« Philippe Ouédraogo a été élu alors qu’il n’est pas à jour de ses cotisations.» C’est ce qu’affirmait Etienne Traoré dans un entretien aux Editions « Le Pays » après le congrès du PDS/Mètba. Suite à ce reproche de son ancien challenger à la présidence du parti, la réaction de Philippe Ouédraogo ne s’est pas fait attendre. « Je veux qu’Etienne Traoré en apporte les preuves. C’est un argument mesquin qu’ils ont sorti, qui ne vaut rien. Puisqu’à aucun moment, on n’a demandé aux gens de faire la preuve qu’ils sont à jour de leurs cotisations avant de venir comme membre du congrès ou d’être candidat », a rétorqué le nouveau président du « Parti des bâtisseurs », avec lequel nous avons échangé le mardi 5 mai 2015 à Ouagadougou. Tout en invitant Etienne Traoré à assumer les conséquences de son acte en claquant la porte du congrès, Philippe Ouédraogo dit qu’il se sent encore plein d’énergie et capable de travailler pour accomplir avec succès, ses nouvelles missions.
« Le Pays » : Vous venez d’être élu à la tête du PDS/Mètba sur fond de contestation. Que s’est-il exactement passé ?
Philippe Ouédraogo : Je pense que c’est une vision un peu particulière. J’ai été élu par le premier congrès extraordinaire tenu les 2 et 3 mai 2015. Mais je ne suis pas contesté. J’ai été élu par la quasi-totalité des congressistes présents. Il y a seulement que nous étions deux candidats ; aucun de nous ne voulait se retirer pour le poste de président. Aucun arrangement n’a pu être obtenu. Et mon concurrent, Etienne Traoré, a préféré se retirer de la salle avec une vingtaine à peu près de congressistes. Si on appelle cela une contestation d’une élection, je pense que ce n’est pas exact. Etienne Traoré ne peut pas contester mon élection. Il ne peut me contester mon droit d’être candidat. Il voulait que je retire ma candidature mais c’est mon droit. Je ne veux pas retirer ma candidature.
Etienne Traoré vous reproche notamment d’avoir pris la tête du parti alors que vous n’êtes pas à jour de vos cotisations. Que dites-vous sur ce sujet ?
Je veux d’abord qu’il en apporte les preuves. Comme c’est quelqu’un qui aime avancer des choses sans preuve, je souhaite qu’il puisse le prouver. Il est vrai que j’avais dit la veille qu’aucun trésorier n’était venu me voir pour me demander mes cotisations et que par conséquent, je ne paie pas mes cotisations dans ces conditions-là. Mais est-ce que lui-même peut faire la preuve qu’il est à jour de ses cotisations ? Celui qui est le premier à soulever cette affaire de cotisation, lui-même a abandonné la direction du parti dont il était le secrétaire national aux affaires extérieures pendant deux ans et demi, pour ne réapparaître qu’à l’occasion de la préparation du congrès. Pendant tout ce temps, où est-
ce qu’il était ? Il n’est jamais venu assumer ses responsabilités de membre national du bureau. Je parle de Georges Compaoré qui a soulevé ce problème de cotisation. Par conséquent, c’est certain que lui-même n’est pas à jour de ses cotisations. C’est un argument mesquin qu’ils ont sorti. Puisqu’à aucun moment, on n’a demandé aux gens de faire la preuve qu’ils sont à jour de leurs cotisations avant de prendre part au congrès ou d’être candidats. C’est un argument trouvé au dernier moment et je demande à Etienne Traoré d’apporter la preuve que je ne suis pas à jour de mes cotisations et que lui l’est.
Mais au juste, êtes-vous à jour ou pas de vos cotisations ?
Quand on donnera les preuves, je vous donnerai une réponse. En attendant, je demande que ceux qui portent l’accusation apportent les preuves de ce qu’ils disent et montrent qu’eux, ils sont en règle.
Accepterez-vous de remettre en jeu votre poste contesté par une partie des militants comme le souhaite Etienne Traoré ?
Qui a contesté ? Des gens qui sont sortis de la salle lors du congrès ? Le congrès ne se tient pas en dehors de la salle mais à l’intérieur. Le congrès m’a élu président. Pourquoi vais-je remettre en jeu ma candidature ? Avant d’arriver à la phase des élections, le bureau sortant donne sa démission. Donc, plus personne n’est membre de la direction du parti. Et on met en place, juste avant, un bureau de séance pour présider les élections. Si on ne veut pas respecter le congrès et qu’on sort parce que l’on sait que l’on va être battu, il faut assumer les conséquences de son acte. Le congrès m’a élu normalement, pourquoi vais-je remettre en cause mon élection ?
« Il n’y a pas de clash entre Etienne et moi »
Le clash entre vous et Etienne Traoré ne contribuera-t-il pas à fragiliser le PDS/Mètba?
Il n’y a pas de clash. Il était candidat et je l’étais aussi. Et le congrès devait nous départager. Puisqu’il est écrit clairement dans les statuts que les gens sont élus et que pour un certain nombre de postes comme celui de président, l’élection au premier tour devait se faire à la majorité des deux tiers et à la majorité simple au tour suivant. Il n’a pas voulu accepter l’application des statuts ; il a préféré se retirer. Mais ce n’est pas une raison pour chercher à imposer ses propres règles à l’ensemble du congrès.
Qu’est-ce qui vous oppose fondamentalement à Etienne Traoré ?
Rien, sauf que moi aussi, j’étais candidat comme lui. Je voulais que lui comme les autres, respecte mon droit d’être candidat à la présidence du parti. On nous dit qu’il faut un consensus. Il ne veut pas se retirer, moi non plus. Je suis candidat et je maintiens ma candidature. J’ai demandé au congrès de nous départager. Il n’a pas voulu et il est sorti. Qu’est-ce que vous voulez que je dise ? (Rires). Malgré tout ce qu’il dit dans la presse, je suis tout à fait disposé à travailler avec lui. Dans l’interview qu’il vous a accordée, j’ai lu tout un ensemble de choses complètement inexactes, je dirais même volontairement inexactes. Par exemple, il dit ceci : « Peut-être que c’est pour des ambitions personnelles. Certains ont dit lors du congrès qu’il n’est pas question de laisser des étrangers venir diriger le parti ». Je ne sais pas à quel moment quelqu’un a dit cela, c’est inexact ; je ne vais pas dire que c’est un mensonge parce que cela peut être offensant, mais c’est tout à fait inexact. Ensuite, il dit : « Il y en a qui pensent que nous sommes dans la cour du PDS et que nous ne sommes pas dignes de prendre la direction du parti. Je ne vais rien forcer. Je vais me réorganiser autrement et le plus rapidement possible ». Ces propos, ce sont ses propres vues et interprétations. Il ne peut pas les attribuer à qui que ce soit au niveau du congrès. Personne n’a jamais vu les choses de cette manière. Moi, j’ai mon droit d’être candidat et j’ai usé de ce droit. Etienne Traoré dit aussi ceci parlant de moi : « Il était membre d’honneur et généralement, les membres d’honneur ne sont pas des membres actifs. C’est l’ensemble du bureau qui avait accepté ce consensus ». Qui lui a dit que les membres d’honneur ne sont pas actifs ? Il n’a qu’à lire les statuts. On a dit que certains, pour l’apport qu’ils ont fait au parti et à partir de 65 ans, peuvent être faits membres d’honneur du parti. On n’a jamais dit qu’ils ne sont pas actifs. Par exemple, le président feu Hama Arba Diallo, malheureusement disparu, était membre d’honneur. Moi-même, j’étais membre d’honneur. Cela ne nous a pas empêchés au niveau du bureau et bien que je ne sois pas du bureau, de me demander de représenter le parti aux réunions du CFOP (Chef de file de l’opposition politique). Ce que j’ai fait pendant plusieurs mois. Puis, lui-même m’a appelé pour me dire qu’il veut me proposer comme directeur national de la campagne en 2012. J’ai accepté et il a soumis la question au bureau national. J’ai travaillé comme directeur national de la campagne et je peux dire quasiment de septembre 2012 à mai 2013, au moment où nous avons présenté le bilan de la campagne au bureau politique national du parti. Donc, j’étais actif ; si actif que finalement, à un moment donné, je l’ai importuné et il m’a fait savoir qu’il n’était pas content de me voir aux réunions du bureau. Donc, les statuts ne disent pas que les membres d’honneur ne sont pas actifs. Autre inexactitude, Etienne Traoré dit : « Nous avons fait cela dans le cadre de la promotion des femmes et jeunes du parti. Sinon, sa femme n’était pas dans le bureau passé, ni la fille d’Arba Diallo ». On se demande s’il était vraiment vice-président de ce bureau. Le bureau national a été établi le 31 mars 2012, et ces deux personnes auxquelles il se réfère, à savoir mon épouse et Leila Mariam Diallo, étaient membres du bureau politique national. Il dit qu’elles n’étaient pas membres du bureau national. C’est faux. Il veut faire croire que le bureau qu’ils ont concocté le 2 mai au soir était un bureau fait en favorisant des gens. Ce n’est pas vrai. Il dit par exemple : « Certains ont pensé qu’Arba Diallo n’étant plus là, nous ne sommes pas dignes de prendre sa place ». Qui lui a dit cela ? Si on lui avait dit cela, il ne serait peut-être pas candidat. Ou il allait faire une mise au point avant de l’être. Il parle du bureau proposé par le bureau national sortant ? D’abord, c’est une pratique qui existe. A aucun moment, les statuts du parti ne donnent le droit ou le devoir ou l’autorité au bureau national sortant d’établir une liste pour le bureau entrant. C’est une pratique qui existe et on propose les gens, mais le congrès est souverain ; il décide s’il veut ou pas tel membre proposé par le bureau national sortant. C’est ce qui s’est passé et il faut dire la vérité. C’est seulement le 2 mai au soir, à la fin de la première journée de réunion, qu’il a appelé les membres de la direction sortante à se rencontrer après les travaux, alors qu’il n’y avait qu’une minorité des membres du bureau. Et il a proposé des noms pour le bureau. Ce n’est pas ainsi que l’on compose un bureau national d’un parti. Il ne faut pas qu’il dise que c’était un bureau consensuel. Il n’a jamais été consensuel. A quel niveau ? Il n’était pas consensuel au niveau des membres du bureau national sortant a fortiori, au niveau du congrès. Voilà ce que je voulais dire et qu’à ce niveau, il y a beaucoup de points inexacts dans ses déclarations.
« Etienne s’est comporté comme s’il avait un clan dans le parti »
Quelles sont les conséquences de la crise actuelle sur la vie de votre parti ?
C’est une question qui relève de la responsabilité de Etienne Traoré. Parce qu’immédiatement, il s’est comporté comme s’il avait un groupe dans le PDS/Mètba. Ce n’est pas parce qu’il y a des gens qui ne sont pas contents que cela doit créer une cassure au sein du parti. Je vois dans l’interview qu’il vous a donnée, qu’il envisage clairement de quitter le parti, voire de créer un autre peut- être. Comme il est encore sous le coup de l’émotion et de la colère, peut-être de la déception, il ne faut pas prendre trop au sérieux ce qu’il dit puisque la raison peut lui revenir ainsi qu’à ceux qui l’ont suivi et qu’ainsi, nous allons pouvoir continuer à travailler ensemble. Mais on ne peut pas obliger quelqu’un à travailler avec nous. S’il veut partir, la décision lui revient. Je sais que quand il est sorti de la salle pendant le congrès, il appelait du dehors, des gens qui étaient à l’intérieur au téléphone pour leur dire de sortir aussi. Pourquoi cela ? C’est comme si finalement, il avait un clan dans le PDS et cela n’est pas correct. On ne peut pas se comporter comme si l’on était chef de clan à l’intérieur du parti ; cela est inacceptable.
Quel message aux militants du PDS/Mètba en cette circonstance ?
Il faut que les militants sachent que malgré les menaces et chantages des uns et des autres, le parti ne risque rien. Le parti veut continuer à travailler avec tous ceux qui veulent rester membres. Nous appelons les uns et les autres à garder leur calme, à continuer à être militants du PDS/Mètba et à faire le travail que le parti attend d’eux, notamment en cette période électorale. A Etienne Traoré, je dirai qu’il faut que nous sachions raison garder, que nous ne versions pas de l’huile sur le feu et que nous examinions sereinement la situation. Nous pouvons et devons continuer à travailler ensemble, dans l’intérêt du parti. Nous n’avons aucune raison de revenir à une situation antérieure parce que nous avons tous mesuré l’intérêt de la fusion. Il faut que l’on travaille ensemble. Mais si l’on travaille ensemble, il ne faut pas que l’on considère finalement chaque fois que l’on est chef de clan.
Interview réalisée par Saïdou ZOROME
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