
Pour ceux qui ne peuvent se permettre ce luxe, ils fonctionnent au ralenti et subissent les caprices de la SONABEL. Awa Savadogo au quartier Dassasgho a dû cesser de vendre la glace et les jus à cause du manque de courant et s’est reconvertie en vendeuse de pagnes. Or à l’entendre, c’était une activité très rentable parce qu’elle pouvait gagner en période de chaleur entre 10 000 et 15 000 FCFA. Ce qui lui permettait de subvenir à ses petits besoins.
L’administration publique n’est pas épargnée
Le problème majeur vient du fait que les populations ne comprennent pas pourquoi le délestage cette année s’est accentué par rapport aux années antérieures. « La SONABEL impute le problème à la non disponibilité du carburant. Or, la SONABHY dit disposer de combustible. Nous pensons que le problème est ailleurs et il faut qu’on nous explique ce qui ne va pas réellement », martèle Abdoul-Aziz Ouédraogo, le reprographe.
Outre l’informel, l’administration publique en fait les frais. Boubacar Drabo, technicien du ministère de la Recherche scientifique et de l’Innovation relate qu’il est difficile pour lui de travailler correctement. « Pratiquement tous les jours et toutes les nuits, il y a délestage dans notre quartier Karpala. Je peine à dormir. Je me réveille tous les jours fatigué, abattu avec souvent des maux de tête. Quand j’arrive au service, il est difficile de me concentrer », assène-t-il. Avant d’ajouter que le vendredi 22 mai 2015, toute la journée, personne n’a pu faire quelque chose au service parce qu’il y a eu délestage à partir de 9 h et jusqu’à ce qu’il quitte le service à 17h, il n’y avait toujours pas le courant. Ces genres de situation, les agents de l’administration publique les vivent en permanence depuis le début du délestage en mars. Cet état de fait entraîne une perte énorme pour le budget national. Car, l’Etat se retrouve à payer le salaire à des agents inactifs et en retour, ne bénéficie pas des services à même de lui permettre de renflouer ses caisses. A qui la faute ? En tous les cas, pas la SONABEL, puisque les premiers responsables avouent être impuissants face au problème. On se souvient que le ministre de l’Energie et des Mines, Boubacar Bâ, au cours de l’émission tribune de la RTB, a accusé le gouvernement déchu de Blaise Compaoré d’être à l’origine du problème sans donner plus de détails. « C’est le résultat d’un manque de vision de la part du gouvernement passé », avait-il souligné. Il avait eu à dire que tout serait mis en œuvre pour pallier le problème. En tous les cas, jusqu’à présent, les choses ne semblent pas avoir véritablement changé. En dépit de la série de mesures urgentes prises le 23 mai 2015 de concert avec la SONABHY et l’OTRAF pour réduire les délestages. La plus importante est l’organisation d’une opération de transport du carburant pour constituer un stock de sécurité aux centrales de la SONABEL.
Si les autorités ne se penchent pas réellement sur le problème pour l’endiguer définitivement, c’est l’économie burkinabè qui va en pâtir. Les INVESTISSEURS potentiels ne viendront pas dans un pays où se pose la question de la disponibilité de l’énergie.
Somborigna Djélika DRABO