Depuis hier mardi 12 mars 2013, des milliers de catholiques, à la place Saint-Pierre de Rome et des centaines de millions d’autres dans le monde, ont les yeux rivés sur la cheminée de la Chapelle Sixtine d’où va s’élever dans les heures ou jours à venir la fameuse fumée blanche, annonciatrice de la désignation d’un nouveau pape.
Après quelques jours de pré-conclave pour accorder leurs violons sur le portrait-robot du prochain souverain pontife, les 115 cardinaux, ceux de moins de 80 ans, sont entrés dans le vif du sujet. Ils doivent en effet trouver un successeur à Benoît XVI qui a abdiqué le 28 février dernier.
On ne sait pas quand est-ce que le Saint-Esprit va souffler dans le calice qui fait ici office d’urne. Mais on ne doute pas que les évêques vont devoir s’y prendre à plus d’un tour avant de sortir le prochain titulaire de leurs mitres.
Dans cette course au trône de saint Pierre, s’il y a des favoris qui passionnent les bookmakers de ce loto papal, ce sont, entre autres, l’archevêque de Milan, Angelo Scola, l’ancien archevêque de Quebec, Marc Ouellet, l’archevêque de Sao Paolo, Odilo Shrerer, le Philippin, Louis Antonio Tagle ou l’Autrichien, Christoph Schönborn. Mais il n’est pas exclu qu’un outsider, voir un «tocard», viennent coiffer au poteau tous ces prétendants sérieux aux insignes pontificaux, en obtenant les 2/3 des voix nécessaires.
Quid des papabilis couleur ébène comme, le Guinéen, Robert Sarah, et le Ghanéen, Peter Kodwo Apiah Turkson ? L’aspiration des Africains, en particulier, et de l’ensemble des catholiques des pays du Sud, en général de voir un des leurs à la tête de la Curie romaine est certes légitime et pourquoi pas plausible. Mais le temps d’un pape noir est-il vraiment arrivé, même si peu avant sa succession à Jean Paul II, Joseph Ratzinger y croyait dur comme fer ? Ainsi que nous l’écrivions dans une de nos précédentes éditions, «Après Benoît XVI : peu importe la couleur de la peau de son successeur», foin du pédigree et de l’origine géographique du 266e souverain pontife.
Dans ce qui relève du pouvoir spirituel, il y a en fait une sorte de démocratie vaticane au suffrage ecclésiastique avec son mode opératoire tout aussi protocolaire que marathonien : deux votes le matin et deux autres l’après-midi, jusqu’à émergence de l’élu des Ides de Mars.
On comprend donc pourquoi les fidèles catholiques mettront un peu plus de temps avant d’entendre le «Habemus papam» (1) que prononcera le cardinal protodiacre depuis le balcon central de la basilique Saint-Pierre.
Dans cette communauté catholique confrontée et déboussolée par les grandes mutations, il faut un pape capable d’affronter les grands défis de l’heure.
Face à la crise de la vocation, au débat sur le célibat des prêtres, aux questions sociétales, comme la moralité sexuelle, l’avortement, l’euthanasie et la bioéthique, sans oublier la pédophilie de certains prélats, les scandales vaticans et l’indispensable nettoyage des Ecuries de Pierre, le futur titulaire de la charge pontificale doit, sans attendre, prendre le mors aux dents. C’est-à-dire montrer beaucoup d’ardeur. Avec la patience du pédagogue, le tact du communicant et la rigidité du puritain.
Autant dire postuler à un appel à candidatures pour un véritable exercice de funambule. On comprend donc aussi pourquoi le nouveau Saint Père, sitôt élu doit se réfugier dans le bien-nommée «salle des larmes» attenante au «bureau de vote» pour méditer sur le poids de la fonction, subir sa mue de simple cardinal à pape et demander l’assistance de la Providence pour conduire son troupeau convenablement.