Kinshasa - Les militants du mouvement Filimbi arrêtés mi-mars à Kinshasa n'avaient vraisemblablement aucune visée "terroriste", selon un rapport d'enquête parlementaire obtenu mercredi et appelant la justice à statuer rapidement sur les deux d'entre eux encore détenus.
Une trentaine de personnes, parmi lesquelles trois activistes sénégalais et un Burkinabè, avaient été arrêtées le 15 mars dans la capitale de la République démocratique du Congo lors d'une réunion d'échange sur la bonne gouvernance en Afrique organisée par Filimbi ("Coup de sifflet" en swahili), qui se présente comme un collectif de mouvements d'éducation à la citoyenneté, non-partisan et non-violent.
"S'agissant du caractère terroriste du mouvement Filimbi", les responsables des différents services de sécurité concernés "ont déclaré [aux députés membres de la mission parlementaire d'enquête] qu'au stade actuel de leurs investigations, aucun indice ne pouvait l'établir", indique le rapport dont l'AFP a obtenu une copie mercredi.
La mission parlementaire demande "au procureur général de la République de mettre tout en oeuvre en vue de traiter avec diligence les dossiers des prévenus encore en détention [...] d'autant que les principaux organisateurs [de la rencontre du 15 mars] sont en dehors du territoire national".
Au lendemain des arrestations, le porte-parole du gouvernement congolais, Lambert Mende, avait dénoncé dans la rencontre du 15 mars une "tentative de déstabilisation" des institutions de la RDC et des journaux proches du pouvoir avaient titré sur la présence de "terroristes" à Kinshasa.
Déposé au bureau du président de l'Assemblée nationale fin avril, le rapport de la mission parlementaire réunissant des députés de la majorité et de l'opposition n'avait toujours pas été présenté en séance plénière mercredi.
Les quatre activistes étrangers avaient été expulsés le 18 mars, le gouvernement les accusant de s'être rendus en RDC pour y préparer des "actes de violence".
Les trois Sénégalais étaient membres du mouvement "Y'en a marre", qui s'était opposé dans leur pays à la réélection du président Abdoulaye Wade, et le Burkinabè membre du "Balai citoyen" ayant pris une part active aux manifestations de Ouagadougou qui ont entraîné le départ du président Blaise Compaoré en octobre 2014.
Les militants congolais ont été relâchés au compte-goutte à l'exception de deux d'entre eux : Fred Bauma, un des meneurs de la Lutte pour le changement (Lucha), basée à Goma (est de la RDC) et Yves Makwambala, webmaître et graphiste de Filimbi.
Les principaux organisateurs congolais de la rencontre du 15 mars ont fui le pays pour l'Europe. Selon la mission parlementaire, ils auraient été exfiltrés du pays à bord d'un avion de la Mission des Nations unies en RDC (Monusco).
Les dirigeants en exil de Filimbi ont publié mercredi un communiqué dans lequel ils ne nient pas être sortis du pays grâce à la Monusco.
Ils demandent qu'"à la lumière du manque criant d'éléments établissant une quelconque tentative d'entreprise terroriste ou de déstabilisation de l'État (...) les autorités judiciaires arrêtent toutes les poursuites contre" MM. Bauma et Makwambala.
Depuis janvier, le climat politique est tendu en RDC à l'approche d'une série d'élections devant s'achever par la présidentielle prévue pour novembre 2016.
La Constitution interdit au président Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de se présenter à ce scrutin mais l'opposition soupçonne le chef de l'État de chercher à tout faire pour se maintenir en poste au-delà du terme de son mandat.
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