C’est donc parti pour un bras de fer beaucoup plus musclé entre Boko Haram et le nouveau gouvernement nigérian, puisque le président élu Muhammadu Buhari, qui a fait de la lutte contre cette secte sa priorité des priorités, a été investi vendredi.
Mais le nouveau président avait à peine mis le pied à l’étrier que Boko Haram, d’abord, par une attaque la nuit de vendredi à samedi qui a fait au moins 26 morts, ensuite, par un attentat suicide samedi dans une mosquée de Maiduguri ayant provoqué au bas mot neuf macchabées, a salué son avènement. Donc comme réponse aux 21 coups de canon d’honneur pour Buhari, la salve d’avertissement, pour ne pas dire le coup de semonce de Shekau.
C’est dire que la guerre est véritablement ouverte entre les deux camps, car (premier symbole), ces attaques ont eu lieu alors que le nouveau président a décidé le transfert du centre de commandement des opérations militaires contre Boko Haram d’Abuja à Maiduguri (fief de la secte, d’où le deuxième symbole).
«C’est une décision tactique» selon un membre du comité de transition chargé des questions sécuritaires. «Maiduguri est une ville forteresse», a ajouté un général à la retraite avant d’expliquer que «déplacer l’armée là-bas permettra de rendre les offensives contre Boko Haram plus efficaces».
Pour Buhari lui-même, «nos forces de sécurité ont accompli des progrès ces dernières semaines, mais la victoire n’est pas possible en conservant le centre de commandement et de contrôle à Abuja.»
L’autre priorité de Buhari, c’est la relance de l’économie pour faire reculer le chômage, notamment par la lutte contre la corruption et l’assainissement du secteur énergétique pour assurer la distribution de l’électricité.
Plus que sur les terrains de la lutte contre la corruption, le chômage, etc., c’est sur celui de la sécurité qu’est attendue l’administration Buhari. Cette urgence est aussi celle des pays voisins du Nigéria, qui accueillent des dizaines de milliers de réfugiés et sont atteints par les attaques de la secte, d’où la nécessité pour Buhari d’être avec ses voisins un meilleur partenaire que Goodluck, et pour son armée de prendre le relais pour tenir les localités libérées par les contingents militaires étrangers : par exemple Damasak et Malam Fatori, bourgades nigérianes délivrées de Boko Haram par les Tchadiens et les Nigériens il y a deux mois.
L’armée du pays doit donc prendre toute sa part aux combats et à la sécurisation des zones libérées, car les contingents militaires de la sous-région ne devraient être qu’un adjuvant. Que les soldats nigérians et camerounais en soient réduits à passer par des SMS personnels ou les réseaux sociaux pour échanger sur la tactique s’il vous plaît, et qu’il n’y ait pas du tout de canal d’échanges sur la stratégie, ne facilitent pas la victoire. Toutefois, si Issoufou a eu plus d’échanges au téléphone avec Buhari en huit semaines qu’avec Jonathan en cinq ans, c’est peut-être que la coopération s’améliore ou s’améliorera.
Mais pour espérer vaincre Boko Haram, encore faut-il, selon certains observateurs, que Buhari renforce les capacités d’une armée nigérianne sous-équipée et démoralisée au moment où des douzaines de soldats sont jugés pour mutinerie ; qu’il accélère l’acheminement du matériel militaire dans le Nord et remanie profondément l’état-major de l’armée, ne serait-ce que pour faire cesser les détournements de fonds.
Ces observateurs ajoutent que des enquêtes judiciaires sur les violations des droits de l’homme imputées à ses soldats pourraient inciter les partenaires occidentaux à accroître leur coopération dans le renseignement et les actions de formation.
Si sans surprise, c’est la lutte contre Boko Haram qui a dominé le discours d’investiture du tout nouveau président, la victoire contre la secte islamiste d’Abubakar Shekau (dont on se demande ce qu’elle a d’islamique quand elle attaque des mosquées) ne sera pas une sinécure pour Buhari.
Ahl-Assane Rouamba