C’est aujourd’hui à Abuja et devant un parterre de chefs d’Etat africains et de personnalités politiques de premier plan que Muhammadu Buhari prêtera le serment faisant du général à la retraite le quatorzième président de la République fédérale du Nigeria, élu en mars dernier avec 53,9% des suffrages face au chef d’Etat sortant Goodluck Jonathan.
Rappelons tout de même que celui qui dès aujourd’hui étrennera ses nouveaux habits de chef de l’Etat, n’a rien d’un novice. C’est quand même lui qui, en 1983, a renversé Shehu Shagari et son gouvernement civil « corrompu » certes, mais démocratiquement élu. Le putschiste qu’il était alors avait aussitôt suspendu la constitution de 1979, mettant fin à la Deuxième République. Il avait alors dirigé le pays d’une main de fer, instaurant une dictature militaire, avant d’être à son tour renversé par un autre officier, Ibrahim Babanguida. Reconverti depuis lors à la démocratie, le voici qui, 30 ans après son départ forcé, goûte aux avantages du pluralisme politique.
Mais, contrairement à bon nombre de ses prédécesseurs, l’ex-putschiste n’aura pas d’état de grâce, tant les défis qui l’attendent sont impressionnants. En effet, Muhammadu Buhari arrive aux affaires alors que le nord-est de son pays subit les assauts quotidiens de la secte Boko haram. Certes, l’intervention des pays voisins a quelque peu freiné l’expansion de la menace. Mais le général devra user de la pugnacité toute militaire qui le caractérisait jadis pour agir et protéger ses concitoyens. Et s’il y a un terrain sur lequel il est attendu, ce sera bien celui-là. C’était d’ailleurs une des priorités déclinées lors de sa campagne.
Autre défi de la nouvelle équipe au pouvoir, la lutte contre la corruption, l’autre cancer qui ronge et tue à petit feu le tissu social et l’économie nigérians. Mais au-delà du fléau si bien connu et régulièrement dénoncé, c’est la résolution du problème plus global de la bonne gouvernance qui s’imposera très vite au général et à son armée de fonctionnaires comme une priorité. Se donneront-ils tous les moyens pour en venir véritablement à bout ? C’est la question qui se pose. Et elle est cruciale, d’autant plus que le nouveau locataire d’Aso Rock hérite d’un Nigeria pour ainsi dire en panne sèche et quasiment sur cales. Pour tout dire, il lui faudra beaucoup plus que de la volonté et de la poigne, surtout quand on sait combien le géant africain reste difficile à manœuvrer. Dès lors, on se demande si, au-delà des promesses électorales, le fardeau qu’endosse le nouveau président élu n’est pas trop lourd pour les seules frêles épaules du natif de Katsinna qui, sans doute, pourra compter sur le soutien de son pasteur de colistier, l’universitaire Yemi Osinbajo, ainsi que la mobilisation de toute l’administration fédérale pour accomplir la mission qui lui a été confiée.
H. Marie Ouédraogo