Les assises criminelles, qui devaient s’ouvrir le 4 mai prochain, n’auront plus lieu. Le ministère en charge de la Justice a décidé de leur report à la suite du refus des avocats d’y participer tant que certaines de leurs revendications, dont le relèvement des indemnités servies aux avocats commis d’office, ne seront pas acceptées.
« Suite à un quiproquo intervenu entre le Barreau et la Cour d’appel de Ouagadougou, nous sommes au regret d’annoncer le report de ces audiences de la chambre criminelle de Ouagadougou », a annoncé le secrétaire général du ministère de la Justice, Paulin Bambara, lors d’un point de presse tenu dans la soirée du jeudi à Ouagadougou. Ce quiproquo : le refus des avocats de participer à ces assises, tant que les indemnités servies aux avocats commis d’office, ne seront pas rehaussées de 100 000 FCFA à 300 000 FCFA.
Et tant qu’il n’y a pas d’avocats, ces procès ne peuvent pas avoir lieu, en raison notamment de la lourdeur des peines qu’encourent les prévenus. Comme l’explique le secrétaire général, « L’Etat est obligé de pourvoir en avocats les accusés qui n’en ont pas, parce que ces accusés encourent les peines les plus lourdes. Dans notre législation jusqu’à présent, nous avons la peine de mort. Et lors de ces sessions de la Chambre criminelle, les peines peuvent aller jusque-là ».
Le budget pour les présentes assises est de 61 0000 FCFA, dont 13 millions pour la prise en charge des avocats. « S’ils réclament une augmentation à 300 000F CFA, imaginez ce que cela va représenter » a fait remarquer M. Bambara qui assure qu’une décision d’augmenter ne peut pas être prise par son seul ministère.
Ce n’est pas la première fois que la question des indemnités est posée. Les dernières assises en 2014 avaient du reste été boycottées par les avocats dans un premier temps. Il y avait eu des discussions avec les autorités judiciaires de l’époque. Les avocats avaient dénoncé les entraves dont ils étaient l’objet au niveau de certaines juridictions et la question du relèvement de l’allocation pour la commission d’office qui est une de leurs revendications depuis 2006.
Ils estimaient également que les délais dans lesquels ils étaient saisis étaient très courts. « Les délais dans lesquelles ont saisissait les avocats dans les affaires criminelles étaient tels que nous étions finalement non plus des avocats au prétoire mais de simple figurants. On vient vous saisir d’un dossier dans lequel une personne risque la peine de mort à une semaine voire quelques jours du procès. On ne peut pas dans ces conditions préparer de façon efficiente la défense du prévenu », affirme l’un d’eux.
A noter qu’il existe d’autres points de désaccord. L’un d’eux est la question de la préséance dans la programmation de l’ordre de passage des dossiers. Les avocats veulent que ceux qui ont des avocats soient jugés en premiers alors que, cette année, les autorités judiciaires ont programmé en fonction de l’ordre d’arrivée à la maison d’arrêt.
Les avocats exigent également la fin d’une sorte d’impunité institutionnelle qui couvrirait certains intouchables, alors que les « voleurs d’ânes ou de chèvres sont jugés ». Le dernier congrès des avocats tenu à Bobo Dioulasso en début d’année avait adopté plusieurs résolutions. L’une d’elle prévenait que les avocats ne continueront plus à participer aux assises alors que des personnes qui devaient y être présentés jouissent d’une impunité.
Ils pointent du doigt les très nombreux dossiers qui encombrent les placards du ministère et qui concernent des acteurs de la chaine de la justice. « Ces dossiers ont fait l’objet d’enquêtes claires avec rapports de l’inspection générale des services judiciaires. On n’en parle pas. Tout le monde doit pouvoir être jugé », a dénoncé Me Batibié Benao, secrétaire général du Syndicat des avocats du Faso dans une interview sur la radio Ouaga FM.
Des négociations doivent s’ouvrir cette semaine entre les deux parties. L’objectif étant de parvenir à un accord afin que les assises soient reprogrammées avant les vacances judiciaires qui débutent traditionnellement au mois de juin.