Ceci est une déclaration du Mouvement Burkinabè des droits de l’Homme et des peuples (MBDHP)/ section du Gourma, sur l’annonce faite par les autorités de déguerpir très prochainement les populations de kaboanga 2 et éventuellement ceux de Kounkoufoanou dans la région de l’Est. Pour le MBDHP, ce n’est ni plus ni moins qu’une grave atteinte aux droits humains. Lisez plutôt !
Lors de la conférence de presse qu’elle a organisée le 26 mars 2015, après avoir fait un tour d’horizon de diverses situations d’atteinte aux droits humains dans la Région de l’Est, la section MBDHP du Gourma lançait déjà un cri d’alarme en ces termes : « …il est très probable que dans quelques jours seulement, on assiste à une autre situation d’atteinte aux droits humains, au regard de la décision du conseil des ministres du 18 février dernier ».
« I.7. AU TITRE DU MINISTERE DES RESSOURCES ANIMALES
Le Conseil a adopté un rapport portant réaffirmation de la vocation de la zone pastorale de Kaboanga par le déguerpissement des exploitants illégaux.
Située dans les régions de l’Est et du Centre-Est, la zone pastorale de Kaboanga, d’une superficie de 51 000 Hectares, est irrégulièrement occupée par des agriculteurs, alimentant des conflits liés à la difficulté de mobilité du cheptel.
L’adoption de ce rapport permet la mise en place d’une stratégie d’information et de sensibilisation, en vue du déguerpissement des acteurs anarchiquement installés avant la saison hivernale. »
Craignant que le délai ainsi imparti par le gouvernement ne puisse permettre à cette population paysanne d’avoir le temps matériel et les moyens financiers nécessaires en vue de se trouver un point de chute pour s’offrir un gîte d’une part, et trouver un lopin à défricher pour son gagne-pain d’autre part, le MBDHP/ Gourma a rencontré le Gouverneur de la région de l’Est le 31 mars pour lui soumettre cette préoccupation.
Le Gouverneur s’était offusqué, soi-disant que les autorités étaient parfaitement conscientes qu’il s’agissait bien d’êtres humains et qui, ipso facto, ne sauraient être traités tel qu’imaginé par le MBDHP.
Et pour se faire rassurant, le Gouverneur précisa que les populations concernées étaient déjà informées et que toutes les mesures idoines seraient prises pour que ce déplacement de population se fasse dans les règles de l’art. C’est donc sur une note d’optimisme général pour les populations concernées et de satisfaction pour la population spécifique de Kounkoufoanou que la délégation du MBDHP avait quitté le Gouverneur. Car selon le Gouverneur, les populations concernées étaient déjà informées. Et comme Kounkoufoanou n’avait pas reçu de notification, cela traduit que Kounkoufoanou n’est pas concerné par le déplacement de population, d’où la satisfaction du MBDHP, au regard des tracasseries subies par ce peuplement, du fait de la zone pastorale.
En effet, Kounkoufoanou est une localité voisine de la zone pastorale de Kaboanga. Installé à Kounkoufoanou depuis 1983, c’est en 2004 que cette communauté de plus de six mille âmes constate l’érection de balises d’un côté de la localité. L’année suivante, c’est-à-dire en 2005, le haut-commissaire de la Kompienga vint lui fournir des explications. La population apprit ainsi que les bornes délimitaient une zone pastorale. Et le haut-commissaire précisa que Kounkoufoanou n’était pas concerné par le déplacement et que c’est le village de Kaboanga 2 qui devait être déplacé.
Après des velléités d’expulsion par des éléments des FDS venus du Koulpelogo en août 2013, et après une information des autorités de Fada N’Gourma en avril 2014 tendant à inclure Kounkoufoanou dans la zone pastorale, la population se déporte à Fada et y effectue une marche de protestation le 6 mai 2014. A cette occasion, le responsable de la police lui dit que l’expédition d’août 2013 était destinée à Kaboanga 2. Et selon le Secrétaire général de la région, Kounkoufoanou n’est pas concerné. Et pour la marche de ce jour-là (le 6 mai), au lieu de Kounkoufoanou, c’était plutôt Kaboanga 2 qui était attendu.
Et voici que le mercredi 22 avril dernier, la population reçoit la visite d’une mission composée du haut-commissaire du Gourma, du préfet du département de Fada N’Gourma, par ailleurs président de la délégation spéciale de la commune de Fada N’Gourma, d’éléments des forces de défense et de sécurité ainsi que d’un émissaire venu de Ouagadougou.
En substance, il s’est agi pour la mission de signifier à la population qu’à compter du 22 avril, elle disposait de huit jours pour déguerpir, purement et simplement.
Comme on peut le constater, au niveau de l’administration, c’est la cacophonie : aucune entité n’est en mesure de préciser les limites exactes de la zone pastorale et partant, la situation exacte de Kounkoufoanou en relation avec la zone pastorale. C’est donc dans ce flou que le Conseil des Ministres a adopté son rapport et que l’on s’apprête à expulser la population de Kounkoufoanou manu militari, avec un préavis de huit jours.
Au delà de l’incertitude liée à l’inclusion de Kounkoufoanou dans la zone pastorale, il est évident que l’aspect humain pose des problèmes manifestes, du fait de la « stratégie d’information et de sensibilisation » utilisée par les autorités. Aller donner un ultimatum de huit jours à une population pour quitter là où elle a toujours résidé, sans lui proposer un site d’accueil ni la moindre mesure d’accompagnement, voilà la « stratégie d’information et de sensibilisation » qui a été trouvée pour expulser la population de Kounkoufoanou dans les règles de l’art.
Naturellement la population de Kounkoufoanou s’insurge contre cette façon de faire. Elle a clairement affirmé à la mission qu’elle n’entendait pas déguerpir et que pour rester, elle était prête à tout affronter, y compris la mort. Car dans tous les cas, cette expulsion manu militari, sans point de chute ni mesure d’accompagnement, est purement et simplement synonyme de mort pour cette population paysanne ainsi privée de son gagne-pain, sans compter les difficultés liées au relogement et à la poursuite de la scolarisation des enfants.
A travers la présente déclaration, sans remettre en cause la vocation de la zone pastorale de Kaboanga, le MBDHP/Gourma appelle une fois encore, les autorités à la pondération et au respect des droits humains dans ce projet de déplacement de la population, afin que soit évité ce drame humain qui se dessine à Kounkoufoanou.
Pour la section, la Présidente.