Agressé le 30 mai 2015 au cimetière de Gounghin lors de la journée d’hommage de la Nation aux martyrs, le secrétaire général de l’Union pour un Burkina nouveau (UBN) nous a accordé une interview hier lundi 1er juin 2015. Il revient sur les circonstances de cet incident et ne cache pas sa peur quant à l’avenir du Burkina, au regard de l’évolution actuelle de la situation nationale.
Agressé samedi dernier par un groupe de jeunes, vous n’avez dû votre salut qu’à l’intervention de la gendarmerie qui vous a exfiltré des lieux. Comment cela s’est-il passé ?
Nous avons reçu une invitation du ministère de l’Administration territoriale qui, je crois, était en charge de l’organisation de cette commémoration. Et notre parti étant une formation de paix et prônant la réconciliation nationale, il est inconcevable que l’on parle d’hommage aux martyrs et que nous soyons en marge.
Nous avons tous souffert de ce qui est advenu, et nous devons tous être solidaires. C’est donc dans ce cadre que nous avons accepté d’honorer cette invitation, et c’est pour aussi montrer notre attachement à la cohésion sociale, à la réconciliation nationale. J’y étais donc pour représenter mon parti, l’UBN.
La cérémonie s’est bien déroulée, et c’est quand on était en train de quitter le cimetière qu’un groupe de jeunes m’a accosté pour me demander pourquoi j’étais là. Ils ne m’ont même pas laissé leur répondre, et ils ont commencé à me dire que je n’ai pas le droit d’être là, que c’est nous qui sommes les assassins, etc.
Notre présence selon eux serait inopportune. Je n’ai pas réagi vu le cadre, et ils m’ont poursuivi jusqu’en dehors du cimetière, en me proférant des mots pas du tout aimables. C’est la gendarmerie qui a été obligée de s’interposer pour éviter qu’ils portent la main sur moi. Et c’est comme ça que j’ai été exfiltré pour avoir la vie sauve. Mon intégrité physique n’a pas été atteinte, mais moralement je suis profondément affecté.
Avez-vous reconnu quelqu’un parmi vos agresseurs ?
Oui, j’en connais quelques-uns, mais je ne veux pas ici, avec votre permission, les nommer. Sinon, certains même sont des connaissances, on se fréquente parfois. Mais comme nous voulons aller à la paix, à la réconciliation, ça ne sert à rien de continuer à s’indexer et à exacerber la situation. C’est pourquoi je ne veux pas les nommer.
Est-ce des gens connus du grand public, comme des membres d’OSC ou de partis politiques ?
Nous sommes aujourd’hui dans un contexte où la société civile se confond facilement à la sphère politique. De toutes les façons, vous trouverez des photos illustrant ces scènes-là sur les réseaux sociaux, vous pourrez reconnaître aisément les t-shirts que portaient certains de ces jeunes. Effectivement, il y avait des gens dits de la société civile.
Vu le contexte actuel du débat et sachant les origines de votre parti, créé par l’ancien ministre des Sports le colonel Yacouba Ouédraogo, pensez-vous après coup qu’il était opportun de s’afficher à cette cérémonie en public ?
Je crois qu’il faut plutôt faire la part des choses parce que nous sommes à 7-8 mois après l’insurrection ; donc il ne faut pas continuer de garder des distances qui ne vont pas contribuer à consolider nos liens. Je rappelle que notre parti est un parti de paix, et de ce point de vue, toute tendance allant dans le sens de l’apaisement nous interpelle ; surtout que nous avons été invités par les autorités de ce pays.
Et je pense d’ailleurs que c’est en connaissance de cause que celles-ci l’ont fait avec toute la bonne foi, et nous n’étions pas les seuls. Il y avait d’autres personnalités d’autres partis y compris ceux de l’ancienne majorité. Toutes ces personnes n’ont pas été agressées. Pourquoi moi alors ? Est-ce parce que je suis le plus connu ? Je n’en sais rien.
Est-ce une machination d’hommes politiques juste pour ternir l’image de notre parti ou de ma personne ? Je ne saurais le dire. Mais je pense que cela ne remettra pas en cause la volonté de l’UBN d’aller vers la cohésion nationale. Nous pensons plutôt que ce sont des actes qu’il faut savoir déclasser et mettre sur le compte de quelques individus surexcités.
Nous allons continuer de travailler avec toutes les personnes éprises de paix pour que la cohésion nationale soit une réalité, c’est là que se trouve le salut de notre pays. Je pense d’ailleurs que nos martyrs sont morts pour ça, ce n’est pas pour la division ni pour la haine ; ils sont morts parce qu’ils voulaient plus de justice, plus d’équité, plus de démocratie, plus de liberté, plus de paix, plus d’entente. Aller contre cette lecture des choses, pour moi, c’est vraiment vider l’insurrection de son sens.
Quelle suite comptez-vous donner à cette affaire ? Avez-vous porté plainte ?
J’ai plutôt fait une déposition à la gendarmerie, que je profite d’ailleurs de l’occasion pour remercier ainsi qu’un anonyme qui a aidé à me sortir de cette mauvaise passe. J’ai donc été entendu par les forces de sécurité à qui j’ai expliqué ce qui s’est passé et les circonstances dans lesquelles cela s’est déroulé.
Que l’on ne soit pas surpris si un jour on se retrouve dans une situation plus complexe ; car au regard de l’évolution des choses, j’ai bien peur pour mon pays. Si on laisse continuer des agissements de ce genre, nous risquons de nous retrouver dans une situation beaucoup plus dramatique, et ce serait encore reparti pour une spirale de violences.