Au lendemain de l’insurrection populaire de fin octobre 2014, l’Union nationale des producteurs de coton du Burkina (UNPCB) a plongé dans une crise de leadership profonde. L’impression de cohésion, qui se dégageait de l’organisation, a volé en éclats, avec le vent du changement qui venait à peine de souffler sur le Burkina. Un groupe de frondeurs, emmené par l’ancien secrétaire général adjoint de l’organisation, Doyé Zoumbièssé, est monté au créneau, pour reprocher au président Karim Traoré, une gestion « opaque » des finances et une « politisation » de l’UNPCB. Les langues se sont manifestement déliées au sein de la grande famille des cotonculteurs, et c’est à croire que quelque chose ne tourne vraiment pas rond dans les rangs. Sous les feux de la rampe, le principal accusé paraît imperturbable, il rejette en bloc les récriminations à son encontre. Refusant de démissionner, il voit derrière ses « ennemis », la main destructrice de son devancier à la tête de l’UNPCB, le très emblématique François Traoré. La situation est tellement explosive, qu’elle a fini par provoquer une fracture visible au sein de l’UNPCB. Les protagonistes n’hésitent pas à décocher les flèches les uns contre les autres, pour peu qu’une tribune médiatique s’offre à eux. L’illustration a encore été faite, le dimanche 26 avril 2015, sur le plateau de l’émission de débat à la RTB, « Controverses », où le chef des protestataires et le président de l’UNPCB se sont attaqués sans gêne. Alors qu’ils étaient suivis en direct par des milliers de téléspectateurs, les deux leaders ont une fois de plus fait montre d’animosité. Censés donner l’exemple à la base, ils n’ont pas pu élever le niveau de débat et présenter un spectacle plus civilisé. L’heure n’est donc pas à l’union sacrée autour de la filière coton. Et l’atmosphère est telle, qu’une frange de producteurs ont juré de ne plus produire du coton, tant que Karim Traoré tiendra toujours les rênes de l’union. Même si les audits en cours venaient à blanchir le président de l’UNPCB, il n’est pas sûr que la donne change. Ce refus de cultiver le coton inquiète à plus d’un titre, puisque ce secteur est vital pour l’économie burkinabè. C’est une filière, qui génère de nombreux emplois et rapportent d’importantes devises au pays. Et par la force du travail, les cotonculteurs burkinabè ont réussi, en quelques années, à hisser le Burkina Faso au rang de premier pays producteur de coton en Afrique de l’Ouest. Ce n’est pas maintenant qu’il faut mettre en péril un secteur déjà affecté par les aléas climatiques et la conjoncture économique. Il est évident, que la campagne cotonnière 2015-2016, dont l’objectif de produire 800 000 tonnes, est fortement menacé. On aurait pu penser le contraire, si certains producteurs n’avaient pas fait étalage de leur démotivation à la suite de la crise à l’UNPCB. Karim Traoré a beau rassuré le peuple, que tout ira pour le mieux, le scepticisme est difficile à combattre. Quelle quantité de coton sera réellement produite ? Telle est l’énigme. Cette querelle de leadership n’augure rien de bon dans la filière coton. Surtout qu’il se susurre, que le problème se serait déplacé sur le terrain ethnique. Du jamais vu au sein de l’UNPCB ! Les intérêts personnels ont carrément pris le dessus, que le pire est à craindre. Alors, les producteurs doivent impérativement se ressaisir, en s’affranchissant des griffes des démons qui les malmènent, ces temps-ci. Ils ne regardent plus dans la même direction, et c’est absurde. Certains veulent produire du coton, d’autres ne veulent plus en entendre parler, ou du moins tant que les accusations portées contre Karim Traoré ne seront pas tirées au clair. Ou allons-nous dans ces conditions ? Le mystère est entier. Seulement, il serait raisonnable que les cotonculteurs sifflent au plus vite la fin de la guéguerre. Il leur faut tirer leçon de leurs divergences et se parler franchement pour ramener la sérénité dans le secteur. Si cela doit passer par la démission de Karim Traoré, qu’il en soit ainsi. Un feuilleton pareil ne grandit pas l’UNPCB. Absolument pas !
Kader Patrick KARANTAO
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