L'on a vite fait de croire que le combat qui oppose le président burundais à son peuple avait connu son dénouement final à l'annonce du coup d'Etat! Mais bien que le pasteur président ait reçu le coup en plein visage, il a, après avoir titubé et manqué de peu de s'effondrer sur le ring, repris ses esprits. Il a fini par remporter ce premier round d'un combat qui s'annonce palpitant.
Le président burundais, Pierre Nkurunziza, a été remis en selle ! Le chef de l’Etat dont le mandat court jusqu’en août 2015 l’a vraiment échappé bel. Qui l’eut cru ? Le coup d’Etat, mené, le mercredi 13 mai 2015 par des hauts gradés de l’armée dont le général-major Godefroid Niyombare et des commissaires de police, a été un échec. Que fera finalement le président Nkurunziza ? Va-t-il renoncer à son projet de briguer un troisième mandat ou foulera-t-il au pied les dispositions de l’article 96 de la Constitution de son pays ? «Le président de la République est élu au suffrage universel direct pour un mandat de 5 ans renouvelable une fois», telle est la disposition constitutionnelle. Il sait avoir été élu en 2005 puis en 2010. Et selon ses détracteurs, ce troisième mandat n’est ni conforme à la Constitution burundaise ni aux accords d’Arusha qui ne permettent que deux mandats présidentiels. Pour leur part, les partisans de Pierre Nkurunziza estiment que le premier mandat pendant lequel il a été élu par suffrage parlementaire et non universel, ne peut être pris en compte.
En tous les cas, le chef de l’Etat burundais a aujourd’hui deux choix. Le premier c’est de terminer ses chantiers d’ici à août 2015 et se retirer en tant que démocrate pour permettre à d’autres Burundais d’imprimer leur marque dans la gestion des affaires. L’expérience vécue ailleurs (Niger et Burkina Faso) montre que les projets de modification constitutionnelle ou l’entêtement à rester au pouvoir constituent un exercice périlleux.
La deuxième option pour Pierre Nkurunziza c’est de foncer tête baissée dans le mur en briguant un troisième mandat de 5 ans pour se maintenir au pouvoir. Certes, le coup d’Etat des généraux a échoué mais le président burundais aura à faire face à des manifestations populaires. Des hommes et des femmes qui aspirent à plus de liberté et de démocratie s’érigeront contre la boulimie du pouvoir.
Nkurunziza peut être sûr d’une chose, son troisième mandat (s'il parvenait malgré tout à se faire élire) sera des plus difficiles à conduire. Il aura, en effet, à affronter, d’une part, ses concitoyens et, d’autre part, la communauté internationale et les partenaires financiers de son pays qui s’opposent aux tripatouillages constitutionnels. Les temps sont révolus et il vaut mieux avoir son peuple et ses amis avec soi que contre soi.
Si le président burundais réussit son projet de rester à la tête de son pays malgré les textes qui le lui interdisent, il convaincra d’autres voisins des Grands lacs notamment la République démocratique du Congo de Joseph Kabila que l’alternance n’est qu’un vain mot.
Les Etats-Unis ont clairement affiché leur position sur le projet Nkurunziza. Le département d'Etat américain estime qu’un troisième mandat du président Pierre Nkurunziza "attiserait" l'instabilité politique au Burundi.
Mais en attendant, où est passé le général putschiste ? A-t-il été "fait” par ses pisteurs ou s’est-il réfugié dans une ambassade ou encore dans un pays voisin ? Va-t-il accepter qu’il a perdu aussi bien la bataille que la guerre contre son ancien chef ? Autant d’interrogations qui restent, pour l’instant, sans réponses. Et en tant qu’ex-compagnon d'arme de Pierre Nkurunziza au sein de la guérilla hutu, aujourd'hui au pouvoir, s’il s’échappe, il n’est pas exclu qu’il reprenne le maquis pour une nouvelle tentative de conquête du pouvoir burundais. Autant de questions sans réponses pour l'instant. Pendant ce temps, les opposants à un troisième mandat de l'homme fort du Burundi se font entendre. La répression féroce se poursuit. Chaque jour avec son lot de blessés et de morts.
Par Rabankhi Abou-Bâkr ZIDA
rabankhi@yahoo.fr