Outourou, un des villages de la commune rurale de Loumana située dans la Léraba, à 85 kilomètres de Banfora, a été le théâtre d’un affrontement entre ce village et celui de Niguèni qui, lui, est distant de Loumana de 10 kilomètres. Entre échanges de coups de fusil et incendies de concessions, un vieillard a trouvé la mort, brûlé vif dans sa case et deux autres personnes ont été tuées par balles. Ces 3 morts ont été tous recensés dans le village de Outourou.
Depuis la crise née de la désignation en août 2014 du village de Outourou pour abriter un Collège d’enseignement général (CEG), la cohésion qui avait toujours caractérisé la cohabitation entre ce village et celui de Niguèni est mise à rude épreuve. D’ailleurs, par manque d’accord entre lesdits villages sur l’emplacement, on apprend de sources concordantes que ledit CEG a été délocalisé à Banfora. Depuis donc cette affaire, les habitants des deux villages, comme le confie Moustapha Ouattara un ressortissant de Outourou que nous avons retrouvé au CMA de Sindou le 2 juin 2015, se regardent en chiens de faïence. Cette crise qui s’est très vite transformée en conflit foncier a atteint un niveau de violence tel que le 2 juin dernier, trois habitants de Outourou ont trouvé la mort dans des affrontements armés. Selon toujours Moustapha Ouattara, les habitants de Niguèni, hommes, femmes et enfants ont fait une descente musclée à Outourou, armés de fusils, de machettes, de gourdins, de fouets et de combustibles
pour mettre le feu à des concessions. Les propos de Moustapha Ouattara seront corroborés par son frère du même village, Siaka Koné, qui atteste que la descente des jeunes de Niguèni les a presque surpris. «Il ne nous restait qu’à nous retrancher ou à prendre la fuite. C’est alors qu’ils ont mis le feu à toutes les concessions du village. Peu avant ce forfait, ils ont capturé trois des nôtres dans leur champ, qu’ils ont conduits dans leur village à Niguèni. Là, nos frères ont été copieusement torturés avant d’être libérés. C’est suite à cela qu’ils ont décidé de marcher sur le village, causant la mort d’un vieillard dans sa case qu’ils ont brûlée, tuant deux autres personnes, l’une dans sa douche et l’autre à la périphérie du village », a relaté Siaka Koné. Du côté de Niguèni, le village adverse, on dénombre également plusieurs blessés dont 6 graves. Les blessures les plus graves, a-t-on appris de part et d’autre, ont été causées par des coups de fusil et il était toujours possible au CMA de Sindou, de sentir la présence de plombs dans les jambes de certains. Même le chef du village de Outourou a subi le courroux des habitants de Niguèni.
A Outourou, la désolation se lisait sur les visages. La tension était palpable ; en témoignent les greniers et les concessions toujours en flammes. En tout cas, une chose est sûre, le passage des habitants de Niguèni a été musclé. Aucun grenier n’a été épargné. Tous saccagés et leur contenu, le plus souvent du maïs, brûlé. Du coup, s’est interrogé quelqu’un, comment survivre jusqu’à la moisson prochaine ? Le lendemain, jusqu’à midi, heure à laquelle nous quittions le village, les trois corps étaient toujours là où la mort les a fauchés. A Niguèni, village situé à quelque 7 kilomètres de Outourou, les
habitants étaient eux aussi toujours sur le qui-vive, le 3 juin 2015. A la place du village où se tient la plupart des rencontres importantes, se trouvaient du monde, certains toujours armés de fusils. Conduit chez le chef coutumier Zana Siaka Ouattara, qui a pris le soin de se faire entourer de ses notables dont l’imam du village, nous avons aussi pu écouter son récit de ce triste évènement. Sa version est tout à fait le contraire de ce que nous avons appris à Outourou car, dira-t-il, c’est plutôt nos frères de Outourou qui ont été les premiers à ouvrir les hostilités. «Alors que la plupart des jeunes du village assistaient au doua d’un des nôtres décédé en Côte d’ivoire ce 2 juin 2015, trois personnes de Outourou ont capturé un des nôtres à quelques encablures du lieu de la cérémonie. Les cris de ce dernier ont alerté les jeunes qui s’y sont rendus et ont trouvé qu’il s’agit de leur compagnon. Il y eut des échauffourées entre eux et nos jeunes ont pris le dessus. Ils ont même capturé les 3 personnes qu’ils ont conduites dans ma cour. Sans hésitation, je les ai libérées et pour les protéger du courroux des jeunes, je les ai fait accompagner jusque dans leur village. Je ne sais pas ce qu’elles sont allées raconter, mais nous avons entre-temps vu les habitants de Outourou sérieusement armés qui arrivaient chez nous. Nous sommes en Afrique et je ne vous apprends rien. Lorsqu’ils ont attaqué, ils se sont rendu compte que leurs coups de fusils et de machette ne pouvaient rien contre nous. Avec notre supériorité numérique (Niguèni est nettement plus grand que Outourou) et vu que nous avons tellement été humiliés par eux dans l’affaire du CEG, nos jeunes n’ont pas pu se contenir. Ils les ont pris en chasse jusque chez eux. Retranchés dans leurs maisons, les habitants de Outourou ont ouvert le feu sur nos jeunes qui, pour les débusquer, étaient obligés de mettre le feu aux domiciles », a expliqué le chef coutumier du village pour qui, c’est l’administration qui a créé cette crise. Selon lui, c’est le choix de Outourou depuis Ouagadougou pour abriter le CEG qui a détérioré les relations entre les deux villages. «Comment peut-on comprendre que Outourou soit désigné alors qu’il ne dispose que d’une école à trois classes ? » s’est-il interrogé. Soutenu par l’imam Dou Seydou Koné, il ajoute que ce village n’a même pas un CSPS et que dans un passé récent, c’est à Niguèni que les élèves de Outourou, de Nounso, de Faon, fréquentaient l’école. Visiblement, pour le chef de village, Niguèni est le centre et c’est là-bas qu’il fallait ériger le CEG.
Mamoudou TRAORE
* Le préfet de Loumana tabassé
En septembre 2014, alors que la crise qui vient de s’exacerber venait de naître, raconte Siaka Koné du village de Outourou, les habitants de Niguèni, pour manifester leur mécontentement du fait que leur village n’a pas été choisi pour abriter le CEG, ont organisé plusieurs marches de protestation à Sindou et à Loumana, chef-lieu de la commune. A l’étape de Loumana, raconte notre interlocuteur, lorsque les habitants de Niguèni ont manqué le maire à son bureau, c’est à la préfecture qu’ils se sont rendus. Là, ils s’en sont violemment pris au préfet et l’ont même blessé à l’arcade. Le maire, relate toujours Siaka koné, quant à lui, avait disparu de la circulation, durant au moins un mois.