D’habitude considéré comme une oasis et source de vie pour hommes et animaux, le forage Christine, situé dans la commune de Déou, province de l’Oudalan, s’est transformé en cimetière, le temps d’une longue panne de près de 20 jours. Des centaines, voire des milliers de bêtes (bœufs, moutons, ânes) sont morts de soif, après avoir cherché vainement de l’eau. La soif a même fait une victime humaine, en la personne d’un jeune berger qui conduisait ses bêtes dans la zone.
Entre le 10 et le 29 mai, les turbines du forage Christine, situé aux confins du Sahel burkinabè, dans la province de l’Oudalan, se sont arrêtées. Une double panne du groupe électrogène et de la pompe sont à l’origine de cet incident dont les conséquences sont catastrophiques pour les éleveurs : un jeune berger égaré avec son troupeau retrouvé mort, des centaines voire des milliers de bêtes mortes de soif. Le forage est très stratégique pour les éleveurs qui, en cette période de l’année, à la fin d’une saison sèche très dure, ont accouru de toutes parts pour y abreuver leurs troupeaux. Il y a bien sûr les Burkinabè, mais aussi les Maliens et les Nigériens. Ces derniers, sans doute les plus nombreux, sont venus de Tilabéry mais ont été doublement piégés avec l’asséchement du fleuve Béli et la panne du forage. Leur espoir s’est mué en enfer. Ils disent avoir perdu environ 2000 animaux après leur périple infructueux à la recherche de l’eau. Bien que la panne ait été réparée et que l’eau ait enfin commencé à couler dans les abreuvoirs, les éleveurs vivaient encore dans la détresse et le traumatisme, le 31 mai dernier, lors de notre passage. Toute la zone est jonchée de cadavres d’animaux, terrassés par la soif, dont des ânes pourtant réputés pour leur robustesse. Seuls les dromadaires ont pu échapper à l’hécatombe. Les pertes des Burkinabè n’ont pas encore été évaluées. Mais parmi les victimes, on déplore surtout la mort d’un jeune berger, perdu dans la brousse avec son troupeau. Quant aux animaux touchés par le drame, les estimations exactes n’ont pas encore été faites.
Le président des éleveurs, Seydou Madiane, souffrant et alité, a suivi à distance l’épreuve qui a frappé l’élevage en plein coeur. Il se contente seulement de dire, entre deux soupirs : « Pour le moment, personne ne peut dire combien d’animaux nous avons perdus. On essaie de faire le point, et inch allah, on le saura plus tard. Mais il y en a certainement des centaines. Faites un tour vers le Béli et vous constaterez les dégâts. Il y a même des animaux morts dans la boue. » Parmi les cadavres d’animaux, une quarantaine de bœufs, selon les témoignages, continuaient de se débattre dans la boue du fleuve asséché, entre la vie et la mort. Fort heureusement, une pluie est tombée à Déou ces derniers jours. Les éleveurs burkinabè ont déplacé leurs troupeaux vers les flaques d’eau qui s’y sont formées, ce qui a permis de décongestionner quelque peu les quatre abreuvoirs très saturés du forage. A long terme, cependant, le président des éleveurs souhaite que soit installé un système photovoltaïque, pour pallier aux pannes du groupe électrogène et à l’importante et coûteuse consommation de carburant.
Les autorités aux abonnés absents
S’il y a un fait qui a indigné les éleveurs, c’est qu’ils se sont sentis seuls face à leur détresse. Selon leur président, seule la gendarmerie de Déou est venue aux premières heures, pour constater la situation. Selon les gérants du forage, le haut-commissaire de la province n’est arrivé sur les lieux que samedi dernier, c’est-à- dire bien après la crise et une fois la pompe réparée. Le président des éleveurs se dit déçu de cette absence des autorités de la région : « Je ne vais pas vous mentir, on est complètement déçu d’être isolés et abandonnés à nous-mêmes. Personne n’est venu nous rendre visite. Même les services techniques de l’Elevage n’ont pas été sur les lieux. Nous déplorons cet état de fait » C’est pourquoi il s’est réjoui de la présence de Amadou Diemdioda Dicko, ancien ministre et député, fils de la région, à ses côtés pour le soutenir. M. Dicko, à la tête d’une délégation, s’est rendu dans la zone affectée par la catastrophe le 31 mai dernier, pour voir de visu la réalité des faits. Il a apporté ses encouragements aux éleveurs et promis de faire un plaidoyer pour une réfection durable du forage. Il faut noter que bataille pour réparer la pompe et le groupe électrogène a été menée par le COGES (Comité de gestion) composé uniquement d’éleveurs et financé grâce aux taxes perçues sur les animaux (250 FCFA par tête de bœuf et par mois, par exemple). Il est dirigé par Idrissa Abdoulaye. Environ 3 millions de FCFA ont été débloqués par le COGES pour les différentes réparations de la pompe.
Quant au groupe abîmé, il a été remplacé par IAMGOLD Essakane. Les caisses du COGES sont vides après toutes ces dépenses. Les éleveurs prient donc pour que le forage ne tombe pas à nouveau en panne avant les premières pluies. « On a des inquiétudes. Si jamais il y a une nouvelle panne avant l’hivernage, ce sera une nouvelle catastrophe », prévient le président des éleveurs. Mais il n’y pas que la rareté de l’eau qui se pose aux éleveurs. Il y a aussi la question des fourrages. « L’herbe devient de plus en plus rare. Les éleveurs sont donc confrontés à tous les problèmes du monde avec la rareté des pâturages », se désole le responsable des éleveurs. Mais certains, dans l’Oudalan, se demandent s’il n’est pas temps, face à la sécheresse de plus en plus rude, que les éleveurs passent à un autre mode de production, c’est-à-dire l’élevage intensif. Avec les crises répétitives, leur conviction est que les éleveurs doivent se sédentariser. Cela suppose que l’on produise du fourrage pour les animaux. En tout cas, dit un des partisans de la révolution de la pratique de l’élevage, « les temps ont changé et il faut s’y adapter ». En attendant, les éleveurs préfèrent la transhumance. Avec malheureusement le risque de perdre des milliers de bêtes, lorsque survient un problème comme la panne du forage Christine 1