L’ancien parti au pouvoir au Burkina Faso, le Congrès pour la démocratie et le progrès (CDP) du président déchu Blaise Compaoré est, depuis la tenue de son congrès, à la reconquête d’un pouvoir vieux de 27 années qu’il a perdu suite au soulèvement populaire de fin octobre 2014.
Alors que le débat politique au pays tourne autour de la promulgation d’un nouveau code électoral qui rend "inéligibles" les partisans de Blaise Compaoré, ces derniers ont porté à la présidence du parti le 10 mai dernier, un expert-comptable, Eddie Constance Hyacinthe W. Komboïgo, pour se donner un nouveau souffle.
Le CDP qui a régné durant plusieurs années au Burkina Faso avec comme leader Blaise Compaoré arrivé au pouvoir, en 1987 lors d’un coup d’Etat dans lequel fut tué le capitaine Thomas Sankara, a été affaibli, après la crise socio-politique de fin octobre dernier.
M. Komboïgo, qui a déclaré qu’il a été élu pour relever le défi du changement vrai et de changement générationnel, a fait remarquer que le parti avait besoin d’une véritable révolution pour donner une nouvelle image de demeurer le parti leader au Burkina Faso.
Pourtant, dans le nouveau bureau du "CDP nouveau", on retrouve près de 75 membres, essentiellement d’anciens dignitaires, de députés et des ministres de l’ancien régime.
Blaise Compaoré, toujours en exil en Côte d’Ivoire depuis sa démission, préside la tête d’un haut Conseil du parti.
C’est ce qui explique la réaction des jeunes qui pensent n’avoir pas bénéficié de toute l’attention souhaitée. Ce groupe de jeunes s’est vu refuser l’accès à la salle du congrès à la clôture des travaux.
Cette sortie de mi-figue, mi-raisin de l’ancien parti au pouvoir a fait dire au politologue et analyste politique, Siaka Coulibaly, contacté par Xinhua, que ce bureau que le CDP ne présente pas en tant que tel, un nouveau visage.
"C’est vrai qu’il y a des ténors qui ne font plus partie des instances, (..) mais on n’a pas senti une volonté de changement radical", a-t-il noté.
"S’ils estiment que les personnes désignées sont capables de faire le travail pour relever le défis, il n’y aura pas de problème", a toutefois expliqué M. Coulibaly.
Selon les observateurs, des anciens dignitaires du CDP ont fait la moue et se sont mis à l’égard des travaux du congrès parce que les choix des membres du nouveau bureau sont toujours dictés d’ ailleurs et qu’il ne sera pas possible aux nouveaux désignés d’ avoir les mains libres pour travailler.
Les difficultés de l’ex-parti majoritaire ont débutées quand début janvier, des ténors, notamment Roch Marc Christian Kaboré ( ancien président de l’Assemblée nationale), Salif Diallo (ex- ministre d’Etat), Simon Compaoré (ex-maire de la capitale) et plusieurs autres figures emblématiques avaient démissionné, dénonçant un manque "de démocratie", avant de rejoindre l’ opposition, qui était en ordre de bataille contre un nouveau mandat de M. Compaoré.
Le nouveau président du CDP a indiqué que ce congrès " historique" se voulait une manifestation de la volonté de changement et la fin d’un conservatisme désuet et d’un favoritisme sélectif érigés en mode de gestion et d’administration des instances du parti.
Le parti cherche alors sortir d’une tour d’ivoire, marquée par une certaine "confiance" et une "méconnaissance" des réalités d’un pays où près de la moitié de la population vit avec moins d’un dollar par jour.
Avec une nouvelle équipe, le parti de M. Compaoré pense ouvrir une nouvelle page de son histoire.
"Le message a été bien, bien, bien, bien, bien compris", a martelé Eddie Komboïgo.
Mais pour l’analyste politique, Siaka Coulibaly, "on les verra à la tâche. Si les personnes qui ont porté le projet de modification de la Constitution (ayant provoqué la crise, ndlr), peuvent s’adapter au contexte nouveau et donner une nouvelle image à leur formation politique, sera une bonne porte de sortie pour eux".
La nouvelle équipe qui estime que l’ex-patron du parti, Blaise Compaoré a été un "grand bâtisseur" durant son règne de plus d’un quart de siècle a aussi reconnu ses erreurs.
"Il a réussi, mais il a également fait des erreurs. Puisse les erreurs de Blaise Compaoré nous servir de leçons", a soutenu M. Komboïgo.
"C’est une stratégie de communication pour s’adapter au contexte actuel marqué forcement par les événements des 30 et 31 octobre 2014", a répondu M. Coulibaly, précisant que les partisans de M. Compaoré "sont obligés de reconnaître que la ligne suivie avant n’était pas totalement bonne".
Le Burkina Faso, pays sahélien de près de 18 millions d’ habitants, a été ébranlé en octobre dernier par une crise socio- politique qui a fait une trentaine de morts et plusieurs centaines de blessés consécutive à la volonté affichée de l’ex-président Blaise Compaoré de modifier la Constitution pour lui permettre de briguer un nouveau mandat, après 27 ans de règne.
Des élections présidentielles et législatives auront lieu, le 11 octobre 2015, tandis que les municipales sont prévues, le 31 janvier 2016, pour rétablir l’ordre constitutionnel. F