Après avoir fait le constat dramatique de la migration clandestine dans la Méditerranée, Le Tocsin, association membre de la société civile burkinabè lance, à travers cette déclaration, un appel à l’action urgente pour endiguer le phénomène qui prend des proportions jamais égalées en la matière.
«Depuis au moins une décennie, on sait que la météo en Europe ne concerne plus uniquement les Européens. Les clandestins ou migrants irréguliers, les passeurs sont à l’affût pour reprendre leurs activités d’organiser et de faire vivre les réseaux de migrations clandestines. Pour cela Ils attendent le printemps et l’été. Depuis le mois de mars 2015, les médias fournissent régulièrement des informations sur les drames des migrants clandestins dans la Méditerranée.
En deux mois, quelques milliers ont pu atteindre l’Italie mais plus d’un millier ont déjà péri dans la mer. Pour ces derniers la Méditerranée est une mer dévoreuse, une mer de voyage sans retour. Hier les pays de transit étaient l’Algérie, le Maroc et la Tunisie. Aujourd’hui, c’est la Libye qui est devenue le principal point de transit de ces migrants. On le sait, ils proviennent des pays du Maghreb, de l’Afrique de l’Est, de l’Afrique de l’Ouest, de l’Afrique Centrale. Chacun d’eux rêve de faire fortune en Europe ou au moins espère vivre plus dignement que dans son pays d’origine.
Les conseils de prudence ne sont pas écoutés, les informations sur les risques du parcours ne les dissuadent guère. Si la migration irrégulière se développe c’est sans doute parce que la migration régulière n’est pas évidente. Les frontières se ferment. La crise est profonde en Europe. Les partis d’extrême droite xénophobes battent des records d’adhésions de militants. Le dispositif européen de surveillance des frontières (FRONTEX) semble prendre l’eau des migrants déterminés.
Ce pied de nez à l’Europe est incontestablement lié à la déstabilisation de la Libye par l’Europe elle-même sur les conseils non avisés et abusés de Bernard-Henri Levy (écrivain). Ce pays accueillait quelques millions de migrants bien insérés dans le tissu économique et social. Les Africains y étaient nombreux. Ils contribuaient à son développement.
Ils transféraient des fonds à leurs familles et investissaient dans leur pays d’origine. La Libye est maintenant devenue un pays sans Etat. Les milices y règnent en maîtres. L’économie s’est effondrée. La responsabilité européenne est donc engagée. Elle a bombardé la Lybie alors que l’Union africaine s’était saisie du dossier. L’Europe paye en retour son aventure hasardeuse en Libye, d’autant plus que le service après bombardements n’a pas été assuré.
A défaut de l’Union africaine ou des Etats, ce sont ces migrants clandestins qui lui font payer la note de la destruction de la Libye. Les barrières, les murs ne pourront parvenir à endiguer le flux. Mais l’univers de la migration clandestine est sans pitié ; il est animé par des cupides, des hors-la-loi. Le parcours est périlleux. La vie des migrants n’a aucune valeur, l’essentiel est que les passeurs s’en mettent pleines les poches.
Combien de corps sont asséchés dans le désert saharien ? Combien croupissent dans les prisons au Maghreb? Combien de corps sont dévorés par les poissons voraces de la Méditerranée ? Combien de corps sont recueillis sur les plages méditerranéennes ? Parfois les familles attendent les nouvelles de leurs fils et espèrent recevoir leur appel, en vain. Plus le temps passe, plus elles admettent l’hypothèse qu’ils sont morts quelque part, mais où ? Elles se disent : Si au moins on avait accès à leur corps pour les inhumer dignement.
Face à cette tragédie, LE TOCSIN :
*considérant les préoccupations légitimes des Etats membres de la CEDEAO, à travers l’adoption de la politique commune sur la migration depuis janvier 2010, notamment en matière d’aménagement de l’espace régional en vue de mieux répondre aux besoins d’emploi et de production des populations, de constituer par ceci à une réorientation interne des flux de l’émigration extérieure au continent ;
*considérant les dispositions de l’acte fondateur du processus de Rabat entre les Etats africains et les pays de l’Union Européenne, en vue d’une gestion concertée des émigrations africaines, au double bénéfice bien compris des pays africains et européens ;
* considérant enfin les objectifs des politiques et des stratégies nationales de migration ou leurs textes en cours d’adoption ;
-interpelle les gouvernements africains sur leurs responsabilités d’assurer une vie décente aux populations. Les images insoutenables des cadavres d’Africains dans les eaux ou sur les bords de la Méditerranée les interpellent et les déshonorent ;
-invite instamment les Etats africains à mettre en œuvre les politiques et les stratégies nationales et régionales de migration, pour accorder à leurs populations la possibilité de trouver des emplois et des revenus pour une vie digne et à leur éviter les aventures du genre «partir ou mourir»;
– appelle les pays de l’Union Européenne et les pays africains, à faire en sorte que les séries d’accords bilatéraux signés entre des pays de l’Union Européenne et les ‘’pays tiers’’, ne se soucient pas seulement de sécurité policière, mais engagent résolument les actes de coopération réelle et bénéfique aux parties en présence, pour un développement partagé, équitable et durable;
-Engage l’Europe à réparer les torts commis à la Libye, donc à l’Afrique;
-Appelle la communauté internationale à aider le peuple libyen à asseoir une nation forte et unie, et des institutions stables;
-Appelle les organisations de la société civile africaine à monter des réseaux d’échanges, d’information et de sensibilisation sur le sujet;
-Conseille aux candidats à la migration d’éviter « l’irrégularité » ou « la clandestinité », et de bien s’approprier les actions d’information, de sensibilisation et de dissuasion que les Etats et les organismes partenaires au développement leur proposeront.»
Tous pour le combat de la solidarité et de l’intégration.
LE TOCSIN