Abidjan - Le ministre nigérian de l’Agriculture, Akinwumi Adesina, a été élu jeudi président de la stratégique Banque africaine de développement (BAD), institution cinquantenaire qui injecte chaque année deux milliards de dollars dans des projets sur le continent.
"Je suis très ému aujourd’hui. Vous m’avez donné une grande responsabilité", a lancé M. Adesina, 55 ans, s’exprimant en français à la tribune devant les gouverneurs qui l’ont élu à Abidjan, siège de la BAD.
Après six tours de scrutin, le candidat nigérian a devancé, avec 58,10% des voix, le Tchadien Bedoumra Kordje, deuxième avec 31,62% des voix et qui était soutenu par la Communauté économique et monétaire de l’Afrique centrale (Cemac).
La ministre cap-verdienne des Finances, Cristina Duarte, qui aurait pu être la première femme et la première lusophone à hériter de la présidence de la BAD, est arrivée troisième avec 10,27%.
Costume noir et noeud papillon bleu, le nouveau patron de la banque, qui prendra ses fonctions le 1er septembre prochain, a rendu hommage à son prédécesseur, le Rwandais Donald Kaberuka, qui quitte la tête de la BAD après deux mandats de cinq ans.
"Je serai un président responsable et humble pour que nous marchions tous ensemble afin de poursuivre l’excellent travail de Donald Kaberuka", a-t-il lancé.
Le président sortant de la banque a adressé ses "félicitations chaleureuses" à l’heureux élu, prédisant qu’il ferait un "excellent boulot".
Pour le gouverneur français Arnaud Buisse, M. Adesina "fera un excellent président qui continuera à renforcer cette banque de niveau mondial".
La France voulait un nouveau président "plus soucieux des intérêts" de l’Afrique francophone, avait cependant indiqué avant le vote son ministère des Finances.
L’élection du candidat du Nigeria, première puissance économique du continent, brise une règle non écrite qui voulait que la BAD - dont les assemblées annuelles s’étaient ouvertes mardi dans la capitale économique ivoirienne - soit dirigée par des pays de petite ou moyenne taille.
"Il n’aurait jamais pu être élu avec un tel score sans le soutien de petits pays", a affirmé à l’AFP le gouverneur britannique de la BAD, Grant Shapps.
"C’est un homme extérieur à la banque, c’est un nouveau. Il arrive avec une nouvelle vision", a réagi Mariam Diarra, ex-ministre malienne des Communications et 27 ans de carrière à la BAD
Elu personnalité africaine de l’année en 2013 par le magazine Forbes pour ses réformes dans le secteur agricole, M. Adesina, 55 ans, représente de son côté un pays considéré comme la nouvelle locomotive économique du continent africain. Le Nigeria est le premier producteur de pétrole et le pays le plus peuplé du continent.
- Une institution notée AAA -
Le Malien Birama Boubacar Sidibé, le Tunisien Jalloul Ayed, le Zimbabwéen Thomas Zondo Sakala, le Sierra-Léonais Samura Kamara et l’Éthiopien Ato Sufian Ahmed avaient été éliminés auparavant.
Mercredi, chacun des huit candidats avait passé un dernier grand oral pour tenter de convaincre les gouverneurs des 80 Etats actionnaires de la Banque (54 pays africains, 26 pays non-africains).
Le nouveau chef de la BAD hérite d’une institution financièrement solide, auréolée de la prestigieuse note AAA décernée par l’agence de notation financière américaine Fitch en 2013.
Après dix ans à la tête de la banque, Donald Kaberuka part fier de son bilan. Sous son impulsion, la banque a triplé son capital depuis 2003 pour le porter à 91 milliards d’euros.
"Aujourd’hui, la banque est devenue un acteur majeur dans le secteur privé financier africain", s’est réjoui mardi le président sortant, rappelant que sous son mandat, la BAD avait "multiplié par 10" ses opérations de financement, de 200 millions de dollars à 2 milliards aujourd’hui.
M. Kaberuka restera également comme le grand artisan du retour de la BAD à son siège d’Abidjan, après onze années de relocalisation à Tunis.
Après le coup d’Etat manqué de 2002 en Côte d’Ivoire et la décennie de
crise politico-militaire qui a suivi, l’institution avait été délocalisée à Tunis en 2003. Elle n’est revenue que l’an dernier dans la capitale économique ivoirienne.
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