Depuis l’arrestation, le 6 mars 2013 par les services de renseignements, du directeur de publication du journal Le Républicain, Boukary Daou, plus rien ne va entre la presse privée et le gouvernement malien. Considérant que cette interpellation est « arbitraire », les patrons de presse ont décidé de « l’instauration de Journées sans presse à compter du mardi 12 mars 2013, jusqu’à la libération de Boukary Daou ». Aussi projettent-ils de déposer une plainte contre l’Etat pour arrestation « arbitraire » de leur confère. Difficile donc pour les populations de disposer des informations in situ, à moins qu’elles ne se tournent vers les médias publics ou ceux de l’Etranger. Pas de journaux dans les kiosques. Plus d’émissions à la radio et à la télé. Pas une ligne sur les sites internet d’information. Il y a de quoi se demander ce que nous réserve l’avenir sous les cieux maliens, déjà perturbés par les folies djihadistes. Pour revenir aux faits, il est reproché à l’homme de média d’avoir publié la lettre ouverte d’un groupe de militaires au président de la république par intérim, Dioncouda Traoré.
« Nous avons appris que pendant que nous mourrons, nous, dans le grand désert, le capitaine Sanogo pour avoir fait un coup d’Etat, et mis le pays dans la situation que nous connaissons, doit bénéficier d’un salaire de quatre millions de F CFA par mois », peut-on lire dans cette correspondance signée d’un certain capitaine Touré. Pire, le signataire de la lettre menace : « si cette décision n’était pas annulée dans les deux semaines suivantes, nous cesserons, nous, c’est-à-dire mes éléments et moi, de combattre ». La publication d’une telle missive, de nature à saper le moral des troupes dans ce pays en guerre, n’a pas été du goût du régime en place, qui a ordonné l’arrestation du journaliste. Et il n’en fallait pas plus pour que la corporation monte sur ses grands chevaux. Dans cette atmosphère dantesque, l’armée malienne a tenu à faire des mises au point. Tout en appelant la presse « à plus de vigilance » face à des entreprises obscures voulant compromettre la cohésion au sein des troupes, elle a assuré qu’il n’y a « aucun officier au grade de capitaine répondant au nom de Touré » sur le terrain des opérations au Nord-Mali. La « grande muette » malienne a indiqué, dans un communiqué, ceci : « les investigations judiciaires sont en cours par les services compétents pour identifier le ou les vrais auteurs de cette lettre supposée ou réelle qui cherche à démobiliser notre armée sur le terrain ». Mais en attendant, la libération de l’homme de média Boukary Daou pose problème, puisqu’il a refusé de révéler ses sources comme le lui demandent les agents de la sécurité. « Ce qui est un droit reconnu aux journalistes », comme l’a laissé entendre le président de l’Organisation des jeunes reporters du Mali, Kassim Traoré. L’on se demande alors ce qui va advenir de ce bras de fer entre le gouvernement malien et la presse privée.
Déjà que les journalistes peinent à faire convenablement leur travail dans la crise, la situation ne fera que s’envenimer avec cet incident. L’armée, et par delà le gouvernement, a sa logique, la presse aussi. Mais ce qui importe dans cette période de crise au Mali, est que l’exécutif et les journalistes travaillent en étroite collaboration pour l’intérêt suprême du pays. Tous espèrent retrouver le Mali d’antan, unique et indivisible, pacifique et stable. Vivement qu’une solution soit trouvée à l’arrestation du journaliste Boukary Daou, pour le bonheur de tous.