Le gouvernement de la Transition, dans la dynamique du respect de leur promesse, a organisé du 27 au 30 mai 2015 une journée nationale d’hommage à la mémoire des martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, à Ouagadougou. Ce faisant, plusieurs activités ont couronné cette journée.
« En cette soirée du 30 mai 2015, la Nation burkinabè rend hommage à 28 destins, 28 histoires différentes à l’origine, mais qui ont pris, lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, des tournures similaires. Fauchés, alors qu’ils défendaient leurs idées. Ils étaient partis pour défendre leur conviction, leur idéal de démocratie ». C’est en ces termes que la cérémonie d’hommage aux martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014 a étalé ses voiles. Suivie d’une minute de silence à la mémoire des martyrs, ils ont été tous élevés au grade de « Chevalier de l’ordre national » à titre posthume. A la même occasion, le chef de l’Etat burkinabè, accompagné de ses collaborateurs et des invités, a procédé à la pose de la première pierre de la stèle commémorative des évènements des 30 et 31 octobre 2014 d’une hauteur de 13,80m ; d’une épaisseur d’1m ; de 2m de large et d’un coût global d’exécution de 142 millions de FCFA. Celle-ci portera le nom de tous les martyrs tombés sous les balles et se veut, selon les initiateurs, un témoignage de tout un peuple à ses fils. « C’est le lieu de mémoire où tous pourront se recueillir et rendre hommage aux hommes, femmes et enfants qui ont offert leur vie pour la restauration de la patrie », ont-ils indiqué. Babou Bamouni, représentant des parents des décédés lors de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, pour sa part, a salué la mémoire des disparus et leur a exprimé tout l’attachement du peuple burkinabè à leur idéal pour lequel ils sont tombés. « Martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, nous nous inclinons pour vous rendre honneur. La patrie où la mort, vous avez vaincu, car il y a quelque chose de plus fort que la mort, c’est la présence des disparus dans la mémoire des vivants. Les familles des victimes ont vécu les évènements dans la douleur. Nous avons toujours en mémoire, les images horribles, gravées dans nos mémoires, ces jeunes gens, violentés, criblés de balle, gisant dans leur sang, souffrant dans la chair et dans l’âme. Ils venaient de rendre la vie, ils ont versé leur sang pour la patrie. Nous gardons à jamais, dans notre esprit leur sang qui a coulé pour sauver le Burkina Faso d’un « bricolage » constitutionnel », a déclaré Babou Bamouni. Aussi, il poursuit en ajoutant en ces termes : « Que de souffrances endurées par les martyrs. Que de choc émotionnel subi. Que de parents tourmentés, pleurant sans cesse. Que d’orphelins laissés, la douleur est profonde. Nous parents, ami(es) et proches des martyrs qui reposent sous la terre « libre » du Burkina Faso avons remarqué en ces personnes, l’amour de la patrie, la justice, la paix, la vérité, l’intégrité, le don de soi, l’abnégation au travail, l’audace, la liberté d’expression, l’engagement pour le bien-être de tous. La Nation réunie en ce jour pour vous rendre hommage, nous, votre famille, recevons cet hommage et recevez en retour l’hommage de la famille, des ami(es) et proches».
« Pour votre « NON », vous êtes morts, et l’histoire le retient »
En effet, pour Babou Bamouni, c’est contre un système qu’il a jugé oppresseur, destructeur, que les martyrs ont accepté mourir les mains nues, les poings levés et avec une détermination inébranlable malgré les armes pointées contre leur poitrine. « Pour votre « NON », vous êtes morts, et l’histoire le retient », a-t-il lancé. En outre, dans le sens de la réconciliation nationale prônée par les autorités de la transition, nous, le représentant des familles des martyrs, au nom des familles, a exprimé leur disponibilité à aller dans cette vision, mais à deux conditions à savoir la vérité et la justice pour les disparus et le pardon sincère à l’adresse des familles des personnes décédées au cours de l’insurrection populaire. « Oui, nous serons prêts à pardonner ces personnes qui ont été responsables de la mort de nos proches à des degrés de responsabilités diverses. La sagesse de chez nous, nous enseigne que lorsque quelqu’un te poignarde par l’épée de sa langue, il faut lui rendre le clou par l’éclat de ton sourire », a-t-il formulé. En revanche, Babou Bamouni a interpellé les autorités sur le fait que l’hommage qui se rendait aux disparus de l’insurrection populaire ne soit pas résumé à une séance publique et collective de lamentation sans prendre l’engagement ferme de leur rendre justice, car cela aurait un gout inachevé. Avant de terminer ses propos, il a eu une pensée pieuse à l’endroit des différentes couches sociales et professionnelles pour leur part de responsabilité dans la conduite de l’insurrection populaire. Par conséquent, il a souhaité que les photos des différents martyrs soient affichées à l’Assemblée nationale comme source d’interpellation du législateur dans l’exercice de ces fonctions. « Cette cérémonie doit revêtir une dimension pédagogique dans la perspective de l’édification d’un autre Burkina Faso dont les fondations doivent reposer sur des institutions démocratiques plus forte sur l’éthique et la responsabilité dans la gestion du pouvoir », a-t-il adressé aux autorités. Le Président de l’Association des blessés de l’insurrection populaire (ABIP), Dramane Ouédraogo a, au cours de son intervention, émis un vibrant hommage aux disparus des 30 et 31 octobre 2014 et félicité tous ceux qui ont versé leur sang pour la même cause. «Nous dirigerons nos vives salutations à ceux qui étaient dans la rue et qui ont eu la chance de retourner chez eux sain et sauf », a-t-il dit. Par ailleurs, il a suggéré des autorités de la transition, que toute la lumière soit faite sur ces évènements et que la justice soit rendue à toutes les victimes.
« Votre sacrifice n’aura donc pas été vain »
A entendre le représentant des autorités coutumières et religieuses, Pasteur Yé, les évènements des 30 et 31 octobre 2014 restent gravés dans les mémoires comme une tache indélébile. « Ce jour, nous rappelle le douloureux souvenir de nos frères et sœurs perdus ou condamnés à jamais par un handicap. L’idée de cette cérémonie d’hommage n’est pas d’évoquer un sentiment de douleur au peuple burkinabè, mais un sentiment de compassion, de fierté pour la cohésion immédiatement restaurée. Il convient d’appeler ces dignes et valeureux fils de ce pays, des martyrs. Nous louons le sacrifice suprême qu’ils ont consenti pour la vérité, la liberté et la paix au Burkina Faso », a confié le Pasteur. Face à tous les témoignages, reconnaissances et suggestions des différentes parties prenantes à cette cérémonie d’hommage aux martyrs de l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014, le chef de l’Etat, Michel Kafando, au cours de son allocution, a rassuré les uns et les autres que justice sera rendue aux victimes de ces journées. « Vaillants combattants de la liberté, vous, très tôt arrachés à notre affection. Nous sommes venus de partout pour célébrer et perpétuer votre mémoire. 8 mois c’est effectivement long pour saluer votre mémoire, mais le temps écoulé n’astreint en rien votre souvenir, toujours vivace dans nos cœurs et dans nos esprits. 8 mois, c’était aussi nécessaire que devait prendre la Nation et préparer dignement cet évènement », a-t-il justifié. A l’en croire, le Président de la Transition, chef de l’Etat, Michel Kafando, a pris l’engagement d’instituer une journée de souvenir où il sera désormais annuellement consacré. « Du fond de vos sépultures, dormez en paix. Puis qu’en ayant versé votre sang pour la patrie, vous avez fait germer la démocratie nouvelle sur laquelle s’édifiera un Burkina nouveau », a-t-il conclu.
Par Lawakila Rodrigue KABARI