Les habitants des trente-trois (33) villages de la commune de Sabcé se sont réunis dans cette localité le 3 mai 20015. Objectif : obtenir des autorités locales, le retour du préfet expulsé de la commune par une fraction de la population qui estime n’être pas suffisamment écoutée par ce dernier. Sortie massivement pour marquer son soutien au préfet, cette population a fermement condamné l’acte qu’elle qualifie d’incivique et de désordre perpétré par une minorité des habitants de la commune (03 villages sur 33), selon ses estimations. Elle dit attendre du Haut-commissaire de la province le retour sans délai de ce commis de l’Etat à Sabcé. C’était en présence des notabilités coutumières et religieuses des villages qui composent ce département.
Les démons de la discorde et de la délation se sont emparés de la commune rurale de Sabcé. Le rififi du 17 avril ayant conduit à l’expulsion du préfet par une fraction de la population en est la parfaite illustration. Pour exprimer le souhait de la majorité de la population, les habitants des différents villages se sont déplacés en masse au chef-lieu de la commune pour réclamer le retour du préfet et l’instauration de l’autorité de l’Etat à Sabcé.
Près d’une trentaine de chefs de villages qui étaient au rendez-vous de ce jour 3 mai 2015 se sont, d’une part, insurgés contre cet acte d’« incivisme » et, d’autre part, ont vivement condamné cette campagne que les « bonnets rouges » de cette localité ont qualifié de « diabolisation, de désinformation, de délation, de calomnie et de diffamation orchestrées et entretenues par quelques apprentis politiciens en perte de vitesse qui écument la presse sous la couverture fallacieuse d’un mouvement de la société civile ». Ce rassemblement qui a réuni exclusivement les filles et fils de cette commune avec, à sa tête, les notabilités coutumières et religieuses réclame le rétablissement de la vérité et le retour immédiat et sans condition du préfet à la tête de la délégation spéciale. Selon le Naaba Wobgo, Dima de Risiam, le préfet est venu à Sabcé par un décret ministériel et s’il devait repartir, c’est avec un autre décret et non par le « mensonge d’une fraction minoritaire de la population ».
La population qui réclame le retour du commis de l’Etat estime que des manifestants issus de trois villages ne peuvent imposer leur décision aux trente autres. C’est d’ailleurs ce que soutient le Kassiri Naaba : « je ne trouve pas normal que moins de deux cents habitants dictent leur loi à une majorité estimée à plusieurs milliers ». En effet, Sabcé compte 23 668 habitants dont 11 381 hommes et 12 287 femmes, selon le Recensement de la population et l’habitation du 9 au 23 décembre 2006.
La population dénonce également l’attitude qu’elle trouve « partisane et mensongère de la prétendue association dite des ressortissants de la commune qui n’est en fait qu’un déguisement de politiciens en mal d’estime par les habitants ». Ainsi, le chef coutumier du village de Zomkalga renchérit : « cette association n’est visible à Sabcé que pour nuire et diviser. Elle ne fait rien pour la commune et n’est jamais sur le terrain de la construction. On n’est pas dupe, on sait bien que c’est un regroupement de quelques individus à la solde des hommes politiques aux ambitions démesurées. Une association doit pourtant restée apolitique et au service du développement ».
Les intervenants de l’AG disent comprendre le geste du Haut-commissaire, Claudine Flore Dangouri qui, certainement, a voulu assurer la protection de son agent, mais regrettent l’empressement avec lequel elle a embarqué le préfet le jour du mouvement. Pour Boniface Sawadogo, c’est du chantage car, a-t-il dit, « rien ne pouvait arriver au préfet ». Madame le Haut Commissaire que nous avons contactée estime qu’au regard des propos que les mécontents professaient, il était de bon ton qu’elle songe à la sécurité de son collaborateur. Elle déclare : « après avoir fait les valises du préfet, ils m’ont vertement dit que si je ne l’amenais pas avec moi, tout ce qui lui arriverait, je l’aurais cherché »
Lorsque nous avons approché les frondeurs pour en savoir ce qu’ils reprochaient au préfet, ils ont estimé que le préfet Joseph SAWADOGO mène au sein de la commune une gouvernance partisane et sectaire. Ainsi, El hadj Idrissa Ouermi, doyen des manifestants affirme : « j’ai, en tant que personne ressource dans la province, proposé trois personnes pour être membres de la délégation spéciale communale de Sabcé. A ma grande surprise, leurs noms ont été rayés de la liste. Le préfet est manipulé par des personnes influentes de la commune. Il est d’accointance avec l’ancien Maire pour toutes les décisions qu’il prend ».
Ces réquisitoires de Ouermi irritent véritablement la population, tant chacun des intervenants tenait à témoigner sa satisfaction de la gestion de la commune de l’ex-maire, Pierre Célestin Mahamoudou Zoungrana
Ainsi, le porte-parole des jeunes, Christophe Sawadogo, soutient : « sans la contribution du Maire Zoungrana, Sabcé n’allait rien être aujourd’hui. Je me souviens qu’il a suspendu le chantier de construction de son hôtel à Kongoussi pour financer la construction du premier CEG de Sabcé. De même, c’est grâce à sa contribution substantielle que ce CEG est aujourd’hui un lycée. La vérité est si éclatante que je défie quiconque d’apporter le démenti ». Puis d’ajouter : « qui a financé la construction du logement du premier préfet de Sabcé si ce n’est le Maire ? A l’époque, il n’était, ni conseiller municipal ni maire ». Moumouni Yelbéogo, président de la communauté musulmane, loue le bilan du Maire et reconnaît : « par son soutien, nous avons réalisé des mosquées et mieux, neuf de nos fidèles ont découvert la Mecque parmi lesquels El Hadj Ouermi Idrissa en personne ».
Après nous avoir fait l’historique du projet de construction du CMA dont le blocage a été imputé à l’ex-maire, André SAWADOGO s’insurge : « je ne comprends pas pourquoi quelqu’un qui construit des écoles, des dispensaires, des forages, trace des routes sous forme de mécénat serait contre un projet d’utilité publique ». Parlant du lotissement, il soutient : « je défie quiconque de trouver le nom d’un seul fils du Maire, celui de son épouse ou de lui-même sur un seul procès-verbal d’attribution de parcelles. Tous ceux qui veulent salir le nom du maire ne craignent pas Dieu ».
A en croire plusieurs témoignages sur les lieux de ce rassemblement, notamment ceux des conseillers municipaux, l’ex-maire a injecté, sur fonds propres, une dizaine de millions dans les caisses de la commune pour pouvoir démarrer ses travaux au premier mandat, les caisses de la commune étant à l’époque vides. Germain Sawadogo, ressortissant du village de Foulou explique à ce propos : « j’étais là quand il prenait les rênes de la mairie et je peux témoigner sur combien de francs il a trouvés dans la caisse, mais aujourd’hui il laisse derrière lui une somme de plus de trois cents millions »
Joint au téléphone, l’ex-maire, Pierre Célestin Zoungrana, avec un calme qu’on lui reconnaît, a été moins bavard à ce sujet. Il dit seulement n’avoir plus remis les pieds à la mairie depuis la dissolution du conseil municipal et n’avoir jamais eu de contact avec le préfet. A propos des œuvres de bienfaisances que la population lui attribue, il explique pourquoi il ne voudrait pas en parler : « je suis croyant et dans ma religion, il est dit que si ta main droite donne quelque chose à quelqu’un, ta main gauche ne devrait pas le savoir, si tu veux recevoir ta récompense au ciel».
Aminata Kourita