Débutée le 25 mai dernier, l’opération billetage initiée par les autorités de la Transition se poursuit sur toute l’étendue du territoire national. Pilotée par la Direction générale du Budget, cette opération a pour objectif de contrôler les présences aux postes de travail et de vérifier la régularité et l’exactitude des éléments de rémunération des agents publics. Pour mieux comprendre le déroulement et les enjeux de cette opération, nous avons rencontré le directeur de la Solde. M. Michel Paré, pour plus d’éclairages sur la question.
Qu’est-ce qu’une opération billetage ?
Le billetage est un terme comptable qui se définit comme l’action de donner les détails d’un montant donné suivant le nombre de coupures en termes de valeur de monnaie.
En matière de gestion de salaire, le billetage se définit comme le paiement de salaire en espèces ou en numéraire entre les mains du salarié.
Autrement dit, une opération billetage peut se définir comme une action d’envergure entreprise par un employeur et consistant à soumettre tous ses employés au paiement en numéraires de leurs salaires par l’entremise d’un payeur (qui peut être qualifié de billeteur).
A priori, une opération billetage requiert que chaque agent se présente physiquement devant le guichet de paie pour recevoir en mains propres le salaire mensuel qui lui revient.
Qu’est-ce qui a motivé l’organisation d’une telle opération cette année ?
En matière de gestion de FINANCES publiques, et pour ce qui concerne plus particulièrement la gestion de la masse salariale, les opérations billetage sont des opérations de contrôle des présences aux postes de travail et de vérification de la régularité et de l’exactitude des éléments de rémunération. En tant que mesure de contrôle, l’opération billetage se justifie par la nécessité d’effectuer périodiquement « une sorte d’inventaire » se rapportant aux effectifs et aux éléments de rémunération payés aux fins d’assainir le fichier de paie et d’avoir une meilleure maîtrise des charges salariales du personnel de l’Etat.
De par le passé, l’Etat a eu à organiser d’autres opérations de ce type, qu’est-ce qui fait la différence avec la présente opération?
En termes d’objectifs poursuivis, toutes les opérations billetage poursuivent le même objectif global, celui de contrôler les présences et de vérifier les éléments de solde aux fins d’assainir le fichier de paie.
Cependant, il importe de faire remarquer que la dernière opération billetage qui a concerné l’ensemble du personnel de l’Etat est celle de mai 1998. Par la suite, les opérations billetage organisées en novembre 2006 et en mai 2008 étaient des opérations ciblées en ce sens qu’elles n’ont pas concerné tous les agents publics de l’Etat à la fois. L’opération billetage de 2006 a concerné exclusivement les agents du ministère de la Santé, du MENA et du MESS, qui représentaient environ 80% des effectifs, alors que le champ d’application de celle de 2008 portait sur les agents des ministères autres que la Santé, le MENA et le MESS. L’importance des mesures sociales prises sur la période 2009-2014 par le gouvernement consécutivement à la crise de 2008 (flambée des prix, vie chère, remous sociaux…) et visant à revaloriser le pouvoir d’achat des travailleurs salariés de l’Etat, a engendré un relèvement considérable du niveau de la masse salariale qui a enregistré à fin décembre 2014 un taux d’accroissement (base fin 2007) de plus 133%. Si au plan social, ces mesures se sont révélées hautement salutaires et indispensables, il faut cependant souligner que leurs FINANCEMENTS ont quelque peu perturbé la maîtrise de nos indicateurs communautaires en matière de dépenses salariales où le ratio « masse salariale/recettes fiscales » qui devrait être de 35% au plus, semble s’être stabilisé à 46% sur la période 2007-2014. L’urgence relative à la restauration de la juste proportion de ce ratio et la nécessité de consolider la confiance entre le gouvernement et ses partenaires ont requis la prise d’une mesure générale d’assainissement des dépenses salariales de l’ensemble des ministères et institutions pour établir la réalité des données se rapportant à la masse salariale.
Concrètement, comment va se dérouler l’opération surtout pour les agents publics en poste dans les confins les plus reculés du pays ?
L’opération va se dérouler dans les mêmes conditions pour l’ensemble des agents publics de l’Etat, qu’ils soient en poste au niveau de l’administration centrale ou au niveau de la région du Centre, ou qu’ils soient en poste dans les autres régions du pays. La paie commence dès le 25 mai et se poursuivra jusqu’au 17 juin 2015. La paie va s’effectuer principalement dans les chefs-lieux des 45 provinces du pays par l’entremise de 114 comités de contrôle et de paie (CCP), dont 50 à Ouagadougou, 10 à Bobo, 2 dans les 11 autres chefs-lieux de région et 1 dans les trente-deux (32) autres chefs-lieux de province. La répartition du nombre de comités de contrôle et de paie par province est fonction de la densité des effectifs des agents publics de l’Etat par localité. A Ouagadougou comme dans les autres chefs-lieux de province, les affiches ont été faites au niveau des édifices administratifs pour orienter et renseigner les agents sur l’emplacement de leur site de paie. Et au niveau des sites de paie, les différents CCP ont dressé un programme de passage des agents pour la paie de sorte à ce que tout le monde ne se présente pas le même jour pour se faire payer, et éviter ainsi les débordements ou les engorgements des sites de paie qui peuvent compromettre gravement l’ordre public. Avant d’être payé, chaque agent doit se présenter physiquement devant le CCP qui le paie, avec les pièces justificatives suivantes :
1. la pièce d’identité en cours de validité (Carte nationale d’identité burkinabè ou passeport) ;
2. la fiche individuelle dûment remplie, signée par le titulaire et contresignée par son supérieur hiérarchique immédiat. Cette fiche doit être obligatoirement remise au comité de contrôle et de paie par l’agent avant la perception du salaire ;
3. les extraits d’acte de naissance des enfants pour lesquels l’agent perçoit des allocations familiales ;
4. un certificat administratif conforme au nouveau modèle ;
5. la fiche d’autorisation spéciale de paie, éventuellement. La fiche d’autorisation spéciale de paie est requise pour les agents dont la région d’affectation est différente de celle indiquée dans le fichier de paie. Dans ce cas, la fiche est signée par le supérieur hiérarchique immédiat. La fiche d’autorisation spéciale est requise également pour les agents absents pour raison de maladie ou de stage ou de mission à l’extérieur du pays, et qui ont désigné des mandataires pour qui ils ont établi des procurations et à qui ils ont remis les pièces justifiant la régularité de leur position. Dans ce deuxième cas, la fiche est également signée par le supérieur hiérarchique immédiat. La fiche d’autorisation spéciale de paie est enfin requise pour les agents en position de stage à l’intérieur du pays. Dans ce dernier cas, la fiche est signée par le directeur de l’établissement de formation professionnelle.
Combien coûte à l’Etat, l’organisation d’une telle opération ?
Pour une gestion efficace et efficiente de l’opération billetage, il a été mis en place par arrêté n°2015-055/MEF/SG/DGB/DS du 20 mars 2015 des comités de travail répartis en comités de coordination, de pilotage et de supervision d’une part et d’autre part en comités opérationnels chargés notamment du contrôle et de la paie, mais aussi et surtout de la centralisation et de la mise à jour des situations salariales sur la base des informations recueillies.
Et conformément aux dispositions de l’article 41 dudit arrêté, le mandat des membres des comités est gratuit. Toutefois, il sera servi une prise en charge pour la restauration desdits membres pendant la durée de leur mandat.
C’est donc dire que le coût de l’organisation de cette opération, c’est le coût de fonctionnement des différents comités de travail mis en place à cet effet.
Que va-t-il se passer pour les agents qui n’auraient pas pu venir toucher leurs salaires dans le délai imparti ?
A la fin de la période de paie, les billeteurs des différents CCP ont l’obligation de procéder au reversement des salaires non payés au Trésor public. Et des dispositions sont prises au niveau de la direction de la Solde pour l’arrêt immédiat des salaires reversés.
Cependant, les agents en situation régulière qui, pour une raison ou pour une autre, n’auraient pas pu se déplacer pour se faire payer dans les délais impartis, ont la possibilité d’adresser à la direction de la Solde une requête relative au paiement du salaire reversé et éventuellement pour le rétablissement du salaire mensuel courant. Les documents exigés de chaque agent lors du billetage devront être joints à cette requête pour permettre au comité de suivi des requêtes de disposer de tous les éléments d’appréciation du dossier et de diligenter la suite à donner.
Qu’attendez-vous comme résultats de cette opération et que va-t-on en faire ?
A l’issue des travaux des différents comités et notamment des comités de centralisation et de mise à jour, le gouvernement devrait disposer d’un rapport général attestant de l’assainissement du fichier de paie par :
- le contrôle effectif des agents présents à leur poste de travail ;
- l’arrêt des salaires des agents en situation irrégulière ;
- la correction des irrégularités portant aussi bien sur le principal que sur les accessoires de salaires des agents exerçant ;
- l’émission des ordres de recette pour paiements indus ;
- la fiabilisation de la base de données SIGASPE pour un meilleur cadrage des dépenses de salaires ;
En conclusion, l’opération devrait permettre à l’Etat de disposer de la réalité des données sur la masse salariale de son personnel.
DCPM/MEF