Dans la province du Mouhoun, la campagne cotonnière 2014-2015 a produit environ 150 mille tonnes de coton graine. Le hic, qu’ont rencontré les producteurs face à leur rendement agricole est l’enlèvement des récoltes vers les usines d’égrenage de Dédougou, Solenzo et Bondoukuy. Pour certains, la faute est imputable à la SOFITEX. D’autres par contre, pensent que les égreneurs font de leur mieux et qu’il faut récolter à temps pour éviter les retards d’enlèvement.
Le rêve le plus ultime des producteurs de coton est de voir le plus tôt possible leur récolte enlevée, par les sociétés cotonnières. Cela leur permet non seulement de gagner à temps leur paiement mais aussi d’éviter les aléas pouvant conduire à un déficit du poids déclaré à la SOFITEX. Selon le président de l’union départementale des producteurs de coton de Bondoukuy, Bouramani Coulibaly, le retard dans l’enlèvement du coton est dû à plusieurs facteurs. D’abord, il y a la production massive du coton. Ce point donne du fil à retorde aux ramasseurs de coton. L’égrenage au niveau des usines. Là, il indique qu’un camion peut facilement passer un mois stationné avec son chargement au sein de l’usine. La crise au niveau de l’Union nationale des producteurs de coton (UNPCB) n’est pas à l’origine? Il explique qu’à son entendement la crise n’a pas eu de répercutions sur l’enlèvement du coton. Et le ramassage se fait selon une feuille de route élaborée par les services de la SOFITEX par département et par Groupement de producteurs coton (GPC). Il ajoute que ce sont les producteurs qui doivent se remettre en cause car ils ne récoltent pas tôt. Son collègue Lamoussa Tamini de Kéra, lui pense plutôt que les autorités sont les mieux placées pour revoir la campagne d’enlèvement.
Un retard qui occasionne des pertes
Il affirme que ce n’est pas à chaque année qu’il y a des difficultés d’écoulement. «Tout n’est qu’une question de volonté« relève-t-il. Le retard incombe aux deux partis c’est-à-dire les producteurs et les égreneurs, soutient Yézouma Bicaba, secrétaire général du deuxième plus grand groupement du département de Dédougou, le GPC «Zoumbakuy» du village de Zéoula. A son avis, c’est parce que les producteurs accusent souvent du retard dans les récoltes que le programme de la campagne de la SOFITEX. Sans être découragé, M. Bicaba pense que le problème peut connaître une solution si toutefois l’ensemble des acteurs (producteurs, sociétés d’égrenage et pouvoirs publics) trouvent une plateforme d’écoulement. Pour cela il demande à la SOFITEX de renforcer la capacité de ses installations d’égrenage afin d’absorber des quantités suffisantes de tonnes par jour.
Dans le village de Zéoula, M. Bicaba indique que suite à la crise, des producteurs étaient réticents quant à la production du coton. Il dit exhorter ses camarades, à passer outre les divergences et à se mettre à la production de l’or blanc. Car , pour lui «sans le coton, la vie du paysan ne vaut rien. Aucune spéculation ne peut rivaliser à plus forte raison égaler le coton». Pour le président d’un Groupement villageois (GV) de Sokoura, Adama Sangaré, le souhait des paysans est que le coton entre à l’usine avant fin mars. «Malheureusement on ignore les motifs du retard qui occasionne parfois des poids manquants dont les producteurs se doivent de cotiser pour payer«, reconnaît-il. Dans cette localité, le président du GV déclare que le dernier camion chargé a quitté le village le 5 mai dernier. Il affirme par ailleurs que chaque année, son GV enregistre des poids manquants du fait du retard dans l’enlèvement. Et que très souvent, les encadreurs expliquent que ce déficit de poids est dû à un usage inapproprié de la bascule. De ce fait, le nombre de tonnage exprimé est parfois faux. Pour remédier à ce problème, la SOFITEX forme parfois des producteurs alphabétisés à l’utilisation rationnelle de la bascule et aux techniques de pesées. Selon M. Sangaré, le paysan tire tout son confort du coton. Quoi qu’il en soit, déclare-t-il, la production est inévitable si «nous voulons survivre».
Et pour la campagne cotonnière 2015- 2016, le producteur Sangaré souligne que les demandes d’intrants et de semences ont connu une augmentation. Se réjouissant de l’augmentation du prix du kilogramme du coton graine à 235 F CFA, Adama Sangaré invite les égreneurs à se préparer à une production jamais enregistrée dans le pays. Il précise même que les 800 mille tonnes citées par le président de l’UNPCB lors de la journée du paysan seront dépassées si dame nature est généreuse. Comme conseils, l’Agent technique coton (ATC), Brahima Ouédraogo, chargé de la zone de la commune rurale de Kari, province du Mouhoun, recommande aux cotonculteurs de redoubler de vigilance et de démarrer la campagne très tôt. Aussi il fait savoir qu’il est de la responsabilité des paysans à construire des silos pour sécuriser le coton déjà vendu, donc en attente d’être enlevé.
De l’inefficacité des usines
D’une façon ou d’une autre l’ATC de son côté pense que le retard dans l’enlèvement total de la production cotonnière, d’une campagne véritablement réussie s’avère inévitable. Et il convient aux acteurs de prendre cette évidence en compte. De sa vision des choses, le retard peut s’expliquer par une récolte abondante, ou par des arrêts d’usine pour des raisons de panne ou de coupure d’électricité. En effet, selon M. Ouédraogo, trois usines tournent à plein régime dans le grand Mouhoun. Il s’agit de l’usine de Dédougou qui, du fait de son ancienneté, ne répond plus efficacement comme avant. Celle de Solenzo dans les Banwa a une capacité motrice assez élevée par rapport aux égreneuses de Dédougou. Mais l’usine à laquelle les producteurs doivent leur salut du fait de sa cadence et de ses performances remarquables est la nouvelle machine de Bondoukuy, localité situé à 78 Km de Dédougou. Les égreneuses de cette jeune usine ont une cadence d’environ 250 tonnes de coton par jour. Mais l’ATC explique que les trois usines combinées ne peuvent pas réaliser un égrenage supérieur ou égal à 600 tonnes par jour. Cela est dû en partie à la vétusté de certaines installations ou de certaines pièces maîtresses des machines. Or, la campagne écoulée fait un rendement de 150 mille tonnes de coton graine pour la région de la Boucle du Mouhoun. De ce fait, si les trois usines arrivent à égrener 600 tonnes par jour, et que la région à un potentiel de 150 mille tonnes, il faudra alors 250 jours pour écouler la production. C’est dire que si la vente a commencé en novembre ou décembre, l’enlèvement se fera jusqu’en juin ou juillet car 250 jours équivalent à 8 mois d’enlèvement. Donc huit mois de ramassage sans compter les imprévus comme les pannes techniques.
La promesse de l’administration cotonnière
Néanmoins, pour lever le défi de l’égrenage, l’encadreur des producteurs-coton affirme qu’il faut, dans la mesure du possible, augmenter la puissance des usines, multiplier les égreneuses et renforcer les capacités de tout le système. Car dit-il en période de canicule l’on est obligé de diminuer souvent la puissance de certaines machines pour les permettre de tenir les contraintes que lui impose l’environnement thermique. Le président de l’UNPCB, Karim Traoré confie que toute la chaine est consciente des enjeux. Les plaintes des cotonculteurs sont également prises en compte. Il reconnaît que plus le coton dure au champ plus il perd de son poids, diminue de son volume, et court le risque d’être détruit par des flammes ou des animaux. Etant proche des paysans, comme il l’explique, il dit comprendre plus que quiconque les soucis que le coton invendu pose aux producteurs qui, souvent, sont obligés de vendre des céréales pour résoudre leurs problèmes financiers puisque tant que le coton n’est pas enlevé il n’y a pas de paiement. A propos des poids manquants, il signale que dans les clauses de la SOFITEX, le paysan est responsable de sa production jusqu’à ce qu’elle entre à l’usine. C’est-à-dire en cas de manquant, le GPC prend en charge le manque à gagner. Foi de M. Traoré, qui rassure qu’au regard de la production de plus en plus croissante, les acteurs ont une feuille de route qui consiste à redynamiser l’ensemble des maillons de la scène cotonnière afin d’éviter des pertes. L’un dans l’autre, les responsables des trois sociétés d’égrenage au niveau national (SOFITEX SOCOMA, FASO et COTON) affichent une volonté de trouver des voies et moyens pour augmenter la cadence et accélérer l’enlèvement du coton. Le cri du cœur des paysans semble être bien entendu des premiers responsables du secteur coton. Le directeur général de la SOFITEX, Bernard Zougouri, dans son entretien avec les présidents des unions départementales des producteurs de coton à Ouagadougou le jeudi 7 mai 2015 a rassuré les paysans des dispositions devant alléger les problèmes d’enlèvement. Il espère que des efforts seront faits pour augmenter significativement la capacité des égreneuses au sein des usines. Au demeurant, la construction d’une autre usine avec l’appui de l’Etat afin de répondre au besoin des producteurs.
Wanlé Gérard COULIBALY
gerard_coul@yahoo.fr