Des policiers radiés en 2011 suite aux mutineries sans précédent qui ont secoué le pays sortent de leur mutisme. Au nombre de 136, ces policiers ont non seulement fait leur mea-culpa, mais aussi émis le souhait d’enfiler de nouveau la tenue policière. Ils l’ont exprimé à travers une conférence de presse qu’ils ont animée dans la matinée du 18 mai 2015 à Ouagadougou.
Quatre ans après leur radiation, ils croient toujours à leur réintégration dans les rangs des forces armées nationales. Eux, ce sont les 136 policiers qui ont été révoqués suite aux mutineries sans précédent marquées par des scènes de pillages qui ont secoué le pays en 2011. Depuis leur radiation des effectifs des forces armées nationales, ils sont loin de mener une vie de pacha, car bon nombre d’entre eux sont devenus, entre autres, des vigiles, des maçons et des commerçants. Certains n’arrivent pas à honorer leur loyer encore moins les frais d’ordonnance ou de scolarité de leurs enfants. Pire, d’autres ont les banques à leurs trousses pour y avoir contracté des prêts. Avec le nouveau vent de changement qui a soufflé sur le Burkina, ces ex-policiers, réunis en grand nombre au Centre national de presse Norbert Zongo, demandent aux autorités de la transition de se pencher diligemment sur leur cas et ce, après avoir fait leur mea-culpa. « Nous demandons à la population de nous pardonner, à la Commission de réconciliation nationale et des réformes de nous pardonner, aux membres du gouvernement de la transition, aux différentes organisations de la société civile, aux différents partis politiques, aux autorités de la transition particulièrement au Premier ministre et au président du Faso de nous pardonner et nous réintégrer dans nos fonctions », ainsi s’exprimait le porte-parole de ces ex-policiers, Mahamadi Tidiga, ancien policier, précédemment en service au Commissariat central de police de Ouagadougou. Pour ces ex-policiers dont la plupart sont des assistants, leur radiation résulte d’une sanction arbitraire et de dénonciations non fondées. « En 2011, tous les corps ont manifesté. Mais seuls les militaires et les policiers ont été radiés. Ce sont des sanctions taillées sur mesure, car la plupart d’entre nous sommes des enfants de Noraogo et Bikienga (NDLR : enfants de pauvres)», a expliqué Boureima Konaté, ex-policier du camp de la Compagnie républicaine de la sécurité-Ouaga (CRS-Ouaga). Puis, Mahamadi Tidiga d’ajouter que c’est la compagnie de repos qui a été le plus visée. « La majorité était des assistants-stagiaires. Il y en a qui n’avaient pas une année de service », a-t-il soutenu. Toute chose qui se justifie, du point de vue de Arnaud Francis Kinané pour qui, dans les rangs du corps de la police, les assistants sont les premiers qui subissent d’énormes difficultés. « La police nationale burkinabè est la seule dans la sous-région qui n’a pas droit à manifester. La liberté d’expression est ternie. On nous étouffe, on nous empêche de nous exprimer. Pourtant, parmi nous figurent des titulaires de licence, de maîtrise et de doctorat qui connaissent leur droits et leurs devoirs », a-t-il constaté.
Après le calvaire, l’espoir
Pour ces policiers radiés, si l’opinion commune pense que les mutineries ont occasionné beaucoup de pertes matérielles, elle doit aussi retenir que ce sont ces mutineries qui ont permis à leurs collègues qui sont en service de bénéficier d’une augmentation de salaire et de l’allocation de certaines indemnités, d’où le réaménagement du statut du corps de la police. A leur avis, les points de revendications des mutins étaient, entre autres, d’ordre pécuniaire, le manque de dialogue entre subalternes et hiérarchie, les usages de faux en écriture et en signature par certaines hiérarchies, les menaces et intimidations et les détournements de frais de missions par leur hiérarchie. Parlant de l’état d’avancement de leurs préoccupations, ces ex-policiers ont dit avoir entamé des pourparlers avec les autorités de la transition. « Nous avons touché la primature le 8 décembre dernier et le ministère de l’Administration territoriale, de la défense et de la sécurité (MATDS) le 8 janvier dernier. A l’état actuel, nous ne savons pas ce qui est en train d’être fait pour nous », a laissé entendre M. Tidiga, avant de faire savoir que lui et les siens ont, par ailleurs, rencontré toutes les autorités religieuses et coutumières afin qu’elles plaident auprès des autorités politiques pour leur réhabilitation dans la police. Malgré le statu quo, ils disent être optimistes. « Nous nous réjouissons du départ du régime Compaoré car cela fait 3 ans que nous sommes en train de négocier notre réintégration dans la police. Nous espérons que les autorités donneront une suite favorable à notre requête», foi de l’ancien policier, précédemment en service au Commissariat central de police de Ouagadougou, Mahamadi Tidiga.
Mamouda TANKOANO