Le 25 mai dernier, à l’hôtel Palm Beach, l’IGD (Institut général Tiémoko Marc Garango pour la gouvernance et le développement) annonçait à la presse l’organisation, les 28 et 29 mai 2015, d’un colloque international sur l’Etat de droit, la démocratie et les changements anticonstitutionnels de gouvernement. Chose promise, chose faite : l’événement a démarré sur les chapeaux de roue, hier dans la salle de conférences du ministère des Affaires étrangères avec la cérémonie officielle d’ouverture suivie de la leçon inaugurale de Pr Augustin Loada.
La salle des Affaires étrangères était pleine comme un œuf. Quelque part, ce pourrait être un signe que le sujet était fort attractif. En rappel, lors de l’annonce de cette rencontre aux journalistes, le 25 mai, le thème était : «L’Etat de droit, la démocratie et les changements anticonstitutionnels de gouvernement». A la cérémonie officielle d’ouverture, le sujet s’est fait plus précis, avec l’ajout de ce qui suit : Du droit à l’insurrection au droit de l’insurrection ». Il n’est donc pas besoin de boule de cristal pour deviner l’angle que prendront les débats.
Avant d’entrer dans le vif du sujet cependant, il fallait au préalable sacrifier à la tradition de la cérémonie officielle d’ouverture, d’autant qu’elle est présidée par le président de la Transition, Michel Kafando. Le premier à prendre la parole fut le professeur Ismaël Madior Fall, membre du Conseil d’administration de l’IGD et Ministre-conseiller du président de la République du Sénégal. Il a salué comme il se doit la rencontre, qui est une occasion rêvée de partage de connaissances et d’expériences. Comme pour louer la pertinence du thème, il a d’abord rappelé que, dans les années 90, l’Afrique était euphorique à l’idée d’un tournant démocratique que voulaient prendre les gouvernants, avant de regretter que, quelques années après, c’est l’impasse, avec ces réflexes anticonstitutionnels chez la plupart.
Il était bien inspiré, ce premier orateur. Mais s’il y a personnalité qui s’est exprimée avec plus de verve et sans s’entourer de circonlocutions diplomatiques, c’est assurément le patron de la cérémonie qu’était le chef de l’Etat Michel Kafando. D’abord, il s’est réjoui du choix du thème, qui est «d’une actualité brûlante». L’invité d’honneur a ensuite demandé une minute de silence pour les martyrs de l’insurrection, avant de tirer à boulets rouges sur une certaine forme de gouvernance qui rappelle un régime défunt: «En se parant d’oripeaux démocratiques, l’on s’est finalement rendu compte que les dirigeants sont plus préoccupés par leurs propres rentes. Au lieu de promouvoir la démocratie, ils ont surtout promu les intérêts familiaux, claniques et partisans. Une démocratie de façade a été installée avec des institutions sans institutionnalisation, des constitutions sans constitutionnalisme. Faut-il alors s’étonner que les instruments juridiques ne suffisent pas à calmer la colère des populations?».
Ces propos ont-ils donné des ailes au Pr Augustin Loada? On ne le sait trop. Néanmoins, ce constitutionnaliste, qui se trouve être un membre du gouvernement mais chargé de prononcer la leçon inaugurale, a fait à son patron cette requête qui a fait sourire plus d’un : «Je voudrais solliciter d’être mis en congé du gouvernement, le temps de faire cette communication». Il a ensuite eu la latitude de faire un tour d’horizon des différentes pratiques antidémocratiques en Afrique, comme la manipulation des institutions, de la loi fondamentale et l’inefficacité des réformes, parce que adoptées sous la pression et par conséquent non pérennisées.
Et comme il fallait s’y attendre, l’actualité nationale s’est invitée dans son exposé. Morceaux choisis : «Le code électoral qui vient d’être voté reste le code le plus progressiste que le Burkina ait déjà adopté … Quand vous les écoutez vous faire des leçons sur l’exclusion, vous avez l’impression d’entendre Monsieur Guiro (Ndlr : Ousmane Guiro, ancien DG des Douanes qui est dans le collimateur de la justice) vous faire un exposé sur la transparence et la bonne gouvernance … Ils se plaignent de l’exclusion, alors que l’exclusion des membres du gouvernement et autres hautes autorités de la Transition aux prochains scrutins électoraux ne les indigne point».
Issa K. Barry