Le premier rendez-vous, initialement prévu du 2 au 5 mai 2015, avait été reporté sine die. Officiellement en raison de l’absence du président français, François Hollande, qui devait se rendre les 4 et 5 mai à Ryad pour le sommet extraordinaire des Etats du Golfe dont il était l’invité d’honneur.
Mais pour de nombreux analystes, cette excuse du calendrier cachait mal le pied-de nez que le locataire de l’Elysée a voulu faire à son homologue burkinabè pour manifester son mécontentement suite au vote, le 7 avril 2015, de la loi portant code électoral au Burkina. Nouveau rendez-vous donc pour Tnton Michel qui a finalement entamé hier la fameuse visite officielle dont le point d’orgue sera le tête-à-tête ce matin même rue du faubourg Saint-Honoré, entre lui et Hollande.
Comme on le sait, l’article 135 du nouveau code, jugé révolutionnaire en certains de ses aspects, exclut des prochaines joutes électorales les gourous de l’ancien régime qui ont soutenu le projet de modification de l’article 37 de la Constitution pour permettre à Blaise Compaoré de briguer un énième mandat. On sait ce qu’il est advenu de ces velléités nabales, sanctionnées par une insurrection populaire les 30 et 31 octobre 2014 qui a emporté l’enfant terrible de Ziniaré et son funeste projet.
Depuis le «faux départ» de début mai, les données du problème n’ont pas changé. Le texte litigieux n’en finit toujours pas de diviser, d’une part, les Burkinabè entre eux, d’autre part, la « patrie des hommes intègres » et la communauté internationale, attachée au principe de l’inclusion en vertu de la Charte de la transition.
De passage à Ouagadougou dans le cadre d’une tournée sous-régionale, Annick Girardin, la ministre française du Développement et de la Francophonie, avait clairement dit que son pays souhaitait des élections «transparentes et inclusives», Les responsables « transitoires » du Faso ont beau arguer que le texte querellé n’exclut aucun prétendant intitu personae et que c’est plutôt des comportements qu’elle entend sanctionner, la ficelle semble trop grosse pour qu’on voie autour du cou de qui on veut la passer .
Au-delà donc du bilan d’ensemble de la Transition à quatre petits mois de la présidentielle et de la revue de la coopération bilatérale classique, le menu des échanges entre les deux personnalités devrait être essentiellement composé de ce plat de résistance.
Va-t-il tourner à la soupe à la grimace pour le locataire de Kosyam ? Du temps de la Françafrique triomphante et des réseaux Foccart, nul doute que Mba Michel serait revenu de Paris avec une lettre de mission à « exécuter sans hésitation ni murmure » ainsi qu’on dirait dans l’armée.
Mais les choses ont bien changé, et le président du Faso devrait répéter à son interlocuteur ce qu’il avait déjà rappelé, pas plus tard que le vendredi 22 mai dernier, aux membres du corps diplomatique et des organisations internationales et interafricaines dont certains exercent des pressions «amicales», à savoir que «nous avons même été tolérants avec le parti de l’ancienne majorité qui n’a pas été dissous».
Traduction : le CDP et Cie peuvent s’estimer heureux de continuer à exister, car comparé à ce qui s’est passé dans les pays qui ont connu des changements de régime similaires, la sanction aurait pu être plus lourde.
Il n’est pas sûr que Hollande entende la chose de la même oreille, mais puisque la loi ne peut être relue avant les élections couplées du 11 octobre, on ne voit pas trop comment cette inclusion pourrait avoir droit de cité si ce n’est en exerçant de discrètes pressions sur le Conseil constitutionnel pour que, le moment venu, il lève le pied pour laisser passer certaines candidatures.
En vérité, les nouveaux maîtres du pays, dont certains étaient pourtant confortablement installés aux premières loges du pouvoir Compaoré il n’y a pas si longtemps que ça, sont plutôt en phase avec « le pays réél » sur cette question.
Car, entend-on dire, où étaient donc cette CEDEAO et cette fameuse communauté internationale, Etats-Unis mis à part, quand les tripatouilleurs avaient engagé leur marche insensée pour la révision de l’article 37 ? Les Burkinabé auraient du reste compté sur ces gens-là que l’affaire serait passée comme une lettre à la poste.
Pour autant, Michel Kafando aurait tort de négliger totalement leurs avis, car ce sont les mêmes qui nous ont évité les sanctions qui se seraient immanquablement abattues sur le Burkina.
Et Dieu seul sait si la situation socio-économique et financière du Burkina, déjà précaire en cette période de transition, n’aurait pas été encore plus catastrophique, si elles avaient été prises.
La Rédaction