Prévues pour se tenir du 4 mai au 26 juin 2015, les assises criminelles ont été reportées sine die. Un report expliqué par le ministère de la Justice, des droits humains et de la promotion civique par le fait que les avocats exigent que leurs honoraires, qui étaient de 100 000 F CFA, soient rehaussés à 300 000 F CFA. « Je m’insurge en faux contre ces allégations. Notre décision de ne pas prendre part aux assises criminelles n’est pas liée à des questions d’honoraires mais de questions pratiques de déontologie et d’éthique », a expliqué Mamadou Traoré, bâtonnier de l’ordre des avocats, au cours d’une conférence de presse tenue hier 4 mai 2015 à la Maison de l’Avocat.
« Lorsque j’ai appris dans la presse que les assises criminelles ont été reportées parce que nous exigeons une augmentation de nos honoraires, je suis tombé des nues », a dit Mamadou Traoré, bâtonnier de l’Ordre des avocats du Burkina, visiblement remonté au cours de la conférence de presse qu’il a jugée précipitée, mais nécessaire au regard de l’actualité brûlante. La vraie raison de leur non-participation à ces assises criminelles qui étaient prévues, faut-il le rappeler, du 4 mai au 26 juin 2015, est d’ordre pratique, déontologique et éthique. Des problèmes qu’ils ont commencé à poser pour les uns depuis 2006 et 2010 et pour les autres depuis 2013 et 2014. « Précisément, nous avons posé deux préalables pour pouvoir aller à ces assises. Premièrement, nous avons demandé à ce que les dossiers qui ont fait l’objet d’enquête soient jugés avant ceux qui sont inscrits à l’Ordre du jour des assises criminelles qui étaient prévues. Nous voulons par-là parler entre autres des dossiers de magistrats qui n’ont pas encore été clarifiés. Pourquoi ces magistrats qui sont dans les dossiers ne peuvent-ils pas être poursuivis ? Il faut clarifier ceux-là qui doivent juger ; voilà ce que nous demandons. Deuxièmement, nous avons dénoncé le traitement des dossiers par ancienneté de mandat », a expliqué Mamadou Traoré, qui fait savoir que le problème des honoraires était le dernier point de leur revendication. Et sur ce point, il fait savoir qu’ils ont parfaitement raison parce que tout travail mérite un salaire. Tout en confiant qu’ils défendent gratuitement des clients à longueur de journées, Mamadou Traoré a indiqué que la somme de 300 000 F CFA demandée par avocat lors des assises criminelles ne date pas d’aujourd’hui et n’est pas la mer à boire pour le Burkina Faso. Prenant exemple sur le Bénin qui a fixé les honoraires à 500 000 F CFA et le Sénégal à 300 000 F CFA et récemment à 800 000 F CFA, il a fait savoir que la somme de 100 000 F CFA qui leur est versée est dérisoire et par conséquent ne peut pas couvrir leurs besoins. Outre ce problème, le bâtonnier a évoqué une raison pratique : le délai de traitement des dossiers confiés aux avocats. Clairement, il explique : « La loi voudrait que les dossiers qui doivent être connus par les avocats leur soient transmis trois mois avant les assises. Mais nous avons remarqué qu’à tout moment, c’est à moins de trois semaines des assises qu’on nous fait parvenir ces dossiers pour nous demander de commettre un avocat. Comment, en moins de trois semaines, un avocat peut-il être efficace avec un dossier ? Nous ne pouvons pas continuer à travailler comme cela ». C’est donc, selon les conférenciers, l’ensemble des problèmes qui ont été posés depuis 2006 qui est à l’origine de leur non-participation aux assises criminelles qui étaient programmées, et non pas des raisons d’honoraires comme certains le font croire.
Yannick SANKARA